[Par Saida Huseynova]
« Je ne l’ai jamais avoué, mais le plus horrible fut ce premier pas à l’intérieur de la cellule. La porte qui se referme. La clé qui tourne deux fois dans la serrure. Et le sentiment de désolation qui vous envahit »… avoue Zara Mourtazalieva, journaliste tchétchène, dans son livre, un témoignage de son histoire, qui vient d’être publié en français.
Zara Mourtazalieva est née en 1984 en Tchétchénie, République autonome de Russie. En 2003, après la mort de son père, cette jeune étudiante arrive à Moscou pour y gagner sa vie. Le 4 mars 2004, elle est interpellée à la sortie de son travail, une pratique courante de la police moscovite envers des personnes « de nationalité caucasienne » (expression couramment utilisée par la police pour designer l’origine ethnique des ressortissants du Caucase). Mourtazalieva va tomber dans le piège ; elle sera arrêtée, accusée de terrorisme, à cause d’un petit paquet d’explosif qui sera placé dans son sac au commissariat, en son absence. Par la suite avec cette fausse accusation elle sera condamnée à huit ans et demi de détention en colonie pénitentiaire malgré la mobilisation des médias et nombreuses ONG de défense des droits de l’homme.
Dans son livre « Huit ans et demi. Une femme dans les camps de Poutine » Zara Mourtazalieva raconte tout ce qu’elle a subi et supporté pendant huit ans et demi ; le piège, l’injustice, la solitude, la douleur, la peur, la force, la vie en prison, l’amitié, la famille, l’amour… et l’espoir… L’espoir qui ne la quittera jamais, l’espoir qu’un jour tout ce cauchemar se termine, ce seul espoir lui donnera envie de rester en vie et surtout de rester elle-même dans le monde cruel de la prison.
Dans son livre elle témoigne surtout de la vie en colonie pénitentiaire, l’injustice totale envers les femmes ; les humiliations, les coups, les tabassages, la violence, le travail forcé, les punitions qui parfois, conduisent à la mort. Elle compare le système pénitentiaire du régime de Poutine à celui de Staline. Le régime qui détruit les destins des milliers de personnes et le système judiciaire, comme une usine, qui ne sert qu’à fabriquer des prisonniers.
Mourtazalieva raconte également les histoires d’autres femmes détenues dans la prison où les innocentes et coupables sont destinées à souffrir ensemble. Mais aussi l’amitié et la solidarité qui se forment entre elles. D’une coté, on devient témoin de la bravoure de ces femmes, de l’autre de la tendresse et la féminité qu’elles essayent tant de ne pas perdre, de ne pas devenir cruel dans le monde sévère de la prison.
En prison, on devient définitivement réaliste, avoue Zara Mourtazalieva. Condamnée alors qu’elle n’avait que vingt ans, en 2004, elle quitte la prison le 3 septembre 2012, la veille de son vingt-neuvième anniversaire. Ces années de détention ne l’ont pas affaiblie, au contraire. Elle décide de combattre l’injustice du système judiciaire en Russie. Mourtazalieva n’a jamais reconnu sa condamnation, le verdict de la justice. Après sa libération elle vient en France et réside à la Maison des journalistes à Paris. Elle obtient l’asile politique et veut continuer son combat commencé. Zara Mourtazalieva est soutenue par plusieurs ONG de défense des droits de l’homme.