[Par Benson SERIKPA]
La liberté de la presse court un réel danger en Côte d’Ivoire. C’est le cas de le dire, au moment où le monde entier veut commémorer la liberté de la presse ce 3 mai 2014.
En effet, cette année encore à l’instar des deux années précédentes, depuis l’accession au pouvoir d’Alassane Dramane Ouattara (ADO), le Conseil national de la Presse (CNP) présidé par Raphaël Lakpé, mène la presse à la baguette. Les organes de presse sont suspendus tous azimuts pour dit-on «offense au chef de l’Etat».
Le tout dernier coup de massue porté à la liberté de la presse date de quelques semaines. Cinq journaux dont quatre de l’opposition et un se réclamant indépendant ont subi le courroux du patron du CNP. Il leur est reproché d’avoir traité le chef de l’Etat ivoirien de DICTATEUR. Ce sont Bôlkotch, Le Temps, Aujourd’hui, Le Quotidien d’Abidjan (journaux de l’opposition) et Soir Info (journal indépendant).
Les premiers cités sont abonnés aux sanctions du CNP. Contrairement à Soir Info qui écope de la première flagellation sous le maître Raphaël Lakpé. Un coup dur qui a fait son effet. D’autant plus que, pour survivre ces organes de presse à l’exception de Bôlkotch (Groupe La Refondation créé par Laurent Gbagbo) ont demandé la clémence de Raphaël Lakpé afin de lever la suspension qui leur a été infligée. Ce qui a été fait comme par enchantement dès que les responsables de ces médias sus-cités ont présenté leurs excuses pour le délit commis.
En refusant de se «déculotter», pour utiliser le même terme que le premier responsable du groupe La Refondation, le journal Bôlkotch continue encore à ce jour de digérer sa peine.
Et pourtant en désignant Alassane Dramane Ouattara comme un DICTATEUR, les organes de presse indexés hormis Soir Info, n’ont fait que dire ce qu’est en réalité celui qui occupe la tête de l’Etat ivoirien depuis 3 ans.
En effet, depuis le coup d’état militaire du 11 avril 2011, qui a renversé Laurent Gbagbo, le président élu et investi par le Conseil constitutionnel, la Côte d’Ivoire traverse une dictature sans précédent. Plus de 800 prisonniers politiques dont Simone Gbagbo épouse du président déchu, croupissent dans les prisons ivoiriennes érigées en camp de torture. Les domiciles de l’ensemble des collaborateurs et proches de Laurent Gbagbo sont occupés par les chefs des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) et dozo, milices armées d’Alassane Dramane Ouattara. Ces forces parallèles, telle la Gestapo de l’époque hitlérienne commettent des exactions, des exécutions sommaires, des enlèvements, violent et pillent en toute impunité. Les comptes bancaires des responsables des principaux partis de l’opposition sont gelés. Ce qui a occasionné l’exil de plus d’un million d’ivoiriens à travers le monde. Toutes les institutions nationales sont aux mains des affidés d’Alassane Dramane Ouattara qui, mènent une véritable chasse aux sorcières aux pro-Gbagbo dans les services publics, au mépris des lois républicaines. Les partis politiques alliés au Rassemblement des républicains (RDR), le parti d’ADO, n’existent que de nom. Les partis de l’opposition avec à leur tête le Front populaire ivoirien (FPI), le parti de Laurent Gbagbo, sont enchaînés. Les responsables de ces partis politiques sont soit emprisonnés, quand ils dénoncent les agissements inhumains et macabres du régime Ouattara, soit interdits de séjour à l’extérieur. La justice est aux ordres puisqu’elle ne sanctionne que ceux qui ne partagent pas les opinions du régime en place à Abidjan.
Par la force des armes la Côte d’Ivoire file tout droit vers la pensée unique. Ce qui remet gravement en cause les acquis de 1990, notamment le multipartisme, la démocratie, la liberté d’expression et la liberté de la presse.
Dans un tel contexte, dire d’Alassane Dramane Ouattara qu’il est un DICTATEUR n’est rien d’autre que dire ce qu’il est en réalité. Refusant ainsi de cautionner l’arbitraire, l’injustice, l’impunité, les actes anti démocratiques. En informant donc les lecteurs, l’opinion nationale et internationale sur les graves manquements sur les Droits de l’Homme et la liberté d’expression que vivent les populations ivoiriennes au quotidien depuis bientôt trois ans, les journalistes ivoiriens ne font que leur métier, à l’instar de leurs confrères du monde entier. C’est-à-dire, INFORMER ET DIRE LES FAITS RIEN QUE LES FAITS. Les réduire au silence à coups de sanctions, c’est faire peser de graves menaces sur la liberté de la presse, qui, peine déjà à subsister dans cette situation de post crise difficile au plan économique.
Conséquence de cette tentative de musellement et d’assujettissement de la presse de l’opposition qui n’est pas à son coup d’essai, une trentaine de journalistes se retrouvent en exil forcé. Plus d’un millier des professionnels de média d’Etat, présumés proches de Laurent Gbagbo ont été sans fioritures jetés à la rue. Des tentatives d’assassinats et assassinats de certains journalistes dont Sylvain Gagneteau, Desiré Oué, pour ne citer que ceux-là. Au point où, selon le dernier rapport de Reporters sans frontières (RSF) en matière de liberté de la presse, la Côte d’Ivoire est classée 101ème sur 180 pays.
La célébration de la journée internationale de la liberté de la presse est donc une occasion pour lancer un appel à la Communauté internationale sur la détresse de la presse ivoirienne. Au risque de la voir disparaître, ou contrainte à se plier à la volonté du DICTATEUR Alassane Dramane Ouattara.