[Par Larbi GRAÏNE]
La France connaît depuis des années un changement démographique énorme, les Franco-algériens, qui sont actuellement au nombre de quatre millions d’individus environ atteindront bientôt les huit millions et l’islam confirmera sa place de seconde religion de France. La France ne sera plus comme avant car les identités y seront plurielles. On en voit déjà les prémisses au niveau des grandes villes. Il y a 20 % de mariage mixte en France contre 3 % en moyenne dans le reste de l’Europe. Ce sont là quelques unes des conclusions auxquelles est parvenu le Forum France-Algérie, qui organisait jeudi 26 juin à la mairie du XVème de Paris, une rencontre-débat sur le thème « la France à l’heure de la diversité. Quels impacts sur le modèle d’intégration républicain et l’identité ? ».
Comme il fallait s’y attendre la prestation de l’équipe algérienne de football en coupe du monde a retenu l’attention des cinq conférenciers invités : Karim Amellal, co-fondateur de Chouf-chouf.com, maître de conférences à Sciences Po, Nadir Kahia, Président de Banlieue Plus, Nacer Kettane, PDG de Beur FM, Fadila Mehal, Présidente d’honneur des Marianne de la diversité et Madjid Si Hocine, animateur du site l’Egalité d’Abord. Le débat a été modéré par Farid Yaker président du Forum France-Algérie.
Pour Madjid Si Hocine la question de l’identité a été posée tardivement en France, elle a été versée d’après lui au débat public suite à la guerre franco-allemande de 1870 où il s’agissait de séparer l’identique du différent. Selon lui une nouvelle catégorie de Français , les « néo-Français » (pas blancs et pas catholiques) fut alors mise à l’honneur. L’émergence plus tard du Front national a-t-il argumenté servira en même temps de venin, en polluant le débat politique, et d’aiguillon en favorisant la montée des courants opposés. « Sarkozy apparaît alors dans un contexte psychiatrique marqué par l’hystérie et un glissement vers l’islamophobie ».
De son côté, Nadir Kahia insiste sur l’importance de l’aspect historique, rappelant que la France a eu de la peine à intégrer dans son giron la Bretagne et la Corse. « Ce qui pose problème, c’est qu’on veut mettre les mêmes caractéristiques pour tout le monde , ce qu’une partie de citoyens n’est pas prêt d’accepter a-t-il soutenu. Et de citer l’exemple des habitants de Mayotte qui ne peuvent s’illustrer que différemment. « Les choses sont très simples, on les complique, ceux qui les compliquent sont les hommes politiques » accuse Nacer Kettane. Et de marteler quand j’ai lancé la radio Beur FM, la première page de Minute a proclamé en grosse manchette « l’invasion maghrébine » sur les ondes. Et de déplorer « nous ne sommes pas dans le roman français ».
« Ce n’est pas l’identité arabe ou musulmane qui pose problème mais c’est la crise économique. Je pense que les choses vont s’empirer » s’alarme pour sa part une intervenante franco-algérienne, qui exerce en tant que journaliste dans la presse régionale. Elle réfute la thèse selon laquelle les Franco-algériens ne s’identifient pas à la France, du fait du soutien infaillible qu’ils expriment à l’égard de l’équipe algérienne de football, en lice au Mondial. « Nous défilons pour l’Algérie mais nous sommes prêts pour la France quand c’est la France qui joue » a-t-elle expliqué.
Madjid Si Hocine n’en exprime pas moins un avis opposé : pour lui les Franco-algériens sont victimes de l’exclusion plus que le reste des Français d’origine étrangère. Les Franco-portugais estime-t-il sont mieux intégrés alors que leur présence sur le territoire français ne date que des années 80. Or les Algériens ont foulé le sol français au début du XXe siècle. L’assimilation des émigrés autres que maghrébins s’est posée en termes socio-économiques mais pour les Algériens, l’assimilation s’est heurtée au paradigme socio-culturel » a-t-il argué. Il rassure : « ce n’est pas grave de ne pas chanter la Marseillaise ». Et de juger idiote cette question de savoir si l’on est Algérien ou Français (allusion aux déclarations d’officiels français), ça me rappelle la question stupide qu’on nous posait, enfants, »est-ce que tu préfères ta mère ou ton père ? ». Et d’ajouter « tous ceux qui arrivent en France, l’ont fait pour de bonnes raisons ». Et d’appeler les communautés et l’islam de France à s’organiser.
Karim Amellal, quant à lui, juge que « l’identité française est difficile à cerner ». Se référant à un ancien sondage, Amellal soutient que la plupart des Français auxquels on a posé la question de savoir »qu’est-ce que l’identité française » ont répondu « c’est la sécurité sociale et le service militaire ». Selon lui, la France est en crise depuis 30 ans, cela coïncide avec l’ émergence des Néo-français ». Amellal a tiré quand même un satisfecit, en comparant la situation française à celle des États-Unis, « ça va mieux en France, en Amérique les Noirs sont moins bien lotis qu’il y a dix ans » a-t-il lancé. Et de marteler « Cessez de parler de modèle d’intégration, ça n’a pas de sens, c’est anecdotique, anachronique et obsolète ». Le Pr Amellal plaide pour la création des médias afin de permettre l’expression des opinions. Pour lui « l’émigration est la chance de ce pays ».