[Par René DASSIE’]
Les manifestations pro-palestiniennes et leurs débordements antisémites violents suscitent la peur chez les juifs de France. Depuis le déclenchement le 8 juillet de « Bordure protectrice », une nouvelle militaire israélienne dans la bande de Gaza, en réponse aux tirs de roquettes du Hamas, les Juifs sont victimes d’une recrudescence d’agressions antisémites, lors des manifestations pro-palestiniennes dans la région parisienne.
Le ton est donné dès le dimanche 13 juillet, avec les « morts aux juifs » entendus dans les rues de Paris, au cours de la première manifestation qui rassemble des milliers de personnes, entre Barbès et la place de la Bastille. Au moment de la dispersion de la foule, plusieurs personnes tentent de pénétrer par la force dans deux synagogues, situées rue des Tournelles (IVe) et rue de la Roquette (XIe). C’est grâce l’intervention des forces de l’ordre qu’ils en sont empêchés.
Rebelote six jours plus tard à Barbès, dans le nord de Paris. En dépit d’une interdiction administrative, quelques milliers de personnes ont répondu à l’appel à manifester lancé par une quarantaine d’organisateurs, parmi lesquels le NPA, le Parti des Indigènes de la République, le Collectif des musulmans de France et l’Union générale des étudiants de Palestine. Parmi eux, plusieurs dizaines de casseurs. La manifestation commencée dans le calme dégénère en scène d’émeute, lorsque les forces de l’ordre tentent de s’interposer. Ils sont vivement pris à partie par certains manifestants qui leur lancent cailloux, pétards et autres projectiles et ripostent avec des gaz lacrymogène. Bilan : une vingtaine de policiers et de gendarmes blessés, une quarantaine d’interpellation et de nombreux biens publics, dont des cabines téléphoniques, des supports publicitaires et deux camionnettes de la RATP détruits. I-télé filment des jeunes brûlant des drapeaux israéliens.
Le lendemain dimanche, la banlieue est contaminée par cette violence qui cible la communauté juive. A Sarcelles, une ville de 60 000 habitants du Val d’Oise surnommée « la petite Jérusalem » eu égard à l’importante communauté juive séfarade qui y vit depuis des décennies, un nouveau rassemblement lui aussi interdit par les autorités réuni dans la soirée plusieurs sympathisants pro-palestiniens. Les casseurs qui ont infiltré les rangs des manifestants réussissent effectivement à s’en prendre à des commerces appartenant à des israélites. En criant à nouveau « mort aux juifs ». Une pharmacienne présente dans la ville depuis des décennies, l’épicier casher dont l’établissement avait déjà été la cible d’un attentat à la grenade il y a deux ans, verront leurs enseignes attaquées par les flammes. Dans le même temps, des voitures et des poubelles sont brûlés et d’autres commerces vandalisés. Un élu syndicaliste évoque une « vraie guérilla urbaine », tandis que le maire socialiste de la ville, François Pupponi, dénonce pour sa part « la haine contre l’autre exprimée en plein jour », ajoutant que « la communauté juive a peur ».
Antisémitisme
Selon le président du Conseil représentatif des institutions juives de France, jusqu’à sept synagogues ont été victimes d’agression, depuis le début des manifestations. Les analystes sont pourtant unanimes à reconnaitre que les juifs de France n’ont rien à voir avec ce qui se passe actuellement dans la bande de Gaza. Où la nouvelle escalade de violence fait suite à l’enlèvement et l’assassinat de trois jeunes israéliens, suivi par l’assassinat tout aussi lâche d’un jeune palestinien, vraisemblablement brûlé vif, par des extrémistes juifs. On sait qu’après ces crimes, le Hamas, l’organisation islamiste qui tient la bande de Gaza a déclenché les hostilités et refusé un cessez-le-feu proposé par Israël. En un peu plus de deux semaines d’affrontement, le bilan est lourd, avec plus de 815 morts côté palestinien et 36 côté israélien.
« La haine qui s’exprime n’est pas liée à ce qui se passe à Gaza. Si c’était vraiment lié à l’actualité internationale, on aurait vu des gens manifester à Paris contre ce qui se passe en Syrie ou des massacres de populations dans le monde. Mais non, ce qui s’exprime c’est l’obsession anti-israélienne et antisémite. Une haine qui se manifeste au quotidien même quand il n’y a pas de guerre : des jeunes juifs sont frappés dans le métro, dans la rue… », analyse Haïm Korsia, Aumônier général des armées et nouveau grand rabbin de France, connu pour ses efforts dans le dialogue interreligieux.
Journaliste multimédia, Natacha Polony ne dit pas autre chose, dans une tribune publiée dans Le Figaro. «L’antisémitisme des banlieues a crû parallèlement à une radicalisation religieuse savamment entretenue par certains imams salafistes gracieusement fournis par des puissances du Golfe. Le drame des populations palestiniennes n’était alors qu’un opportun catalyseur. » Et d’ajouter : « C’est dans les manifestations contre la loi sur les signes religieux à l’école, en 2003 et 2004, qu’on entendit les premiers «mort aux Juifs.» Pour le Premier ministre Manuel Valls, « L’antisémitisme «se répand dans nos quartiers populaires, auprès d’une jeunesse souvent sans repères, sans conscience de l’histoire qui cache sa «haine du Juif» derrière un antisionisme de façade et derrière la haine de l’Etat d’Israël ».
Du coup, dans la communauté juive règne une profonde inquiétude. Certains évitent de se montrer avec des signes religieux trop évidents, tandis que d’autres envisagent de quitter la France. Selon Oded Forer, directeur général du ministère de l’Immigration israélien, plus de 5.000 juifs de France vont immigrer en Israël en 2014, un record depuis la création de cet Etat il y a 66 ans.
Les autorités tentent de rassurer les juifs de France. Pour, le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, « les juifs en France ne doivent pas avoir peur ». Son collègue de l’Intérieur Bernard Cazeneuve assure de son côté que la communauté juive « sera protégée par le gouvernement ».
Pour Frédéric Haziza, journaliste à LCP et à radio J, « la République représente justement cet élan pour vivre ensemble sans exclusive. Il est du devoir des Républicains, de le rappeler, de s’unir et de faire du retour à la cohésion sociale une «grande cause nationale».
Pour le grand rabbin de France, la situation invite à faire un diagnostic de cette « haine des juifs qui « s’habille des oripeaux de l’antisionisme », Puis à « mettre en route des mesures de formation de la jeunesse, un contrôle de ce qui est diffusé sur les réseaux sociaux et les satellites, qui arrive du monde entier et qui diffuse la haine ».