Peuples de l’Indonésie et sexualité pour interroger l’identité.
[Par Larbi GRAÏNE, envoyé spécial à Douarnenez]
Douarnenez s’apprête à abriter du 22 au 31 août 2014 son festival de cinéma dont c’est la 37e édition. Cette année ce sont les peuples de l’archipel indonésien, Timor-Leste et Papouasie qui sont à l’honneur. Gouel Ar filmù pour parler en breton, réunit plus de 190 œuvres cinématographiques dont une trentaine produits dans l’année en Bretagne. Tous les films sélectionnés pour cette manifestation traitent de la thématique des cultures minorées et des peuples autochtones. Trois ou quatre films ont été réalisés entièrement en langue bretonne sur la trentaine du « grand cru » dédié au pays de Nominoë et de Pontcallec.
L’édition de cette année outre qu’elle fait la part belle aux peuples de l’Indonésie, où l’on y parle plus de 600 langues, s’ouvre sur les trans/intersexuels, oui ce n’est pas une erreur, le festival intègre la communauté de gens pour qui la sexualité ne correspond guère aux catégories habituelles de féminité et de masculinité. « C’est une minorité basée sur le corps dont le sexe indéterminé pousse la médecine à prescrire des opérations en vue de produire un sexe unique, or ces opérations sont vécues comme une véritable torture » dénonce l’anthropologue Claude Le Gouil, président-adjoint du festival que nous avons joint par téléphone. Six films sur l’intersexe vont être projetés dans ce festival qui présente la particularité de ne pas être une compétition récompensant des œuvres. La plupart de celles-ci, remarque-t-on, sont accessibles aux malentendants car Douarnenez s’allie également au monde des sourds. « Le festival a pour objectif, entre autres, de confronter les points de vue, voire les revendications culturelles pour comparer, aller à la découverte d’autres peuples et échanger autour des langues » indique Le Gouil. Loin de la langue de bois, ce festival culturel ne cache pas ses visées politiques. Parlant des personnes intersexe et trans, les rédacteurs du site du festival estiment que « c’est du fait même de leur existence qu’elles nous questionnent sur nos identités, révèlent les fabrications sociales et les rapports de pouvoir qu’elles nous interrogent sur la notion même d’identité : définir les personnes par leur genre, leur classe ou leur race, c’est les maintenir (nous maintenir toutes et tous) dans les rôles de soumission et de pouvoir ! ».
Un festival ami des peuples opprimés
Le festival de Douarnenez poursuit ainsi sa trajectoire de manifestation culturelle déployant son égide protectrice sur les cultures bafouées de par le monde. Rroms, Tziganes voyageurs, peuples du Caucase, du Liban, peuples berbères de l’Afrique du Nord, Aborigènes d’Australie, mais aussi peuples diasporiques d’Europe où, entre autres, éclot cette étrange langue juive qu’est le yiddish, peuples du Caucase, peuples des Caraïbes, peuples de l’Arctique, tous ont déjà eu leur place dans les précédentes éditions. Le cinéma s’offre même le concept de « grande tribu » un espace forgé au fil des ans entre participants qui ont eu le temps de s’accorder sur des dimensions esthétiques qu’il importe de bonifier ou sur l’importance de la portée politique très vite noyée sous le flot d’une actualité dense. En fait la grande tribu c’est un coup de projecteur sur des œuvres remarquables dont on n’avait pas su mettre en exergue le caractère inédit. Font écho également aux projections de films, des rencontres politiques, des expositions, des concerts de musique, un coin librairie où l’on peut découvrir la littérature en lien avec le sujet, un coin jeune public où les enfants peuvent trouver leur compte.
Le breton, langue véhiculaire d’une palabre
Les organisateurs ont tenu cette fois-ci à faire du breton, la langue d’une palabre programmée chaque matin. Cette initiative est considérée comme « un acte politique fort » parce que, assurant à cette langue « une place autre que symbolique ».
Dans son éditorial au catalogue promotionnel de ce grand événement que va abriter la Bretagne, Valérie Caillaud, présidente du festival soulève la question de la culture locale. Après avoir relevé nombre de conflits qui agitent en ce moment certains points du globe, notamment en Palestine, en Syrie, au Mali, en Centre-Afrique, en Libye, et en Thaïlande… jusqu’en Ukraine aux portes de la Communauté Européenne « Plus près de nous, cette année, écrit-elle a vu la Bretagne secouée par des mouvements pour le moins confus au nom de l’identité bretonne ». Et de s’interroger « N’est-ce pas là, encore, une façon d’en appeler à une appartenance culturelle au nom d’intérêts moins louables? Que faut-il espérer du nouveau découpage régional ? Quel avenir pour la culture en Bretagne ? ». La présidente du festival fait du reste grief à l’édile de Grigny qui aurait expulsé le 9 juillet dernier des familles Roms pour occupation illégale d’un terrain dénommé la Folie. Et plus loin Valérie Caillaud d’ajouter « au cours de ces trente-sept dernières années, combien de fois les peuples minorisés sont venus témoigner au Festival de Cinéma de Douarnenez de tels agissements des pouvoirs politiques, niant la culture, donc la liberté de l’Autre, au nom de profits mercantiles et au nom d’une pernicieuse mondialisation ».
Festival de cinéma de Douarnenez, pour plus d’informations : www.festival-douarnenez.com