8 septembre 2014 : Pourquoi les analphabètes existent-ils encore dans nos sociétés ?

[Par John CHITAMBO LOBE]

L’humanité a connu des avancées spectaculaires en matière d’éducation. Mais beaucoup reste à faire.

Photo tirée du site de l'Unesco
Photo tirée du site de l’Unesco

Il y a aujourd’hui exactement quarante-huit ans, l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO) décidait de faire du 8 septembre la «Journée Internationale de l’alphabétisation». C’était en 1966. Chaque année, cette journée est célébrée partout dans le monde pour attirer l’attention des citoyens et des dirigeants sur le rôle essentiel de la lecture, de l’écriture et du calcul dans la société moderne.
Car en dépit des efforts et des succès réalisés en matière d’éducation de base, de nombreux citoyens de la planète ne savent pas toujours lire, écrire et calculer. Près d’une personne sur sept demeure illettrée, et on compte jusqu’à 860 millions d’adultes analphabètes.
Et comme dans d’autres domaines, les femmes qui en constituent les deux tiers, soit 500 millions, sont les plus touchées. Dans beaucoup de pays d’Afrique et d’Asie, les chemins de l’école restent interdits aux jeunes filles à cause des politiques de discrimination qui trouvent leurs sources aussi bien dans la religion que dans les coutumes ancestrales.
D’où l’intérêt de continuer à souligner l’importance de l’alphabétisation auprès des citoyens et des relais sociaux que sont les collectivités, les communautés et les associations.
Depuis sa création en 1965, l’Assemblée générale des Nations Unies n’a eu de cesse de promouvoir l’alphabétisation pour tous et de rappeler son importance fondamentale en tant que droit humain. Néanmoins, relever le défi de l’alphabétisation au niveau mondial reste difficile.
L’alphabétisation est le fondement de l’apprentissage tout au long de la vie de chaque être humain. Elle participe à l’amélioration de son bien-être. Elle est le moteur du développement durable, de la technologie et du savoir. Au fil des années, la leçon d’alphabétisation a évoluée, mais le concept d’origine limité à l’acquisition des compétences de base en lecture, en écriture et en calcul est encore largement répandu. De même que la notion d’alphabétisation fonctionnelle qui associe l’alphabétisation et développement socio-économique de chaque pays. C’est pour cela que l’Unesco finance la construction d’écoles, forment et paye des éducateurs, alloue des fonds aux Etats en difficulté et organise des événements à travers le monde, notamment les prix internationaux d’alphabétisation.

 

Pauvreté, droit de la femme et analphabétisme

Photo tirée du site de l'Unesco
Photo tirée du site de l’Unesco

Les données collectées par l’Unesco montrent qu’il existe un lien entre l’analphabétisme et la pauvreté. Ainsi, au bas du tableau de la liste des pays par taux d’alphabétisation, on trouve des pays où le taux de pauvreté est très élevé comme le Mali, le Soudan du Sud, l’Afghanistan, le Niger et le Burkina Faso. Alors qu’à l’opposée, les pays développés ont les taux d’alphabétisation les plus élevés qui frôlent les 100%. D’autre part, ces statistiques montrent également un lien entre le respect des droits des femmes et le niveau de scolarisation général. « Éduquer une femme, c’est éduquer toute une nation », dit-on en Zambie.
Toutefois, il ne suffit pas d’instituer l’école obligatoire pour tous comme le font les pays développés, pour résoudre le problème d’analphabétisme. Au Canada comme en France, de nombreux jeunes arrêtent leurs études sans avoir acquis le minimum nécessaire pour lire et écrire correctement.
Dans mon pays la Zambie qui compte un peu plus de 13 million d’habitants, jusqu’à 800 000 adultes sont analphabètes, ce qui est inacceptable, cinquante ans quarante ans après l’indépendance. Dans les zones rurales où sévit la pauvreté, de nombreuses jeunes filles abandonnent précocement leurs études très souvent après une grossesse non désirée qui les confinent à leur rôle de mères seules privées de soutien familial. D’autres, à peine pubères, sont mariées de force par leurs parents en échange de l’insalamu » ou le « lobola », la dot versée par la famille de l’époux.
Même la loi qui punit de plus de 20 ans de prison et aux travaux forcés les coupables de mariages forcés ne dissuade pas les adeptes des coutumes fermement établies.
Même des jeunes garçons se voient parfois contraints d’abandonner leurs études pour aider leurs parents dans les travaux champêtres ou la pêche. Résultat, à l’âge adulte, plus de deux millions de personnes ne possèdent que de faibles compétences en lecture, écriture et calcul. En d’autres termes, ces personnes ne disposent pas des aptitudes minimales pour traiter les informations de la vie courante ou utiliser les technologies de l’information. Un vrai scandale.

 

Célébrer pour sensibiliser

Photo tirée du site de l'Unesco
Photo tirée du site de l’Unesco

La célébration de la Journée Internationale de l’alphabétisation a commencé en 2000, et propose thèmes spécifiques pour sensibiliser le monde entier au sujet des bienfaits de l’éducation scolaire. Car l’éducation rend pérenne les objectifs de développement, pendant que l’alphabétisation est le fondement de tout apprentissage. L’éducation fournit aux individus les compétences nécessaires pour mieux comprendre le monde. Elle permet également aux individus de participer au processus démocratique, leur donne une voix et renforce leur identité culturelle. En 2007 et 2008, l’Unesco avait choisi pour thème: «l’alphabétisation et la sante». L’objectif était de lutter contre les épidémies et les pandémies comme la tuberculose, le sida, la malaria et d’autres affections. Il s’agissait de souligner l’importance de l’alphabétisation pour les individus et les communautés dans la prévention et le traitement des maladies. En effet on estime que plus le niveau d’instruction de la mère est élevé plus son nourrisson aura de chance de passer l’âge de 5 ans. A l’heure où la propagation du virus Ebola inquiète l’humanité, ce thème est plus que jamais d’actualité.
En 2009 et 2010, le thème était «l’alphabétisation et le pouvoir» et insistait sur l’égalité entre l’homme et la femme souvent marginalisée.
2012, c’était «l‘alphabétisation et la paix». On sait par exemple qu’au Nigeria, la secte islamiste Boko Haram a déclaré la guerre contre le système éducatif occidental. Ses adeptes incendient les écoles, enlèvent les jeunes filles pour les vendre comme esclaves. En République démocratique du Congo, le viol est devenu une véritable arme de guerre. Autant d’obstacles qui empêchent l’Unesco d’atteindre son objectif d’éducation pour tous. D’où la nécessité de continuer la mobilisation.

 

 

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