[Par Sékou Chérif DIALLO]
En plus de la danse et l’effervescence d’une fête populaire, la fête de l’Humanité était aussi un espace de débat et d’échange. La Halle Nina Simone a accueilli le dimanche 14 septembre 2014 d’éminents débateurs sur un thème très cher pour les promoteurs d’une économie sociale et solidaire autrement dit d’une économie centrée sur l’humain.
Animé par Paule Masson, rédactrice en chef à L’Humanité et en présence également de Marc Dufumier, président de la Plate-forme pour le commerce équitable (PFCE), Jean Huet, coprésident d’Artisans du monde, Marie-Christine Vergiat, députée européenne (GUE) et Amélie Canonne, présidente de l’Association internationale de techniciens, experts et chercheurs (Aitec), le débat était essentiellement centré sur le rejet du traité transatlantique et la nécessité de refondation des règles commerciales au niveau international à travers la promotion d’un commerce équitable.
Ce Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement propose de créer un grand marché commun entre les Etats-Unis et les Etats membres de l’Union européenne. Les opposants à ce projet dénoncent entre autres l’opacité dans les négociations, la peur que les normes européennes, plus sévères et plus strictes dans les domaines de la protection du consommateur, de l’environnement ou de la santé que les normes américaines, soient sacrifiées sur l’autel de cet accord mais surtout ils redoutent que des grands groupes multinationaux dictent leur loi aux Etats.
L’accord conclu entre le Canada et l’Union européenne élimine 99% des droits de douane, impôt prélevé sur une marchandise importée. Avec les Etats-Unis, les bannières douanières seront supprimées et du coup, les Etats seront dans l’incapacité de contrôler leurs échanges commerciaux et il reviendra aux multinationales de procéder à la révision à la baisse toutes les normes sociales, sanitaires ou environnementales. Cette facette du commerce est perçue les partisans du commerce équitable comme une menace.
Pour Marc Dufumier, le commerce équitable est une réponse crédible à la dérégulation des échanges. Toutefois il ne représente que moins de 0,1 % des échanges mondiaux. Dans le cadre des échanges Nord-Sud par exemple, Marc Dufumier argumente en ces termes « Sur le marché international, quand vous avez deux sacs de riz qui se vendent au même prix, sachez que dans le riz de la femme malgache qui a repiqué son riz à la main et le riz d’un producteur en Floride ou en Caroline du sud, vous avez 200 fois de plus de travail agricole dans le sac de riz produit à Madagascar que dans le sac produit en Caroline du sud. Si cette femme qui doit acheter des médicaments pour ses enfants doit vendre du riz impérativement, elle est contrainte d’accepter une rémunération 200 fois inférieur à celle d’un agriculteur français ou de Caroline du sud. » Pour lui, cet état de fait contribue à l’appauvrissement des paysans principalement des producteurs du Sud et les conséquences sont importantes (bidonvilisation dans les pays du sud ou encore accélération des mouvements migratoires).
Dans le même ordre d’idées, Jean Huet, d’Artisans du monde salue les résultats obtenus par son mouvement qui est le pionnier du commerce équitable en France. Selon lui, un autre modèle de production et de distribution est possible que celui promu par ¬l’Organisation mondiale du commerce.
Avec cette multitude d’accords de partenariat (transatlantique, trans-pacifique, APE…) basés sur le profit des multinationales au détriment des producteurs locaux, les promoteurs du commerce équitable pensent que la lutte contre la pauvreté passe par un changement fondamental des règles du commerce mondial. Pour reprendre l’expression de Paule Masson « Commercer équitablement, c’est d’abord assurer le paiement d’un prix juste aux producteurs (souvent regroupés en coopératives dans les pays du Sud), qui en retour doivent assurer des conditions de travail décentes. »