[Par Marciano Romaric KENZO CHEMBO]
Instituée il y a deux ans par l’Assemblée générale des Nations Unies, la Journée Internationale de la Lutte contre l’impunité des crimes commis contre les journalistes est célébrée le 2 novembre en hommage à nos confrères de Radio France Internationale, Ghislaine Dupont et Claude Verlaine, abattus froidement au Mali en 2012 dans l’exercice de leur fonction. Les enquêtes pour déterminer les circonstances de ces odieux assassinats n’ont toujours pas abouti et les coupables continuent de courir.
C’est une journée qui amène chacun de nous à avoir une pensée pour tous les journalistes et autres professionnels des médias maltraités, emprisonnés et assassinés à travers le monde et surtout à nous interroger sur les moyens qui pourraient leur garantir un cadre rassurant de travail et mieux sécuriser leur vie.
Les journalistes sont victimes de violences physiques, de meurtres, d’emprisonnement dans l’exercice de leur fonction et ces crimes sont souvent restés impunis et les coupables jamais inquiétés.
Pour favoriser la liberté d’expression, la liberté de la presse, facteur majeur et déterminant pour asseoir une véritable démocratie, le problème de la sécurité des professionnels des médias doit être garanti.
Déjà en 1997, la conférence générale de l’Unesco avait adopté une résolution condamnant la violence contre les journalistes (ndlr résolution 29 de l’UNESCO: « Sur la condamnation des violences contre les journalistes ».)
Dix-sept ans plus tard, le constat est amer et le tableau difficile à regarder, au regard des statistiques du classement annuel du baromètre de la liberté de la presse, établi par l’organisation non-gouvernementale Reporters Sans Frontières en 2014.
Il ressort de ce constat que les journalistes et autres professionnels des médias perdent leur vie, alors qu’ils cherchent juste la vérité. Parce que simplement ils veulent informer l’opinion, ils sont pris pour cible et malheureusement leur nombre ne cesse d’augmenter.
C’est un problème grave et assez préoccupant pour les pays membres des Nations Unies, les Associations et Organismes œuvrant en faveur des Droits humains, car la plupart des crimes commis contre les professionnels de la presse sont restés impunis ; selon un rapport du Comité de Protection des Journalistes, »85% des meurtriers des journalistes n’ont fait l’objet d’aucune enquête, ni poursuites pour leurs forfaits et juste 7% des commanditaires ont été poursuivis par la justice« .
D’où la question de la difficile résolution de l’équation à plusieurs inconnues de l’impunité dont jouissent les bourreaux.
Car aussi longtemps que les coupables ne seront pas inquiétés, aussi longtemps les journalistes seront des cibles et la démocratie menacée. Ces menaces, emprisonnement et meurtres constituent de graves atteintes à la liberté d’expression et dégradent les bases d’un Etat de Droit respectueux des principes élémentaires humains. Nous savons que l’impunité encourage et aggrave une situation déjà inquiétante dans plusieurs pays tels que la Turquie, le Turkménistan, l’Iran, le Pakistan, la Corée du Nord, le Srilanka en passant par Madagascar, l’Érythrée, le Kenya, le Rwanda, le Tchad, l’Egypte, le Mexique, le Brésil, voire les Etats-unis où les gouvernements, les forces de l’ordre, les milices armées, les cartels de drogue s’en prennent aux journalistes.
Aussi dans les pays en guerre ou en proie à des conflits, le ciel s’assombrit davantage à l’instar de la Syrie, la Centrafrique, le Mali pour ne citer que ceux-là.
La police enquête rarement à cause des pressions politiques et d’un système judiciaire corrompu ; souvent les autorités occultent volontairement la vérité en torpillant les investigations. S’ajoute à cela les journalistes assassinés volontairement dans les combats par les belligérants sans qu’aucune poursuite soit rendue possible contre les soldats ou les meurtriers.
Aujourd’hui, il est temps que le Conseil de sécurité des Nations, les Organisations Non Gouvernementales, les sociétés civiles fassent pression sur les gouvernements, les Etats membres afin que les pouvoirs publics protègent et garantissent des conditions de travail et de cadre de vie favorables et sécurisants pour les journalistes et autres professionnels de médias.
Que les instances internationales, régionales et nationales prennent des mesures concrètes, et non des mots vains, afin que soit combattue cette culture de l’impunité.
Que les organisations internationales et autres associations œuvrant, militant à promouvoir la liberté d’expression et de presse sensibilisent davantage dans ce sens en bannissant cette culture d’impunité et que les coupables soient traduits en justice, jugés et condamnés et surtout que les victimes aient accès à des recours effectifs.