RDC : Quand les esprits de « Ouagadougou » hantent Kinshasa

[Par Jean MATI] 

Ce fut l’actu de la semaine dans les réseaux sociaux. Les événements survenus au Burkina Faso n’ont laissé personne indifférent, même au Congo-Kinshasa. D’ailleurs là-bas, ce cours d’Histoire avait une signification d’autant plus grande que l’élément déclencheur de la révolution Burkinabè ressemble à la situation congolaise : un projet de loi modifiant la Constitution pouvant permettre un nombre illimité de mandats présidentiels.


Le soulèvement qui a poussé le président Blaise Compaoré (27 ans au pouvoir) à rendre le tablier a été vécue avec joie par de nombreux Africains optant pour l’alternance. Cependant en RDC, deux faits majeurs se sont joints à ladite circonstance. D’abord, le photomontage mis sur internet montrant un homme qui tient une pancarte en mains sur laquelle on pouvait lire : «Blaise Compaoré dégage si tu veux un 3ème mandat va au Congo-Kinshasa. Là où les peuples sont des idiots manipulés par les pasteurs et la musique. Pas ici. Nous sommes un peuple fort ».
Analysons bien ce message. Y-a-t-il du vrai dedans ? Un peu de vrai. Globalement, à travers cette démarche, l’auteur de ce trucage voudrait dénoncer la passivité de l’Homme congolais quant à son implication dans les prises de décision de son pays. Disons, une auto-prise en charge et une conscience collective pouvant amener au changement radical. Depuis plusieurs années, on reproche au Congolais son désintérêt pour la chose politique au profit d’autres activités : musique, sport et religions, par exemple.
Ce trucage marque bien la similarité avec la situation politique en RDC où une guerre silencieuse règne depuis peu entre les chantres du pouvoir (favorables à la modification de la Constitution) et une partie de l’opposition, fragilisée par la corruption, qui malgré tout défend l’article 220 interdisant toute modification de la Constitution. Dans cette bataille, comme on peut bien le remarquer, la majorité des Congolais reste silencieuse, et parfois se fout même de ces débats politiques. N’est-elle pas concernée ? Dieu seul le sait…
Toutefois, ce photomontage a produit l’effet d’une bombe. Et bien qu’il soit difficile de l’accepter, il détient malgré tout une part de vérité, même si l’auteur du trucage a commis une grosse bourde en écrivant par exemple : « Blaise Compaoré dégage si tu veux un 3ème mandat » – Non, ça c’est une faute. Le tout-puissant Blaise en voulait un cinquième. Peut-être ce message était-il destiné à quelqu’un d’autre, par exemple au président de la RDC Joseph Kabila, qui rêve de briguer un troisième mandat.
Ensuite, nous voulons croire que ce n’est pas à cause de ce trucage que la RTNC (Radio-Télévision nationale congolaise), le 30 octobre 2014, n’a pas évoqué, dans son édition du journal télévisé, ce qui s’est passé au Burkina Faso. Etait-ce un événement de si faible envergure, pour que nos confrères n’y accordent pas d’importance ou de signification ? Pourquoi une telle censure ? Le gouvernement de Kinshasa, qui a la main-mise sur la RTNC depuis quelques années, n’a-t-il pas donné l’ordre d’interdire toute diffusion montrant les manifestations de Ouagadougou ? Cette longue série de questionnements restera sans réponses précises. Par ailleurs, on soutiendrait que « mieux valait prévenir que guérir ». Il fallait éviter une réaction en chaîne.

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