[Par Nabil SHOFAN]
Publié sur Alaraby.co.uk, le 1er Octobre 2014
Traduction de l’arabe au français par Florence DAMIENS.
Dans l’une de ses vidéos, l’Organisation de l’Etat islamique passe en revue des événements concernant son contrôle de l’aéroport militaire de Tabqa, qui se situe dans la région de Raqqa. Aucun membre de l’Organisation ne parle dans cet extrait ; on entend une lecture du Coran, puis on voit la planification d’une bataille, suivie d’une opération martyre, d’un assaut, d’une capture de militaires, puis de leur assassinat, tantôt fusillés, tantôt égorgés.
Mon attention s’est portée sur l’apparition, à la fin de la vidéo, d’un combattant de l’Organisation qui, rempli de tristesse et de souffrance, s’élève contre l’accusation selon laquelle elle comploterait avec le régime de Bashar el-Assad. Il dit à l’assistance : « Je jure que nous témoignerons pour vous devant Dieu. N’est-ce pas nous qui combattons le régime nusayrite et tuons ses militaires ? Pourquoi nous accuse-t-on de ne pas les combattre ? »
Il est clair que ce qui dérange le plus les dirigeants de Daesh, ce sont les propos qui circulent dans les rues syriennes. Je dis les rues syriennes car cette accusation a jailli du cœur de la rue, de ses activistes et de sa population. Un témoignage attesté s’est répandu, comme le surnom de « Daesh », avec facilité dans les médias, puis dans le reste de l’opinion publique arabe et mondiale.
Les droits des syriens sont clairs. Ces derniers se sont révoltés contre un régime qui a détruit leur nation, se substituant ainsi à leurs ennemis, et a eu recours à des moyens d’assassinat variés, en utilisant l’artillerie, l’aviation et les missiles, en les égorgeant, en les étranglant, en les enterrant vivants et en les noyant. Aucune impureté ne peut souiller la clarté de ces droits. En cela, ces révoltés sont égaux devant l’injustice. Il n’y a pas de mal à nous arrêter un moment sur les positions choquantes nées de la révolution syrienne, à l’instar de celles des penseurs, des artistes et des Etats dont les cabinets ministériels publient des documents sur la démocratie tous les jours. Si nous nous arrêtions dessus, nous remarquerions que la création d’une organisation extrémiste comme Daesh est absolument nécessaire et reste une anecdote pour tous ces penseurs, artistes et Etats, et même pour ceux qui se revendiquent amis de ce peuple afin d’excuser ce qui ne peut être excusé, les crimes et le silence qui les entoure.
La révolution des Syriens a été un événement spontané, populaire et soudain. Il a ébranlé jusqu’au Conseil de sécurité, l’a embarrassé, comme il a embarrassé les Nations Unies. En effet, réussir cette révolution exigerait de faire évoluer les concepts, de modifier les accords, les alliances et les postulats internationaux. C’est pourquoi son échec a été un choix unique, sans lequel des changements terrifiants, aux conséquences non calculées, auraient eu lieu. C’est sur cela que la Russie et l’Amérique se sont arrangées depuis quatre ans, malgré la dernière année durant laquelle des événements encore plus hideux ont commencé à se produire. Ainsi, le Frankenstein de l’Occident, « Daesh », est sorti de sa programmation psychique et neurologique, infecté par les appareils des renseignements généraux étrangers.
Il semble que l’Organisation de l’Etat islamique a commencé à vivre aujourd’hui, semblable à la tyrannie chiite, si l’on prend ici un point de vue sunnite. De plus, le fait que l’Organisation ait tantôt déclaré la guerre aux révolutionnaires syriens et eu recours aux châtiments de la Loi, en les flagellant et en les crucifiant, tantôt leur ait distribué des fonds, a poussé les Syriens à publier le faire-part de décès de l’Organisation d’al-Baghdadi.
La plus grande erreur stratégique qu’a commise l’Organisation de l’Etat islamique est d’avoir combattu le peuple syrien. L’Organisation a oublié que ce peuple est celui qui a mis fin à la discorde présente au prologue de la résistance et de l’opposition. La structure de ce dernier a obnubilé le régime pendant trente ans de planification, de constitution d’armées composées de milices, d’agences médiatiques, d’études dans l’art de la rhétorique, dans les sciences philosophiques, dans les méthodes de lavage de cerveau et de soumission des esprits. Tout cela s’est déjà effondré en une seule année et avec une facilité rare. Ensuite la réputation du Hezbollah et de son chef a décliné auprès de la nation arabe puis au niveau confessionnel, et ce à cause de son action et de la réaction des Syriens qui a suivi.
Les Etats qui parient sur l’échec de ce peuple et l’élite qui par-là même soutient le meurtre se doivent de très bien connaître la valeur d’une épreuve et d’une civilisation qui a plus de 6 000 ans.