[Par Maha HASSAN]
Mamdouh Azzam est un romancier Syrien invité par Pen Belgique (Pen Vlaanderen) à passer trois mois en Belgique comme écrivain en résidence, mais la Belgique lui a refusé son visa. Le romancier a répondu à ce refus : « Je ne peux pas accepter que vous me voyiez seulement comme un réfugié en puissance. Cela m’est extrêmement difficile. Je fus invité dans votre pays comme écrivain Syrien. Je suis fier des ces deux qualificatifs: d’une part écrivain – romancier et d’autre part, Syrien qui ne veut pas quitter son pays pour aller vivre dans un autre lieu – avec tout le respect dû envers cet autre pays. »
D.H. est une romancière également connue ; elle a un titre de séjour en France. Sa famille est établie en France mais ne veut pas la rejoindre sous le statut de réfugiée, car elle croit encore que sa place est en Syrie. Elle va et vient entre la Syrie et la France plusieurs fois par an depuis le début de la révolution syrienne.
D.H. a déposé une demande de visa à l’Ambassade britannique à Paris pour rendre visite à sa fille étudiante supérieure à Londres, mais sa demande a été refusée.
Rama D. est ma nièce que je n’ai pas vue pendant dix ans. J’étais en France, privée de rentrer en Syrie, où ma famille habite. Rama D. est une jeune fille gâtée ; elle adore la mode comme la majorité des filles de sa génération. La France pour elle c’est la mode : haute couture, marques de parfum et de maquillage… elle n’est pas une fille superficielle mais elle aime la mode, et la vie surtout, car elle vit la guerre !
Je l’ai vue en Turquie après qu’elle a quitté Alep en fuyant la guerre avec sa famille et j’aurais aimé lui offrir des vacances en France pour lui changer les idées des cauchemars vécus en Syrie. Philippe, mon compagnon, a déposé un important dossier pour obtenir une attestation d’accueil pour que Rama D. vienne quelques semaines à Paris.
Sa mère, ma sœur, m’a dit : « Ma fille ne peux pas se séparer de nous ; elle est contente d’aller en France pour prendre des photos et voir la capitale de la mode mais je te préviens, elle va commencer à raller après une semaine maximum pour revenir à la maison ».
Je suis allée en Turquie, après avoir obtenu une autorisation parentale, car ma nièce étant mineure. Avec cette autorisation, et tout les documents nécessaires, y compris son billet d’avions aller et retour, nous avons déposé sa demande de visa à l’Ambassade de France à Ankara ».
Résultat : L’Ambassade de France à Ankara a refusé la visa ! Motif : La volonté de Rama D. de quitter le territoire national à l’issue de son séjour n’est pas établie !!! Comment peut-on établir cette volonté ? Quels sont les critères sur lesquels se fondent ces fonctionnaires ?
Des centaines de cas similaires
Il y encore des centaines cas similaires. Des visas refusés pour des gens qui veulent venir en Europe sans la volonté de s’y installer. En revanche, il y a pas mal de gens qui peuvent avoir ce visa de manière illégale, là où le trafic de visa est avéré. Ces visas sont délivrés tout en sachant que ces gens ne quitteront pas les territoires européens et qu’ils vont demander l’asile dès leur arrivée.
Donc, on peut dire qu’il y a des défauts dans la délivrance des visas. On le refuse à des personnes qui le méritent et on le délivre à des personnages qui ne peuvent se prévaloir du qualificatif de réfugié. D’ailleurs, l’Europe néglige le grand problème du trafic des passeports.
Il y a beaucoup de gens qui payent des sommes très importantes aux trafiquants de passeports, pour obtenir ces faux documents et prendre l’avion sans visa.
Cela nous ramène à l’autre face du problème : si le premier est une faille dans la délivrance des visas, le deuxième est d’encourager les trafiquants qui facilitent le voyage illégal et mettent la vie des gens en danger.
Si l’on parle du nombre de réfugiés morts ces derniers mois, en mer, sur le trajet vers l’Europe ou, comme ces derniers jours dans un camion de transport de viandes dans lequel 71 Syriens sont morts en Autriche, tout cela vient des difficultés à se faire délivrer des visas dans des conditions normales.
Tous ces gens qui dépensent tout cet argent et mettent leur vie et celle de leurs enfants en danger pour arriver en Europe ne feraient pas cela s’ils n’avaient pas peur de la guerre. Et s’ils avaient des moyens financiers supérieurs à ce que réclament les passeurs, ils pourraient facilement mettre plus d’argent encore pour prendre l’avion, en ayant recours au trafic de visas ou de passeports européens. Donc le résultat est: on ne donne pas de visa, on pousse les gens à venir en Europe illégalement, on les laisse mourir…
Si l’Europe veut trouver une solution radicale pour ce problème d’émigration et particulièrement celui des réfugiés syriens, le meilleur choix à faire est de les aider à régler les problèmes politiques et humains liés au despotisme en Syrie, mais cela n’est qu’un rêve.
En conclusion, laissez les Syriens venir en Europe sans visa si vous ne pouvez pas trouver une solution à Damas. Acceptez de les accueillir en attendant de solder les comptes avec le régime de Damas.