[Par Diane HAKIZIMANA]
Qu’est-ce qui va suivre l’ultimatum lancé par le président burundais Pierre Nkurunziza aux quartiers dits « contestataires » de Bujumbura ? Lundi 2 novembre Nkurunziza a seulement donné 5 jours aux « insurgés » pour déposer les armes. Dans le cas contraire, les forces de l’ordre pourront utiliser « toutes les techniques pour mener à bien ce travail », a-t-il précisé. D’autres autorités ont proféré de pareilles menaces aux habitants surtout des quartiers comme Mutakura, Cibitoke, Nyakabiga, etc. qui se sont investis dans les manifestations contre le 3e mandat du président Pierre Nkurunziza. Il s’agit du Président du sénat, du 1er vice-président de la république et quelques ministres. Et plus d’un craint la flambée de violence surtout à ce moment où des corps sans vie sont chaque jour retrouvés dans les rues de Bujumbura.
« Aujourd’hui, les policiers tirent au niveau des jambes pour ne pas tuer alors qu’on leur lance des grenades. Le jour où on va leur dire « travaillez », ne venez pas pleurer », a-t-il déclaré la semaine dernière Révérien Ndikuriyo, président du sénat burundais.
Comme si cela ne suffisait pas, d’autres autorités ont renforcé le discours du président du sénat. Le mot d’ordre reste : « la recréation est finie ». « Si on attrape quelqu’un avec une arme », qu’il ne vienne pas se lamenter ». Et ceux « qui vont pleurer ou crier seront considérés comme des complices », a lâché le ministre de la Défense burundais lors d’une descente effectuée par 5 ministres le mercredi 4 novembre dans les quartiers sud de la capitale, Bujumbura.
Afin de relayer le message du président, les membres du gouvernement burundais n’hésitent pas à interpeller les administratifs de la base afin de persuader « les groupes de jeunes responsables de l’insécurité’’ de rendre les armes avant qu’il ne soit trop tard.
La réaction actuelle de Bujumbura fait penser à la situation qui prévalait au Burundi en 1994 juste après la mort du président Melchior Ndadaye quand le gouvernement d’alors avait lancé un ultimatum aux habitants d’un des quartiers du Nord de la capitale Kamenge. Ces derniers étaient accusés par le Pouvoir d’abriter les premiers éléments rebelles de ce qui est devenu le CNDD-FDD. La fuite des habitants de Kamenge vers d’autres quartiers à cette époque n’a rien résolu au niveau sécuritaire. Les mêmes causes produisant les mêmes effets par ailleurs, l’ultimatum lancé par le président Nkurunziza (qui a pris fin le weekend dernier) arrivera-t-il à ramener la sécurité dans le pays ? En attendant la plupart des habitants de Cibitoke et Mutakura ont décidé de quitter ces quartiers. « Il y a toujours des morts et nous pensons qu’il faut quitter les lieux pour essayer de sauver nos enfants », a témoigné l’un des habitants de ces quartiers à la RFI.
« Les propos tenus par les plus hautes autorités du Burundi laissent penser aux pires heures qu’a connues la région des Grands Lacs…».
Des termes comme « génocide » et « massacres généralisés » commencent à être utilisés. L’envoyé spécial des Etats-Unis pour les Grands Lacs Tom Perriello, dans une interview à RFI ce vendredi, n’y va pas par quatre chemins. Pour lui, les propos tenus par les plus hautes autorités du Burundi laissent penser aux pires heures qu’a connues la région des Grands Lacs. Ici, Perriello fait référence au génocide des Tutsi au Rwanda. Il faut souligner que ces quartiers dits « contestataires » sont réputés peuplés de Tutsi. Selon les propos de ce diplomate, le risque est réel et malheureusement les discours des officiels mettent le Burundi dans une mauvaise passe. Inquiet de ce qui pourrait suivre, Tom Perriello appelle au dialogue de toutes les parties concernées ; « il est vraiment temps que la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est et le président Museveni activent les pourparlers. On les attend depuis trop longtemps et il est temps que toutes les parties rejoignent la table des négociations à Kampala, car le pays est sur la mauvaise trajectoire et cela nous préoccupe beaucoup », a-t-il indiqué.
Même son de cloché au niveau de l’Union Africaine. Dans un communiqué rendu public le mercredi 4 novembre, la Présidente de la Commission de l’Union africaine, le Dr Nkosazana Dlamini-Zuma n’a pas caché son inquiétude. Dans ce communiqué, elle annonce être au courant de la poursuite des actes de violence au Burundi et appelle à un dialogue inclusif. Selon Madame Nkosazana Dlamini-Zuma des déclarations susceptibles d’aggraver encore la situation actuelle sont à éviter car « elles risquent d’envenimer la situation et de créer les conditions d’une plus grande instabilité, avec des conséquences dévastatrices pour le Burundi et la région tout entière ». Entre temps, un conseil de sécurité a été tenu ce lundi aux Nations Unies pour le Burundi sur la demande de la France. Cette dernière demande à la communauté internationale d’être vigilante pour que ce qui s’est passé au Rwanda en 1994 ne se reproduise pas au Burundi.