[Par Diane HAKIZIMANA]
Dans son discours à la nation, le président Pierre Nkurunziza cache mal sa détermination à en découdre avec tous ceux qui sont contre son 3e mandat.
Faisant allusion à la tentative de dialogue entre le gouvernement Nkurunziza et ses opposants (pour la plupart ils sont sous mandat d’arrêt international lancé par Bujumbura), dans la ville d’Entebbe en Ouganda lundi dernier, le Président Nkurunziza avec dédain, dans son discours, indique qu’il ne pourra point négocier avec ses opposants car, selon le propos du président burundais, « leur place est en prison». Nkurunziza est même prêt à défier les forces de maintien de la paix que l’Union Africaine préconise de déployer au Burundi.
Depuis les attaques perpétrées contre 4 camps de militaires par les hommes armés non identifiés et les répressions qui ont suivis le 11 décembre dernier à Bujumbura, la communauté internationale s’est réveillée et a pris conscience du risque que court le Burundi. A cet effet, le Conseil de Paix et de Sécurité a voté une résolution pour l’envoi d’une force régionale le 18 décembre dernier, comme le prévoit la charte de l’Union Africaine dans des circonstances graves comme les crimes de guerre ou les génocides. Des bilans controversés font état de plusieurs centaines de personnes tuées le week-end du 11 décembre. Le gouvernement burundais a parlé, à travers le porte-parole de l’armée Gaspard Baratuza, de 87 personnes tuées, certaines organisations des Droits de l’Homme ont dénoncé des cas d’exécutions extrajudiciaires, d’arrestations arbitraires, de torture, et certaines parmi ces organisations commencent à parler de l’existence des fosses communes. Les agents de l’ordre auraient enterré les jeunes dans ces fosses dans le but de fausser le bilan réel des victimes. Les personnes visées par le pouvoir Nkurunziza dans ces répressions seraient surtout des jeunes issus des quartiers qualifiés de « contestataires » du 3e mandat de Nkurunziza. En majorité ce sont de jeunes tutsis, et plus d’un craignent une dérive génocidaire.
La clique Nkurunziza aurait tendance à justifier ses excès par des raisons ethniques. Là on s’en tient aux termes utilisés pas les autorités dirigeantes burundaises dans leurs discours. Le président du sénat n’a pas hésité à utiliser des termes comme « passer à l’action », « travailler », « pulvériser », « mettre le paquet », etc. autant de termes tirés du registre lexical qui rappellent les temps forts des massacres au Burundi dans les années 1993 et surtout le génocide du Rwanda voisin en 1994. Et les témoignages à Bujumbura affirment que les forces de sécurité nationale, surtout l’unité spéciale de protection des institutions (API), n’hésite pas à extraire de leurs domiciles et à exécuter les jeunes juste du fait de leur appartenance ethnique.
Nkurunziza défie les forces de l’Union Africaine
« Si une fois elles s’avisaient à franchir les frontières burundaises sans respecter notre souveraineté, nous sommes prêts à répliquer », c’est dans ces termes que Pierre Nkurunziza prévoit la réplique de Bujumbura face à la force MAPROBU, Mission Africaine de Prévention et de Protection au Burundi de l’Union Africaine. Bujumbura ne ménagera également aucun effort pour continuer les négociations avec les opposants du 3e mandat du président Pierre Nkurunziza, surtout ceux réunis au sein du Conseil National pour le respect d’accord d’Arusha et la restauration d’un Etat de droit au Burundi (Cnared), selon Nkurunziza. Lesdits opposants faisant référence à l’accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation signé en aout 2000, pour décrier ce mandat, « ne méritent que la prison », selon le chef de l’Etat Burundais. Les leaders de ce conseil sont par ailleurs sous mandat d’arrêt international. Le gouvernement Nkurunziza estime qu’Entebbe, sous l’égide du président ougandais Yoweri Kaguta Museveni, n’a été qu’un échec, « …, pour nous, nous avons clairement indiqué au facilitateur que nous n’allons pas cautionner, ni légitimer les putschistes, ni le mouvement putschiste », a précisé le ministre des relations extérieures burundais, Alain Nyamitwe. Ce dernier et son patron accusent l’opposition d’être l’auteur du coup de force avorté de mai dernier. Bujumbura ne répondra donc plus au rendez-vous du 6 janvier prochain à Arusha où étaient prévues les prochaines négociations. Les faits démontrent que le président Nkurunziza a déjà sacrifié le peuple burundais pour sauvegarder son mandat car, ni la communauté internationale, ni l’Union Africaine encore moins ses opposants ne semblent l’impressionner. Et sur terrain, tous les indices annoncent les prémices d’une guerre civile. Les habitants (surtout les jeunes) des quartiers urbains dits « contestataires » (Musaga, Nyakabiga, Cibitoke, Mutakura, Jabe) sont les premières victimes des représailles des forces de l’ordre burundaises. Le pouvoir estime que les insurgés (Bujumbura n’ose pas parler de rebelles) proviennent de ces quartiers qui se sont investis dans les manifestations contre le 3e mandat de Pierre Nkurunziza depuis avril dernier.