[Par Elyse NGABIRE]
Du 6 au 7 février, ce grand rassemblement a réuni des femmes créatrices, stylistes, bref, entrepreneures, plurielles dans leurs origines pour présenter une mode qui mêle subtilement éthique, esthétique et développement durable.
Un week-end, pas comme les autres au 9, avenue Hoche à Paris. Des créatrices et stylistes venues de Massy, Lyon, Bordeaux, de Paris, etc. s’étaient donné rendez-vous sur invitation d’Adèle-Lydie Messy et Irène Lindoubi, organisatrices de l’évènement.
Il faut le dire, l’évènement était riche en couleur. Mais le rouge et le noir, couleurs de la Saint-Valentin, dominaient. Et la raison est simple : parce que dédié aux amoureux, à une semaine de la commémoration de cette fête.
Des objets de toute sorte brillaient dans tous les coins de la salle d’exposition, pleine d’admiration : bijoux pour femmes, produits de beauté, objets d’art, habits, etc. Respectivement décoratrice d’intérieur, organisatrice d’événements et consultante en développement économique, Mme Messy et Mme Lindoubi ont tout aménagé pour que l’événement réussisse : samedi, 6 février, il s’est clôturé par un défilé de mode qui a séduit les invités.
Et pour marquer le côté éthique et développement durable de l’événement, ces organisatrices ont pensé à une conférence-débat où trois experts ont été confiés pour partager leur savoir-faire, leurs expériences avec des femmes créatrices et stylistes
« Comment concilier sa vie de couple, sa vie de femme avec la vie entrepreneuriale ? »
Par rapport à leur pratique de terrain sur l’entreprenariat féminin, indique Irène Lindoubi, remarque qu’il est difficile d’établir une articulation entre vie de femme-entrepreneure et vie familiale : « Pour beaucoup de femmes, qu’elles soient conscientes ou pas, elles ont l’impression d’avoir à choisir et peu sont celles qui arrivent à trouver la bonne articulation. »
C’est pourquoi, poursuit-elle, l’apport des experts est incontournable pour voir ensemble les mécanismes ou stratégies à des hypothèses nécessitant de réponses afin de leur permettre d’avancer dans la gestion quotidienne de leurs différentes facettes de vie.
La même question se pose chez Adèle-Lydie Messy : « Comment être femme entrepreneure et rester du coup une bonne mère, épouse au foyer ? »
De l’avis de Mme Marina, une des experts conviés, quatre habitudes ou pratiques lui paraissent indispensables pour réussir et la vie familiale et la vie de femme entrepreneure.
Elle propose d’abord de prendre du temps pour soi-même, au moins une fois par semaine : « ça peut paraître égoïste mais c’est comme remplir sa coupe d’eau pour pouvoir servir ou partager l’amour avec les autres. Il faut donner de l’énergie à son couple, pas beaucoup ou pas moins, juste le juste milieu. »
Ensuite, elle estime qu’il faut savoir poser des limites entre son travail et sa relation familiale ou sa vie de couple. Et pour elle, ces limites doivent se diriger dans tous les sens.
De plus, Mme Marina conseille de prendre toujours ses responsabilités, d’assumer pleinement son rôle : « Ne pas prendre son partenaire pour sa conscience, la prise de décision doit être personnelle. »
Enfin, elle conseille aux femmes-entrepreneures à être plus inspirées par leurs actes et non les paroles.
« La valorisation doit se faire en partenariat sans fragiliser l’autre »
Gérard Théobald, auteur-réalisateur, spécialiste en social politique, fait savoir qu’il est l’homme qui a dit très rapidement non à sa mère : « En disant non, je me suis très vite libéré. »
Dans sa famille, raconte-t-il, les femmes sont nombreuses que les hommes et il y a des espaces où des garçons étaient interdits et où le contact avec les femmes était également défendu.
Ses premières relations avec les femmes, explique M. Théobald, prennent origine dans les corps de métier : « J’ai appris à construire mes rapports avec les femmes. C’est grâce aux femmes que j’ai appris à vivre pour moi. »
Pour lui, cet apprentissage était assez novateur, assez découvrant parce qu’il y a des choses apprises qu’il n’avait pu découvrir ni avec sa sœur, ni avec ses cousines, ses tantes ou sa mère. L’encouragement est gratifiant et quand une femme vous pousse vers le haut, elle attend que la situation s’équilibre. Et comment établir cet équilibre ?
Gérard Théobald se base sur une étude qu’il a faite sur les violences faites aux femmes. Le soutien réel des hommes se manifeste à partir du moment où des solutions deviennent apparente : c’est la fragilité. Il se refuse de penser à la place de la femme : « Je suis de ces hommes qui portent vers le haut leur compagne.»
« Etre femme chef d’entreprise, c’est être un vecteur »
Johyce Oto, architecte, polytechnicienne, experte en intelligence managériale, etc. ne mâche pas ses mots : « Quand on n’est une femme chef d’entreprise, ça ne s’improvise pas, on a choisi de l’être. »
Pour Mme Oto, une entreprise est une structure qui répond aux besoins de la société. Contrairement aux sociétés Anglo-Saxonnes, les chefs d’entreprises des sociétés françaises et francophones ont une culture salariale ou commerciale : « Le premier client qui arrive, on veut que c’est lui qui rembourse le ticket du train ou du TGV, etc. »
La femme, précise-t-elle, étant intrinsèquement un manager, elle reflète l’image de quelqu’un qui prend le pool, qui coordonne : « C’est elle sur le plan entrepreneurial qui devrait témoigner de sa culture économique. »
De plus, les femmes, constate Dr. Oto, critiquent toujours sous la table, en back office, jamais en public, jamais elles ne veulent pas aller vers les autres. D’après elle, c’est la petite gangrène.
Lorsqu’on parle de femme chef d’entreprise, se demande Dr. Johyce Oto, de qui parle-t-on ? De la femme qui va se faire courtiser d’un homme pour qu’il lui offre après un véhicule ou parle-t-on de la femme qui a fait la même école qu’un homme, une femme qui se prend sur le prisme de sa vocation, de son expertise, d’une femme qui trace les sillons.
« Être femme chef d’entreprise, c’est être un vecteur. Un vecteur, ce n’est pas un homme, un vecteur qui sert est un levier, c’est quelqu’un qui regarde vers l’autre qui analyse les besoins et va vers l’autre », déclare-t-elle.
Et de rassurer les organisatrices du salon, d’aller toujours vers les autres et sortir de sa petite zone de confort pour se demander : pourquoi et pour qui on crée.
Pour conclure son propos, Johyce Oto a partagé l’exemple de la France, fustigée parce que beaucoup de jeunes ont émergé vers des filières techniques comme la boulangerie, la maçonnerie, etc. : « Mais qui plus que les mamans peut observer cela et dire fiston, cet avenir là est le tien ? »
Etre femme, souligne-t-elle, ce n’est pas morphologique : « Une femme chef d’entreprise est quelqu’un qui a un regard affûté, un leader à trois sphères : social, professionnel et public. »
Sur ces mots, le débat était lancé. L’événement Ethnobazar aura été une occasion aux femmes stylistes et créatrices de partager leurs connaissances et de se connaître.