[Par Elyse NGABIRE]
Les Nations Unies et l’Union Africaine se disent déterminées à sévir ceux, qui d’une manière ou d’une autre, ont contribué à la violation des droits humains depuis avril dernier. Toutefois, l’Eglise catholique et le parti Fnl craignent que des enquêtes neutres ne traînent, entraînant le pourrissement de la situation.
« L’avenir du Burundi dépendra de la façon dont ce dernier se comportera face au respect des droits de l’homme», ont laissé entendre Maya Sahli -Fadel, Pablo de Greiff et Christophe Heyns, experts onusiens pour les droits de l’homme, au terme de leur mission au Burundi, ce 8 mars.
Diplomatie oblige. A défaut de dire que la situation est catastrophique, ils ont déclaré tout simplement à la presse que leur travail n’est pas terminé. Il y a un hic.
Contrairement à la délégation de cinq présidents et chefs de gouvernement conduite par Jacob Zuma, président Sud- africain qui a semblé légitimer Pierre Nkurunziza, selon une opinion, ces trois experts sont directs et annoncent le déploiement imminent d’une équipe d’observateurs des droits de l’homme. Le mois de Septembre est la deadline qu’ils se sont fixés pour rendre leur rapport au Conseil des Nations unies en charge des questions des droits de l’homme à Genève.
L’Eglise catholique, qui depuis un certain moment était sous réserve, sort enfin de son silence. Dans son communiqué du 7 mars, Mgr Gervais Banshimiyubusa, président de la Conférence des évêques du Burundi est direct : « Il n’y a pas de fumée sans feu. Même si le pouvoir fait tout pour convaincre l’opinion tant nationale qu’internationale que tout va bien, le climat politique n’augure rien de bon. On sent une tension au sein de la classe politique. »
L’Eglise va plus loin en évoquant les relations entre les autorités burundaises et ses partenaires classiques financiers qui ne sont pas également au beau fixe : « Cette situation n’a que pour conséquence l’accroissement de la misère et de la pauvreté d’un peuple déjà meurtri. » Et de se demander si cette option prise par le pouvoir de museler ses citoyens est digne d’un dirigeant politique qui se dit mandaté par la volonté divine. Recourant à la parole biblique, Mgr Banshimiyubusa met en garde : « Ils sont plus redevables, ceux à qui Dieu a donné plus que d’autres. » L’Eglise appelle au dialogue inclusif d’autant plus que le gouvernement s’estime prêt : « Les actes doivent suivre les paroles. »
Le Fnl exhorte des enquêtes neutres
« Lorsque le gouvernement bombarde l’opinion de ses communiqués intempestifs, le parti Fnl se demande si leurs signataires savent que les Burundais n’avalent plus n’importe quelles couleuvres », déclare Aimé Magera, porte-parole d’Agathon Rwasa.
L’existence des fosses communes au Burundi, persiste et signe M. Magera, est une réalité : « Parmi les corps sans vie ensevelis dans ces charniers, figurent des centaines de milliers de militants du Fnl, tués depuis que le parti Cndd-Fdd est aux affaires. » Ceux qui s’évertuent, poursuit-il, notamment le tandem tapageur Nyabenda- Ndabirabe, respectivement président et porte-parole du parti présidentiel, à nier ou à dénaturer cette triste évidence sont à traiter comme de vrais ennemis du peuple : « Nul ne peut oublier les scènes horribles de 2006 où des militants Fnl ont été sauvagement torturés et exposés en plein stade de Bujumbura, sous un soleil de plomb. »
Aimé Magera se souvient de ces vieilles mamans arrêtées, amassées dans les quartiers du nord de Bujumbura et exposées sur place publique pour les humilier davantage avant d’être jetées en prison ou de finir leur vie ici- bas dans les rivières du pays.
Selon lui, depuis trente six ans, son parti a été toujours l’avant-garde des combattants de la démocratie et aujourd’hui plus que jamais, il reste fidèle à sa ligne de conduite : celle de défendre les acquis du peuple dont celui d’Arusha qui consacre les mandats présidentiels à deux seulement.
Pour le porte-parole d’Agathon Rwasa, la dernière rencontre avec le Secrétaire Général des Nations Unies est un message clair envers les autorités de Bujumbura et les partis satellites qui se sont vus refuser l’accès aux entretiens avec cette haute personnalité.
Face aux options ouvertement bellicistes de Bujumbura, Aimé Magera leur demande de bien guider au lieu de dérouter les enquêteurs internationaux dans le contexte d’un discours officiel s’inscrivant dans la logique d’accuser l’opposition et de brouiller les pistes en enterrant précipitamment les restes des corps déterrés : « Pour établir les responsabilités individuelles dans ces crimes de sang, impardonnables, non amnistiables, la vérité s’impose . »
Manifestement, s’indigne M. Magera, les ténors du CNDD-FDD en connaissent assez sur ces fosses communes : « Nous faire croire que le Rwanda, ou la Belgique ou les Etats Unis ou un autre pays est venu creuser des trous d’une profondeur de dix mètres et y enterrer des dizaines de citoyens à l’insu des forces de l’ordre, de sécurité et de la milice constituée des jeunes du parti présidentiel ‘ Imbonerakure’ relève de l’inacceptable».
Face à ces accusations, le pouvoir de Bujumbura persiste et signe que le torchon ne brûle pas au Burundi. Pour lui, les « chiens » aboient et la caravane passe.