[Par René DASSIÉ]
Au Cameroun, viols et crimes rituels touchant principalement des enfants et des adolescents se multiplient. Dernière victime en date, une jeune fille du nom de Nicaise Bessala. Lundi, les réseaux sociaux ont signalé le viol et l’assassinat de cette élève du lycée classique de Sangmelima, dans le sud du pays. Selon le site koaci.com, ce sont des promeneurs qui ont découvert son corps sans vie, dans la ville où elle vivait avec ses parents. Ce crime vient s’ajouter à de nombreux autres qui ont émaillé l’actualité camerounaise ces dernières années.
Début février, le corps décapité d’Eva Deupe Kamgan fillette de moins de trois ans, avait été retrouvée dans un ruisseau de Makèpè-Missokè, un quartier populaire de Douala, la capitale économique du Cameroun.
Cette histoire avait profondément choqué l’opinion, au delà des frontières camerounaises. De nombreuses réactions indignées ont ainsi été postées sur la page Facebook (https://www.facebook.com/La-Marche-DEva-1559334047727116/) qui lui a consacrée, et le chanteur camerounais Idy Oulo lui a rendu hommage dans une chanson disponible sur cette page.
L’année dernière, c’est dans l’ouest du Camerounais que de nombreux assassinats d’enfants avaient été enregistrés. En novembre, dans un quartier de Bafoussam, la capitale régionale, le corps d’une fillette de quatre ans avait été découvert un soir près du domicile familial. Ses parties génitales avaient été enlevées. Malade et alitée, cette enfant avait probablement été enlevée dans la journée, lorsque sa mère s’était éloignée moins d’une demie heure du domicile familial.
Selon la presse camerounaise, c’était le troisième enfant assassiné, dans la même région, en moins de trois semaines.
Crimes rituels
Une bonne partie de l’opinion camerounaise attribue ces crimes à des pratiques rituels. Les tenants de cette thèse en veulent pour preuve le témoignage d’un homme de 24 ans, principal suspect dans l’assassinat d’un garçon de cinq ans, dont le corps avait été retrouvé pendu à Dschang, une ville proche de Bafoussam.
Selon le quotidien la Nouvelle Expression, le meurtrier présumé aurait indiqué lors de son interrogatoire par la police qu’il avait agi sous les ordres d’un groupe mystique auquel il appartenait.
L’opinion camerounaise avait retenu la même interprétation, lorsque trois mois plus tard à Bafoussam, la foule avait surpris un homme d’une trentaine d’année, portant dans son sac des restes d’un petit enfant.
Le site InfoSud (http://www.infosud.org/Au-Cameroun-une-serie-de-meurtres,10321 ) croit pouvoir établir le début de ces meurtres de nature rituelle en 2012. Cette année-là, de nombreux cadavres mutilés de jeunes femmes avaient été découverts à Yaoundé, la capitale camerounaise.
« Dans notre pays, les gens restent fondamentalement animistes, même s’ils sont publiquement adeptes des religions catholique et musulmane. Et tout le monde sait bien que pour satisfaire les demandes de puissance et d’enrichissement de leur clientèle, les marabouts exigent souvent des sacrifices humains, ou des organes comme le sexe, le cœur, le cerveau, etc. », explique M. Mballa, un sociologue cité par le portail.
Dans son livre Méditations de prison l’ancien ministre Titus Edzoa qui avait été interpellé en 1997 après s’être déclaré candidat à l’élection présidentielle et a passé 17 ans en prison, officiellement pour détournement de fonds, reconnaît lui-même la pratique des crimes rituels au sein de l’appareil d’Etat camerounais.
« Boire tout frais du sang humain, c’est particulièrement excitant pour les caprices des démons », écrit-il.
La journaliste française Fanny Pigeaud qui a été pendant plusieurs années la correspondante de l’AFP au Cameroun signale également la pratique des rituels de sorcellerie au sommet de l’Etat, dans son essai intitulé Au Cameroun de Paul Biya.
Pour l’opposant Pierre Mila Assouté, président du (Rassemblement démocratique pour la modernité du Cameroun) RDMC en exil en France, « les crimes rituels touchent les enfants et dénotent de la prospérité de l’état de nature chez nous. »
Le gouvernement camerounais communique peu sur ces crimes. Suite à l’affaire des femmes assassinées et mutilées de Yaoundé en 2012 et 2013, le ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary, s’était contenté de reconnaître qu’une « vague de crimes spectaculaires a été commise dans l’arrondissement de Yaoundé 4. » « Le viol systématique, suivi dans bon nombre de cas de l’amputation de certaines parties du corps, se retrouve dans chacun des crimes », avait-il ajouté.
Désemparés, des citoyens ont mis sur pied un collectif appelé «Au nom de nos enfants», qui se donne pour tâches de sensibiliser les parents au sujet de la protection de leurs enfants et d’exiger des enquêtes de la part des pouvoirs publics.