[Par Elyse NGABIRE]
Il y a une année jour pour jour quand les ennemis de la liberté de la presse ont commis l’irréparable : la destruction de quatre radios et de deux chaînes de télévision. À l’origine, une tentative de coup d’État dont les professionnels des médias burundais ne sont pas responsables.
Il était aux environs de 13h15 du mercredi, 13 mai 2015 quand la voix du général Godefroid Niyombare a retenti dans l’édition du journal de 13h sur certains médias privés. Il annonçait la prise du pouvoir et le « rétablissement» de l’ordre institutionnel, social, etc. Depuis peu menacé par la troisième candidature du président Nkurunziza, contrairement à la lettre et à l’esprit de l’Accord d’Arusha et de la Constitution.
La journée du 13 mai a été une journée spéciale et inoubliable dans l’histoire du pays en général et de la capitale Bujumbura en particulier. Alors que la police avait jusque-là résisté à la volonté des manifestants de poursuivre leur mouvement en ville, les femmes y arrivent tout de même. À partir de l’ancien Odéon Palace, elles atteignent la place de l’indépendance et toute une foule de manifestants venus de toute part de la capitale les y rejoignent.
Dans un laps de temps, des blindés à bord desquels des militaires et des manifestants avaient choyé toute la capitale. Le premier geste du général Niyombare sera la réouverture de la Radio Publique Africaine, qui avait été fermée quelques jours auparavant pour avoir diffusé l’enquête sur le triple assassinat des sœurs italiennes : Olga, Bernadette et Lucia, tuées atrocement en septembre 2014 à leur domicile, à la paroisse Guido Maria Comforti, dans la commune urbaine de Kamenge.
Les deux funestes jours des médias indépendants
Aux environs de 17h30, dans la foulée de la tentative de coup d’État. Des manifestants enragés, accompagnés par des mutins s’accaparent de la station de radiotélévision Rema Fm, accusée de pro-Cndd-Fdd, parti au pouvoir au Burundi.
Et la revanche n’a pas tardé. À l’aube du 14 mai, c’était le tour de quatre stations de radio et une chaîne de télévision à savoir Bonesha Fm, Isanganiro, RPA et la radiotélévision Renaissance. Elles sont d’abord attaquées, puis incendiées et enfin saccagées par des hommes en uniformes policières. Leur tort : avoir couvert les manifestations contre la troisième candidature de Pierre Nkurunziza et diffusé le discours des « insurgés ». Mais l’on sait déjà que le pouvoir de Bujumbura ne portait pas dans son cœur les médias privés. En témoignent l’amendement de la loi sur la presse, jugée par les professionnels de liberticide et de l’emprisonnement en cascade de plusieurs journalistes travaillant pour ces médias indépendants.
La liberté d’expression menacée
A la suite de cette triste réalité, la plupart des journalistes se sont exilés au Rwanda, en Europe et ailleurs. Seul, le Groupe de presse Iwacu continue à travailler. Antoine Kaburahe, son directeur, également en exil, craint un blackout total sur le Burundi compte tenu des conditions de travail dans lesquelles les journalistes restés au pays exercent. Il appelle la Communauté internationale à être plus vigilante sur la question de la liberté d’expression et de la liberté de la presse.
Et le classement 2016 de Reporters Sans Frontières est plus éloquent. Le Burundi, ancien modèle en Afrique et dans le monde, a reculé de 11 places : soit 156ème sur 180 pays sur lesquels l’enquête de RSF a porté.
« La liberté de la presse est sacrée parce qu’il ne peut pas y avoir de démocratie sans liberté et il ne peut pas y avoir une liberté sans presse indépendante », a rappelé Jean-Marc Ayrault, ministre français des affaires étrangères et du développement international, lors de sa visite, le 4 mai, à la Maison des Journalistes.
Selon lui, la liberté de la presse et les droits de l’homme ne peuvent et ne doivent jamais être considérés comme une contrainte. Ils constituent une arme contre l’obscurantisme et la folie barbare : « Ces droits doivent s’exercer chaque jour. »
Au nom de tous les journalistes exilés en France, nous souhaitons bon courage à nos confrères en exil et au pays. Gardez toujours à l’esprit cette phrase de Jean-Marc Ayrault : « Être journaliste aujourd’hui, est plus qu’un métier. C’est un combat et une responsabilité pour la liberté d’expression. »