[Par Léon KHAROMON]
Pour François Hollande, la victoire du camp du Brexit ce 24 juin 2016 restera comme « un choix douloureux » dans les annales de l’Europe. Pour Marine le Pen, c’est plutôt le jour où des Citoyens européens ont décidé de reprendre leur destin face à ce qu’elle qualifie de « diktat de Bruxelles ».
Quoi qu’il en soit, la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE marque un tournant décisif dans l’avenir du Vieux Continent et augure une ère d’incertitudes que les grandes places boursières ont déjà signalées par des chutes vertigineuses de leurs indices. Plus de 10% pour le CAC 40 à Paris, tandis que la livre sterling britannique se négociait au plus bas, poussant la banque centrale anglaise à racheter massivement sa propre monnaie pour atténuer la dégringolade et préserver le cadre macro-économique de la tempête politique.
Les partis populistes n’ont jamais rêvé meilleur scénario que celui du « Brexit ». Maintenant que c’est fait, ils se sentent pousser les ailes. En France, la présidente du Front national demande que vite soit organisé aussi un référendum sur la sortie ou le maintien de la France dans l’Union européenne. Le Frexit, l’appelle-t-on déjà. La tentation est aussi forte pour d’autres partis populistes européens à emboîter le pas aux British. A terme, l’enjeu de ces consultations populaires risque de dépasser le seul cadre de l’Union européenne et menacer l’existence même de l’Europe dans ses frontières actuelles.
La Grande-Bretagne qui se retire de l’Union européenne, pourrait se voir elle-même amputée de quelques centaines de kilomètres. Car, pour beaucoup d’Écossais, le Brexit est une mesure « unilatérale » du grand-frère et sonne comme une trahison. Les Écossais, estiment n’avoir jamais demandé le départ de l’UE. Bien au contraire. Aussi, envisagent-ils d’organiser un référendum à leur tour sur le maintien ou non de l’Ecosse dans la Grande-Bretagne. A Londres, d’aucuns voient cette menace comme une manœuvre de rétorsion de la France et de l’Allemagne vis-à-vis de leur vieux-meilleur-ennemi-commun. Paris aura beau crier n’y être pour rien, mais les relations franco-britanniques sont à ce point complexes que les souvenirs des Cent ans de guerre intestines risquent de s’inviter au débat. L’Entente cordiale, si chèrement acquise entre deux-frères ennemis pourrait être mise à rude épreuve par la nouvelle donne que génère le Brexit. Si jamais l’Écosse se retire de la Grande-Bretagne, les Anglais, blessés dans leur orgueil légendaire, pourraient aussi ressusciter et soutenir activement des velléités indépendantistes chez leurs voisins. On les voit mal se gêner pour donner un « petit coup de pouce » aux Basques, aux Bretons et aux Corses qui tentent depuis toujours de s’émanciper de la France et de l’Espagne. On avait du mal à imaginer pareil scénario.
« La faute à Bruxelles »
Mais le coup de semonce que vient de donner le Brexit laisse désormais envisager toute éventualité. On sera ainsi loin des salles et couloirs feutrés de Bruxelles où des élites européennes, trop préoccupées par les enjeux de la mondialisation néo-libérale ces dix dernières années, se sont progressivement coupées des réalités et des préoccupations quotidiennes de leurs peuples. Pire, ces élites ont chaque fois passé l’Union Européenne pour le bouc émissaire de leurs échecs. C’était facile et presque de bon ton de tout mettre sur le dos de Bruxelles. Chaque fois que ça ne marchait pas dans un pays, les dirigeants disaient aux peuples « c’est la faute à Bruxelles ! ». A ce tableau déjà peu reluisant est venu s’ajouter la « crise des migrants » face à laquelle l’Union européenne a montré ses limites. Du pain béni pour les partis populistes et extrémistes. Ils se sont engouffrés dans la brèche ainsi ouverte par les élites de Gauche et de Droite pour demander la tête de ce Bruxelles « si lointain et si opaque » qui décide pourtant de leur destin.