[Par Bahram RAWSHANGAR]
Le 25 juin l’association AZADI a organisé devant le bureau de l’UNESCO à Paris une manifestation contre l’injustice culturelle qui sévit en Afghanistan. Des dizaines de personnes y ont participé. Ceux qui ont pris la parole ont déclaré que l’Iran et la Turquie n’avaient pas le droit d’enregistrer le chef d’oeuvre de Rumi « Masnavi Masnavi » comme faisant partie de leur héritage culturel. Et ce à cause du fait que Rumi était originaire d’Afghanistan et était né là-bas. A la fin de la manifestation les responsables de l’association AZADI ont déposé un courrier dans le bureau de l’UNESCO à l’attention de son secrétaire général.
Le courrier indiquait que depuis quelques décennies, l’Afghanistan est non seulement confronté à la guerre et à de multiples crises politiques, mais il est également victime d’un « vol culturel » commis par certains pays voisins. L’un de ces pays est l’Iran, la nation ayant tenté de se faire passer pour le vrai propriétaire de l’héritage culturel afghan.
L’association AZADI rajoutait qu’un exemple de ce « pillage culturel » avait encore eu lieu récemment : « Le 7 juin, Said Reza Salhie, le consultant présidentiel et le directeur de l’institution des Documents et de la Bibliothèque Nationale Iranienne, a annoncé que le gouvernement iranien s’était mis d’accord avec la Turquie pour définir le chef-d’œuvre de Maulana Jalaluddin Balkhi « Masnavi Manavi » en tant qu’héritage culturel de leurs deux pays ». Cependant, si l’on considère la position géographique de l’artiste en question – en terme d’origines, cette décision contredit la résolution de l’UNESCO de 2005 qui affirme que « la ville de Balkh est en Afghanistan et que, par conséquent, il s’agit bien du pays d’origine de Maulana (Rumi) ».
L’artiste est en effet né à Balkh, l’une des villes très connues de l’ancien Khorasan, située au Nord de l’actuel Afghanistan.
Et le courrier de déduire que par conséquent, l’Afghanistan est le réel propriétaire de l’héritage de Maulana et de ses œuvres, et non l’Iran ou la Turquie.
Et ce n’est qu’une occurrence parmi d’autres pour l’Iran. Depuis longtemps, le pays tente de présenter les sages, les grands poètes et penseurs Afghans comme membres à part du patrimoine iranien sur la scène internationale, ce fut le cas pour Nasir Khusraw Balki, Abou Ali Sina (Avicenna), Rodaki, Al Biruni, Khawâdjâ Abdallâh Ansârî, et tant bien d’autres. Ce « vol culturel » n’est pas que le fait du gouvernement Iranien, des penseurs et intellectuels du pays, tentent aussi de s’approprier cette autre culture, tant à l’extérieur et à l’intérieur de l’Iran.
Et la missive de faire un rappel historique sur les origines de l’artiste : « Bahāʾal-DīnWalad le père de Maulana, inquiété par le Roi Khawarizme, quitta Balkh pour aller faire le pèlerinage du Hajj. Lors de son voyage, il traversa l’Iran avec sa caravane et sa famille pour rejoindre Bagdad, puis La Mecque. Quand les Mongols, menés par Gengis Khan, conquirent le Khawarazme en 1219, la famille de Maulana (Rumi) décida de partir vers Konya en Turquie, puis ensuite vers la Mecque ».
La loi est claire, indique encore le courrier : « l’Iran n’a pas le droit de s’approprier les œuvres de Maulana et d’en faire le patrimoine de son pays. L’association AZADI considère que la décision prise par l’Iran est très inquiétante et qu’il s’agit d’une action irrespectueuse envers la culture et l’histoire de l’Afghanistan ».
Et de conclure que cette décision iranienne a été prise au moment où le gouvernement afghan a fermé le bureau représentatif de l’Afghanistan à l’UNESCO dû à des problèmes politiques.
Le courrier indique enfin trois propositions pour l’UNESCO :
« 1- L’association Azadi et les intellectuels afghans reconnaissent l’UNESCO en tant qu’organisation internationale prestigieuse et nous souhaiterions qu’elle réagisse suite aux propositions iraniennes et turques qui consistent à inclure le chef d’œuvre de Maulana (Rumi), Masnavi Manavi dans leur patrimoine national.
2-Nous souhaitons que l’UNESCO reconnaisse Maulana et ses œuvres en tant que patrimoine culturel de l’Afghanistan.
3- Nous souhaiterions que l’UNESCO prenne conscience du fait que le patrimoine culturel afghan est menacé par la politique de l’Iran qui s’accapare les philosophes, poètes et mystiques afghans en affirmant qu’ils appartiennent à un Iran ancien ou à l’Iran d’aujourd’hui. »