[Par Elyse NGABIRE]
Quatre ans à la tête du parti de l’Aigle, Pascal Nyabenda est remplacé avant le terme de son mandat par un ancien homme fort du maquis : le général Evariste Ndayishimiye. Du coup, le plan « Safisha » est réactivé, déclare Aimé Magera, porte-parole d’Agathon Rwasa, leader historique des Forces Nationales de Libération (FNL).
« Durant les trois semaines que le parti CNDD-FDD est sous le contrôle total des anciens maquisards qui ont échoué complètement à se transformer en hommes politiques, nous avons documenté plus de 65 cas de violations graves des droits de l’homme », constate Aimé Magera, porte-parole de M. Rwasa, premier vice-président de l’Assemblée nationale.
Inacceptable, dit M. Magera, qui s’inquiète de l’enlèvement, de la disparition, de la torture et des assassinats perpétrés contre leurs militants. Des chefs de collines (à plus de 60% sont FNL), poursuit-il, sont abusivement arrêtés. Motif : non collaboration avec la milice de la jeunesse Imbonerakure du parti au pouvoir.
Plus grave, remarque Aimé Magera, c’est lorsque des éducateurs et enseignants des collèges et lycées, membres du parti FNL, sont arrêtés en pleine rue par leurs propres élèves qui sont dans les rangs de cette milice sans convocation. Aimé Magera raconte qu’ils sont tabassés, ligotés, humiliés comme des brigands devant parents et autres élèves, puis jetés en prison ou disparaissent tout simplement. Leur seul péché, fait-il savoir, est d’avoir adhéré au parti d’Agathon Rwasa : « Le but du pouvoir est de les humilier, les réprimer et les déshumaniser. »
La situation s’est considérablement dégradée, raconte le porte-parole d’Agathon Rwasa, depuis que le général Evariste Ndayishimiye assure le secrétariat du parti au pouvoir : « Nous inscrivons cette recrudescence de la violence dans la logique, somme toute, dictatoriale d’un pouvoir à l’agonie, qui n’épargne personne. »
D’après Aimé Magera, c’est l’exécution du plan Safisha des années 2010 qui se poursuit où des centaines de fidèles de M. Rwasa ont été arrêtés, torturés, puis jetés dans des rivières. Aujourd’hui comme hier, leurs bourreaux, insiste-t-il, sont des miliciens du parti CNDD-FDD au pouvoir, le service des renseignements et les forces de l’ordre : « Ils s’en prennent indistinctement à tous ceux qui s’opposent au maudit troisième mandat de Nkurunziza. »
Depuis longtemps, Aimé Magera indique que son camp a condamné ces tueries qu’ont subis beaucoup de Burundais non acquis à la cause du pouvoir CNDD-FDD, spécialement leurs militants qui sont les premiers à subir les foudres de la dictature du système Nkurunziza, en vain : « Malheureusement, ils continuent d’endurer les affres de cette milice Imbonerakure, dont le seul dessein est de ramener de force tout le monde à adhérer à leur parti. »
Ainsi, son parti saisit cette occasion pour dénoncer encore une fois ces exactions. Il présente toute sa sympathie envers les familles endeuillées depuis plus d’une décennie et spécialement durant cette période de contestation contre ce 3e mandat de trop, maudit, illégal et inconstitutionnel de Pierre Nkurunziza.
Nous déplorons et dénonçons toujours les arrestations arbitraires, les tortures, les exécutions extra-judiciaires et autres sévices dont souffrent la grande majorité de la population non acquise à la cause du CNDD-FDD, notamment celle de vouloir se positionner en parti-Etat. Cela se passe au moment où les Burundais aspiraient à jouir des dividendes d’une démocratie épanouie, dont ils ont payé le plus lourd tribut durant les longues crises qui ont secoué leur pays : le Burundi.
Contacté pour s’exprimer sur ces bavures commises par la milice Imbonerakure, le président de la Ligue des jeunes du parti CNDD-FDD riposte toujours que la responsabilité pénale est individuelle : « Il faut mettre les noms sur les visages pour éviter toute généralisation, toute globalisation. »
La rédaction a essayé de joindre le nouveau patron du parti présidentiel burundais sans succès.
Au moment où nous mettons sous presse, on apprend que 15 autres militants ont été victimes d’arrestations dans le nord, le centre et le sud du pays. Selon toujours Aimé Magera, ils sont accusés de tenir des réunions illégales du parti. Pour M. Magera, c’est presque une prise en otage de leurs militants qui n’ont même pas le droit de rendre visite à leurs familles. Plus grave, conclut-il, Agathon Rwasa, leader historique des FNL et premier vice-président de l’Assemblée nationale est empêché par les autorités provinciales (Ngozi, sa colline natale, ndlr) de visiter sa famille alors qu’il y a 30 ans qu’il ne l’a pas revue : « Nous sommes dans une République bananière ! ».
La liste (non exhaustive, selon M. Magera) des militants FNL séquestrés depuis que général Ndayishimiye est secrétaire du CNDD-FDD