« Je redécouvre la fierté d’être journaliste. »

[Par Elyse NGABIRE]

Du 14 au 16 mars, Ouest fraternité, une association créée par des salariés du grand quotidien français Ouest-France m’avait invitée à la découverte du travail des confrères et à témoigner auprès de 300 élèves du Lycée Saint Vincent, à Rennes. C’était dans le cadre du partenariat né en 2017 entre la Maison des Journalistes et cette association.

Elyse Ngabire devant le siège de Ouest-France à Rennes
© Ouest-France

Des occasions pareilles n’arrivent pas tous les jours. Depuis mon arrivée en France, le 20 septembre 2015, je ne me suis jamais sentie aussi journaliste que ce jour où j’ai été accueillie au siège d’Ouest-France. Deux ans presque que je n’ai pas participé à une conférence de rédaction. Et cela me manquait beaucoup. Et le mardi, 14 mars 2017, une partie de ma soif a été assouvie.

Il est 9h40 min quand  j’arrive  dans la  ZI de Chantepie, 10 rue Breil, à Rennes. Je suis très impressionnée par ce grand bâtiment qui  abrite depuis août 1972 le siège de ce grand quotidien de l’ouest de la France et qui porte ce nom géographique : Ouest-France. L’insigne rouge où on peut lire en grands caractères Ouest-France attire mon attention avant de passer les marches vers l’intérieur.
Accompagnée de Karin Cherloneix, journaliste à la rédaction locale de Ouest- France Saint Malo et également présidente de l’association France fraternité, nous nous retrouvons au premier étage où nous sommes accueillis par une file de journalistes venus se servir un café. En cette fin d’hiver, les températures avaient baissé (8° le matin et 15° l’après-midi) mais un café chaud vaut la peine parfois pour  recharger les batteries. Karin Cherloneix en profite pour saluer des collègues qu’elle rencontre au distributeur et qu’elle n’avait pas revus depuis quelques mois, une brève présentation du nouveau visage à côté d’elle et c’était parti. Entre professionnels, ça va vite !

Juste le temps de relire des papiers à livrer d’urgence et Christelle Guibert, journaliste au service Monde, en charge ce jour de notre visite, nous rejoint au comptoir installé tout près du distributeur. Egalement membre d’Ouest fraternité, Christelle Guibert se dit ravie de cette visite et de ce partenariat avec la Maison des Journalistes et nous invite à la suivre. Nous traversons le grand hall aménagé en compartiments où chaque service a son propre espace.

Elyse Ngabire accueillie au service Monde du journal
© Ouest-France

Charité bien ordonné commence par soi-même, dit-on. Je suis bien évidemment accueillie au service Monde dont Christelle  fait partie. A notre arrivée, l’équipe s’apprête à commencer sa première réunion matinale. C’est  un plaisir de rencontrer Bruno Ripoche, le chef de service, Patrick Angevin, Cécile Réto et Philippe Chapleau qui forment une très bonne équipe. Tour de table sur l’édition de la matinée pour voir ensemble le travail abattu la veille : une autocritique constructive qui permet d’améliorer dans l’avenir.

Après, c’est la présentation des sujets à faire d’ici ce soir pour le lendemain. Chacun connaît son rôle et les articles ont été minutieusement préparés qu’on ne perd pas de temps à orienter tel ou tel autre sujet. Ils anticipent sur des faits soit pour constituer un stock ou pour devancer d’autres médias concurrentiels qui ne manquent pas à Rennes. Nous étions dans la semaine du 13 mars et le premier anniversaire (22 mars) des attentats en Belgique approchait. Cécile Réto qui devrait se rendre le week-end dans la capitale belge en profite pour proposer un avant-papier.

Des journalistes très informés

« Un bon journaliste doit être bien informé, doit lire beaucoup. Nous ne pouvons pas prétendre informer les autres lorsque nous-mêmes, nous ne le sommes pas », conseille toujours Antoine Kaburahe, directeur  des publications au sein du Groupe de presse Iwacu pour lequel je travaillais au Burundi et avec lequel je garde des liens professionnels privilégiés. Devant chaque journaliste du Service Monde, une pile d’ouvrages et de temps en temps, un journaliste est sérieusement occupé par la lecture.

La première réunion de service a eu lieu un peu tard à 10h, parce qu’ils nous attendaient. Vers 11h20, la réunion des chefs de service est convoquée à côté, juste pour voir ce que chaque service a prévu pour l’édition du lendemain.

J’aurais aimé participer à d’autres réunions de service à l’instar du service politique, ma spécialité. Toutefois, le temps pressait. Il fallait que je visite également le service web. Ce service, dont la plupart des journalistes sont de la jeune génération, est tellement avancé dans les nouvelles techniques de l’information et de la communication. Ses gestionnaires savent les articles les plus lus afin d’orienter les journalistes sur les sujets que le public souhaite. « Une fois que l’on est conscient que  nous n’écrivons pas pour nous-même, il est très important de travailler en tenant compte du nombre de visiteurs chaque jour ainsi que des sujets qui attirent l’attention des lecteurs pour les fidéliser », explique Caroline Tortellier, l’adjointe du responsable web. Des sujets aussi diversifiés sur le site qu’on ne retrouve pas forcément dans la version papier.

Après, j’ai visité le service Culture et Dimanche Ouest-France. J’ai trouvé, à ma plus grande surprise, des journalistes très occupés alors qu’ils sont plus sollicités pour alimenter à presque 100% l’édition du dimanche. Occupés mais aussi compatissants et attentifs aux difficultés que rencontrent des journalistes étrangers qui débarquent en France en matière d’emploi. Ainsi, certains me passent leurs cartes de visite et me proposent parfois des piges sur des évènements intéressants à Paris.

Le soutien, c’est aussi celui de François-Xavier Lefranc, rédacteur en chef du journal, qui apprécie le partenariat entre Ouest fraternité et la Maison des Journalistes. Il se dit prêt à soutenir cette initiative qui vise entre autres, la réinsertion professionnelle des journalistes de la MDJ.

A la locale de Rennes,  le départ d’Eric à la retraite ne l’empêche de présenter ses derniers papiers

Contrairement à Chantepie, au siège, où sont concentrés les journalistes des pages générales, la locale de Rennes est  également siège départemental. Une dizaine de journalistes occupent le premier étage rue du Pré-Botté.

Mercredi, 15 mars, à 10h. Vincent Jarnigon, chef de la rédaction, nous accueille et nous invite à participer à la réunion de rédaction qu’il anime. Aucune gêne, plutôt un très grand plaisir de ma part de découvrir comment ça se passe ailleurs. J’ai pris ma place entre confrères le tout naturellement et simplement du monde, comme si j’étais dans ma rédaction au Burundi.

Bref commentaire sur l’édition du matin et tour à tour, l’équipe passe à la présentation des articles de la prochaine. La réunion ne dure pas longtemps, environ 45 minutes, puisque chacun a minutieusement préparé ses sujets.

Quelques minutes auprès du responsable du journal en ligne pour voir aussi comment ça fonctionne avant d’aller nous entretenir avec Stéphane Vernay, directeur départemental d’Ille-et-Vilaine.  Journaliste également, il nous raconte l’évolution de ce grand quotidien de toute la France, des origines en passant par les différentes guerres que la France a connues ainsi que l’impact qu’elles ont eu sur le quotidien. Histoire très intéressante qui nous a permis de comprendre les différents grands moments du journal.

A 15h, c’est la visite dans la salle de montage du journal. Là, le travail est également impressionnant et sérieux. Des papiers tombent de tous les contibuteurs locaux et chaque journaliste s’occupe de la relecture et de la mise en page des articles.

Un coordonnateur est en communication permanente avec Chantepie pour leur indiquer où en est le travail. J’ai eu le plaisir de corriger quelques articles des collègues : réduire, voire changer les titres pour qu’ils soient informatifs et accrocheurs, de revoir les formulations parce que les phrases sont alambiquées et font perdre le sens, etc. Cet exercice me manquait aussi. Ça m’a rappelé la rigueur que j’imposais à mes collègues quand j’étais cheffe d’édition.

Visite nocturne aux rotatives

Visite des rotatives du journal
© Ouest-France

Une équipe d’une vingtaine de visiteurs conduite par Nicolas Carnec, chef de rédaction à Saint- Malo, est en train de visiter la locale de Rennes pour voir comment les papiers sont mis en page. Nous restons avec eux  jusqu’aux environs de 22h30 avant de continuer notre visite à Chantepie. Nous y sommes accueillis pour assister au travail d’impression des journaux. Des machines très modernes, flambant neuves en remplacement des anciens modèles, tournent sans arrêt. Elles ont été lancées et tournent depuis peu avant notre arrivée sur les lieux.

Après ¾ d’heures, des couleurs rouge, noire, bleu, jaune, etc. éblouissantes  attirent notre attention : les premiers exemplaires sont déjà là. Des camions attendent dehors. Selon le guide, on privilégie l’impression des éditions des coins reculés pour éviter des problèmes avec les abonnés. Et chaque matin, ces derniers ont droit dans leur boîte à un exemplaire.

Trois jours riches

Les trois jours à Rennes ont été doublement bénéfiques pour moi. Du point de vue professionnel, j’aurai retenu la rigueur dans l’écriture, le respect de la deadline, la rapidité, la concurrence par l’occupation de tout le terrain médiatique, etc.

Du point de vue technique, j’ai constaté que depuis la conférence de rédaction lors de la présentation et le choix des sujets, jusqu’à l’impression et à la livraison des journaux, c’est un vrai travail d’équipe, tels des maillons d’une même chaîne.

Elyse Ngabire

Journaliste burundaise, Elyse NGABIRE est licenciée en Sciences de la Communication à l’Université Lumière de Bujumbura et a également fait une année de Master en Journalisme à l’Université du Burundi. Elyse NGABIRE a commencé à exercer le métier de journalisme en 2008 au Groupe de presse Iwacu, chargée des questions politiques.

Elyse NGABIRE reste très active et continue de publier pour son journal et pour le site L’œil de l’exilé, des évènements qui se déroulent en France, en Belgique et ailleurs dans le monde. A la destruction des médias privés indépendants en mai 2015, Iwacu reste l’unique média indépendant du pays, pressions et menaces à son égard se sont multipliées.

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