[Par Jean-Jules LEMA LANDU]
Depuis quelques années, l’aspiration est dans l’air. Elle n’est pas nourrie de chimères, mais elle est plutôt justifiée par des actes concrets. Même si ce rapprochement dont on parle ne pourrait être circonscrit que dans la compréhension stricte du mot « tolérance ». La surprise est que cette réalité est en train de prendre son élan sur les terres mêmes de l’islam. En l’occurrence, au Maroc.
C’est, sans conteste, un thème de satisfaction, en général, pour les fidèles des deux bords ! Qui, dans le meilleur des cas, se sont toujours regardés en chiens de faïence, au pire, entretués sans concessions. A cet égard, les cas de l’Egypte et du Nigeria sont emblématiques en Afrique. L’Egypte, où Daesh vient encore de frapper durement, dimanche 9 avril, les chrétiens coptes.
Depuis des siècles, le drame dure. Érasme dans « Du libre arbitre », Voltaire dans « L’Affaire Calas », Samuel Huntington, récemment, dans « Le choc des civilisations » – et d’autres – ont décrit le phénomène et appelé à la tolérance. Sans succès. Que faire ?
Le Maroc, sous l’égide du roi Mohammed VI, s’est proposé d’explorer d’autres voies, qui reposent sur du « concret », aux dépens des approches purement philosophiques. Dont le résultat ressemble au feu d’épines. Des cendres desquelles resurgit, avec virulence, la haine des religions. Aujourd’hui, les bouddhistes ne sont plus hors de question. En Afghanistan, ils sont dans le viseur des talibans.
De fait, l’atmosphère générale qui prévaut, un peu partout, n’est pas loin de la psychose, en lien avec la prédiction de Samuel Huntington : « Un choc ». Les récents événements de Londres, Moscou, Stockholm… le rappellent bien.
Dans cette perspective, l’initiative du souverain chérifien est louable. Elle vise un double objectif :
1) affermissement, par les imams, de la connaissance doctrinale du Coran et autres textes relevant de la tradition, mais aussi opportunité pour leur faire saisir la notion de tolérance sur le socle de la sociabilité ;
2) mise en œuvre du rapprochement, pratique, entre chrétiens et musulmans, à travers une structure permanente. S’organisent à cet endroit, surtout, des rencontres pour des échanges conviviaux.
En somme, une sorte de curetage, autant en surface qu’à l’intérieur de la plaie gangrenée !
Pour le premier cas, il s’agit de l’Institut Mohamed-VI, créé en 2013, qui héberge aujourd’hui quelque 800 étudiants, arabes et subsahariens confondus. Depuis, celui-ci est sur la brèche, car la première promotion, pour un cycle d’études de trois ans, a vu sortir ses tout premiers lauréats. La seconde démarche concerne l’Institut Al Mowafaqa, créé en 2014. Cette école, qui forme spécialement au dialogue interreligieux, dispense aussi de la théologie chrétienne. Elle reçoit en majorité des étudiants subsahariens.
Côté critiques, celles-ci sont venues du Sénat français, qui considère « cette formation inadaptée au contexte hexagonal ».
A notre humble avis, nous pensons que l’expérience marocaine a quelque chose de consistant plutôt que le recours aux solutions de circonstance, sinon éphémères.
Puissent se consolider les jalons posés, dans ce sens, à Kremlin-Bicêtre, commune du Val-de-Marne, où chrétiens, Juifs, bouddhistes et musulmans coexistent pacifiquement. Et où « une mosquée est en construction, juste à côté de la synagogue. Un symbole fort », selon Ouest-France, du 24 février 2017.