A priori mon dossier est lourd. N’importe quelle association d’aide aux réfugiés s’arracherait les cheveux avec mon cas, pour sûr. Et ça ne s’est pas arrangé : on m’a récemment affublé du nom exotique de «Yuan Meng». On fait plus classique !
Je suis l’enfant d’un couple d’exilés asiatiques. J’appartiens à une race animale en perdition qui se nourrit de bambou… ce qui fait (rien ne m’étonne plus) de ma famille un objet de curiosité des plus prisés de la part des humains.
Madame Brigitte Macron, des officiels venus de Chine et pas moins de 600 invités ont participé à mon baptême laïc au début du mois de décembre 2017. Les honneurs pleuvent, depuis, sur ma jeune fourrure.
J’ai beau être noir et blanc, j’en vois de toutes les couleurs, on se bouscule pour me voir … et je m’interroge malgré tout : ne faudrait-il pas placer d’office tous les exilés en quête de statut dans un zoo ? Au regard de mon expérience, je crois que l’idée serait bonne.
«Réalisation d’un rêve, d’un souhait» telle est la traduction de mon patronyme, me dit-on. Alors, je vous l’assure, mon rêve est de vivre chez moi et mon souhait serait que mes cousines et mes cousins, celles et ceux de l’humanité déracinée, bénéficient eux aussi de la même et chaleureuse attention que la Première Dame m’a manifestée devant les caméras.
A Beauval, je l’ai vérifié, on pourra sans problème reconstituer le milieu naturel des Yéménites, des Turcs, des Syriens ou même des Chinois, entre autres…pour les présenter au public et – rêvons un peu – susciter de sa part un poil d’intérêt… Nom d’un bambou !
Yuan Meng
Traduction Denis PERRIN