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Afrique 2018 :
ni primeurs, ni fleurs, ni bourgeons
Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France
A lire et à entendre ce qui se dit de prometteur sur le continent, nombre d’Africains se prennent un peu à rêver. Mais comme ces belles prévisions, en chiffres, ne se sont jamais jusque-là traduites en bien-être «tangible», ce rêve a tout de fugace. Pourtant, les Cassandre de l’économie sont unanimes : «L’Afrique est en marche». Quelles seront les fleurs de cette promesse, en 2018 ?
Année après année, les statistiques s’accumulent. Les experts qui les interprètent y dégagent, en effet, un baume d’espoir sur l’abattement qui s’installe un peu partout. Tel a été le cas au colloque organisé, en juin dernier, à Bordeaux, par Fondation Prospective Innovation (FPI), organisme français d’analyse économique, avec pour thème «Afrique : une nouvelle locomotive de l’économie».
Dans les détails, les participants ont enrichi cette thèse, diffuse, et en ont conclu à une «perspective de croissance favorable parmi les meilleures du monde». Le président français, Emmanuel Macron, l’a dit aussi dernièrement à Abidjan, à sa manière, lors de sa rencontre avec la jeunesse ivoirienne. C’est donc un fait incontestable : l’Afrique a la cote. Demain, il faudra savoir compter avec elle.
Croissance favorable, demain ? Mais, celle-ci court déjà. De fait, entre 1995 et 2014, soit une période de dix-neuf ans, le continent a enregistré une croissance moyenne de 5,3 %. Ce chiffre aurait été sans grand intérêt, s’il n’était confronté à un autre résultat concernant l’Asie du Sud-Est, qui, elle aussi, est arrivée en 2014, avec une croissance moyenne de 5,4%. Pourtant, la similitude s’arrête-là, car, en matière de développement, l’Asie du Sud-Est tient le haut du pavé, par rapport à l’Afrique. A la traine.
Le Nigeria face à Singapour
Les facteurs économiques qui expliquent cet écart sont, certes, nombreux, mais il s’avère que la notion de bonne gouvernance en soit la cause fondamentale. La démocratie étant en train de se frayer un chemin, dans cette partie du monde, il va de soi que les « finances en soient saines ». Démocratie rime, souvent, avec bonne gestion ! Ce qui n’est pas encore le cas en Afrique, où l’autocratie est à l’honneur. En dehors d’une poignée de quelque cinq pays sur cinquante-cinq, selon les observateurs.
Résultat ? Chaque jour qui passe, cet écart se creuse. Exemple : le Nigeria, premier pays africain producteur de pétrole, souffre encore de beaucoup de carence en matière d’infrastructure, alors que Singapour (Sud-Est Asiatique), dont l’économie est principalement basée sur le secteur tertiaire, s’active déjà sur un autre logiciel, celui de la recherche et de l’invention. Quasiment un stade de développement à l’aune des pays avancés.
C’est là toute la problématique sur la pauvreté en Afrique qui, depuis plus d’un demi-siècle d’indépendance, n’arrive toujours pas à sortir du labyrinthe du cycle de violences, de celui de la corruption et de la médiocrité. De fait, avec une croissance moyenne de 5,3 %, ces dix-neuf dernières années, le continent aurait pu organiser quelques retombées sur le panier de la ménagère. Le Ghana, dit «démocratique», a même connu, un temps, une croissance à deux chiffres. Tout cela sans impact sur la vie des populations.
La «vraie démocratie» n’étant pas encore au rendez-vous, les bourgeons des fleurs de la promesse resteront encore étouffés, en 2018. Tout comme la dégustation des primeurs devra encore attendre plusieurs années.
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