Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France.
Un an après la naissance, un an après le mariage ou tout autre événement lié à vie – même la mort – appellent un anniversaire. Normal. Mais un an après le décès, et que le corps de quelqu’un ne soit pas enterré, c’est tout à fait anormal. C’est un défi aux usages millénaires de l’homme. Voilà où nous en sommes avec le corps d’Etienne Tshisekedi, décédé à Bruxelles, le 1er février 2017. Le corps de l’opposant congolais repose encore dans un funérarium, dans la capitale belge.
Et pour cause. Des bisbilles entre la famille du défunt et le gouvernement en place à Kinshasa, dit-on. Mais, à y voir de plus près, les raisons sont profondes. Elles touchent même la conscience de toute une nation.
Car, aujourd’hui, le regard critique du monde ne se pose pas seulement sur la famille du défunt, qui subordonne le rapatriement du corps à une sépulture digne ; sur le gouvernement de Kabila, aux abois, pour qui cet événement risque d’être trop dangereux pour son avenir politique ; mais également sur toute la nation congolaise, humiliée, à laquelle l’Histoire fera globalement référence.
Les exigences de la famille du défunt sont-elles défendables ? En partie. Raisonnables, puisque Tshisekedi est à compter parmi les grands hommes politiques du pays. Son nom sera associé à jamais à une «certaine idée» de l’opposition contre les dictatures en Afrique, incarnée par seulement une poignée de leaders.
Il a tenu tête à Mobutu, puis à Kabila père, un dictateur qui cachait encore ses griffes, mais dont les actes annonçaient un tel phénomène. Son enterrement doit donc revêtir un caractère solennel. Voir un caractère national.
Crime de « lèse-mort »
Toutefois, fallait-il en arriver à transiger avec la conscience à ce point de « point mort » ? Laisser le corps de ce grand homme, sans tombe pendant une année ? Ne fallait-il pas accepter les conditions « inacceptables » d’enterrement qu’a posées le gouvernement de Kabila, en attendant une solution pérenne, le moment venu ? Puisque ce moment allait finir, un jour, par arriver…
Quant au gouvernement congolais, s’il en existe un, il mérite d’être affublé d’un bonnet d’âne. Car, en procédant par une attitude d’intransigeance, alors qu’il s’agissait de respecter une norme sociale des plus contraignantes que d’enterrer quelqu’un, il a commis un crime de lèse-majesté. Plutôt de « lèse-mort ». De tout temps, par toutes les ethnies, à travers toutes les races du monde, un mort fait l’objet du respect absolu.
Il n’est jamais tard pour faire du bien, dit-on. Le temps de la raison, en ce qui concerne le rapatriement du corps de l’opposant congolais sur sa terre natale, s’impose. Un an après ! S’impose aussi, avec la même rigueur, l’enterrement digne dû au rang de ce grand combattant de la démocratie. Un an après ! Que le gouvernement Kabila, pour un temps, accepte de se séparer de son bonnet d’âne. Et d’effacer partiellement la honte. Oui, la honte!