Moi, Yuan Meng, le jeune exilé du zoo de Beauval, voici ce que j’apprends : la branche dominante du règne animal – l’Homme – s’amuse de ma condition et me transforme en friandise. Dois-je m’en offusquer ?
Si mon clan est constitué d’amateurs de bambou, comme vous le savez, celui du genre humain, pour sûr, a plutôt porté son choix sur le chocolat. Ainsi, à l’occasion des fêtes de Pâques, on a vu (m’assure-t-on) circuler des pandas… en chocolat, ici et là dans des boutiques spécialisées. Après les gâteaux sablés déjà à mon image, cette idée quelque peu saugrenue serait née dans l’esprit tortueux d’un artisan installé dans les parages de mon domicile provisoire.
Alors ? Eh bien alors, la gourmandise au service du business, passe encore … MAIS enfin, était-il bien nécessaire que l’on me mette ainsi en scène, malgré moi ?
J’ai pris du recul
« On aurait, une fois de plus, voulu me faire dresser les poils sous l’effet de la colère qu’on ne s’y serait pas pris autrement » me suis d’abord dit (car, curieusement, il m’arrive de me parler à moi-même). Et puis, à la réflexion, en tentant de prendre du recul dans l’espace pourtant réduit de mon habitat, j’ai fini par envisager l’affaire tout autrement. Que le plus connu des exilés (pour mémoire, je suis Chinois) soit transformé en friandise est, je vous l’accorde, une sorte d’hommage rendu à ma lignée mais aussi à l’ensemble des âmes errantes que l’Europe accepte d’abriter, mes sœurs et mes frères d’exil.
Et qui sait ? Les papilles du gourmand étant en principe reliées aux neurones de son cerveau, peut-être prendra -t-il (en conséquence) conscience de ce que représente réellement le panda et, de ce fait, qu’il mérite donc probablement mieux qu’un destin confectionné à base de cacao !
I have a dream
« I have a dream » (me too, as Martin Luther King) : sache que celui qui me mange – même à l’état de figurine sucrée – adopte automatiquement ma cause. Une chimie gastrique au service d’une alchimie philosophique et humaniste, pas moins. C’est ainsi. J’en ai décidé, nom d’un bambou !
Yuan Meng
(Traduction de Denis PERRIN)