« La cuisine des idées c’est de la gastronomie »
Moi, le jeune panda né et exilé en France, Yuan Meng, mangeur de bambou, je ne me fais pas d’illusions : on ne change pas le cours des événements avec une simple pincée de « paroles magiques »… Mais il est acquis que penser le monde – à défaut de le pincer – est une étape qu’il convient d’abord de franchir avec le talent d’un coureur cycliste ou même d’un maître-cuisinier. A vélo et table !
La vie en société, nom d’un bambou, c’est comme le Tour de France : un enchaînement d’étapes avec des routes plus ou moins longues, plus ou moins raides, des cols et des descentes aux enfers pas ordinaires, des accélérations, des chutes et des lignes d’arrivées, enfin. Oui, certes, j’aime bien cette métaphore : elle est simpliste mais elle cause à tout un chacun… tout un chacun qui sait que « la roue tourne ». Tel est le destin du Destin.
Sous la Coupole de l’Institut de France
Tout cela pour en arriver à ceci, après cette dégression sportive aléatoire : l’autre jour j’ai envoyé mon ci-devant traducteur sous la fameuse Coupole de l’Institut de France. Cette noble institution réunit toutes les académies dont celle qui est dédiée aux Sciences. Celle-ci, l’autre jour, accueillait un bel événement : les «Rencontres Capitales»… un colloque où l’on aura vu défiler une impressionnante ribambelle de cerveaux.
Loin de penser que mon traducteur soit un Académicien en puissance (il en est loin, le pauvre garçon), je lui ai tout de même demandé d’aller ouïr ce qui se disait là, car je suis d’une nature animale curieuse… Et là, au milieu des intellectuels aussi brillants, exigeants et patentés que fort médiatisés, a surgi un chef de cuisine justement célébré : Michel Troisgros. L’excellent homme à la parole fluide et à l’expression limpide a su trouver les mots pour me redonner de l’espoir. Les papilles de mon bestial intellect ont découvert, tout à coup, de nouvelles saveurs.
Petits moyens, grande efficacité
« Plus les moyens sont modestes, plus l’expression est forte » a-t-il déclaré en expliquant sa vision de la cuisine. Et il a ajouté ensuite, en évoquant les produits qu’il manipule au-dessus des fourneaux : « ce qui est rompu est meilleur que ce qui est tranché, blessé ».
BON… Je transpose, camarade lecteur puisqu’il faut tout t’expliquer : si tu entreprends de penser l’avenir en allant à l’essentiel, au produit brut de ta vie, alors tu pars gagnant. Et si tu romps avec les poncifs, les idées reçues, les utopies à 2 euros par un effort cérébral bienvenu, plutôt que de trancher les têtes de tes contradicteurs comme un abruti d’extrémiste : tu deviens l’humaniste dont j’ai toujours espéré voir apparaître avec le Maillot Jaune sur la ligne d’arrivée. Celles et celui qui pensent sainement (sans sucre et sans gras ajoutés) nourrissent les autres. J’ai dit !
Alors, fais-moi rêver, nourris-moi, l’ami… et retourne, de ce pas, dans ta cuisine. J’ai faim de tes idées, nom d’un bambou !
Yuan Meng
(Traduction de Denis PERRIN)