Par les temps qui courent, c’est comme si la justice s’était passé le mot, un peu partout dans le monde, pour livrer la «chasse aux présidents» indélicats. Et autres sommités qui se mouillent dans les «affaires».
La justice a dardé son aiguillon en Corée du Sud, au Brésil, en France, en Afrique du Sud, au Zimbabwe et au Malawi… Sans oublier ce géant que sont les Etats-Unis, où Donald Trump ne manque pas d’être contredit par la justice. Laquelle va jusqu’à casser brillamment certaines de ses décisions politiques, jugées anti-démocratiques.
Il y eut, à travers les temps, des présidents accusés de corruption, de concussion ou d’autres délits. Et, de ce fait, jetés en prison. Mais ce furent des cas isolés. Sans forcément avoir eu à entraîner un effet prégnant. Nous citerons, à titre d’illustration, le cas du dictateur Marcos des Philippines (1965 -1986). Il aurait détourné des milliards de dollars ; et celui du président péruvien Fujimori (1990 – 2000), accusé de corruption et de crime contre l’humanité.
Aujourd’hui, tel n’est plus le cas. Tout le monde en prend crûment pour son grade : présidents en exercice, ex-présidents, des caciques en politique ou dans les affaires sont interpellés, mis en garde à vue ou en examen, ou placés derrière les barreaux. Au point de créer la division dans l’opinion.
En façade, satisfaits, les gens disent dans leur majorité : «Tout le monde est égal devant la loi» ; en arrière-plan, cependant, un quarteron de mécontents plaide pour qu’un traitement de faveur soit réservé aux présidents (élus démocratiquement), symbole de la démocratie et de l’autorité légale. Même si l’image de ce symbole, argumente-t-on, aura été partiellement écornée.
La corruption en tête de liste
Au-delà de ces prises de position, il y a des faits. Ici, on accuse pour détournement «direct» de fonds publics, là-bas, on fustige la corruption ou la fraude finement dissimulée. Ces comportements répréhensibles sont vieux comme le monde. Mais autres temps, autres mœurs. Aujourd’hui, la justice ne s’en laisse plus conter. En éveil, son dard pique. Sans distinction.
Le côté croustillant du phénomène, aujourd’hui, c’est la récurrence de ces faits dans le temps et l’espace. En Europe, en France, l’ex-président Sarkozy tient le haut du pavé. Il a déjà été mis en examen, à deux reprises, notamment, pour corruption ; Bolloré, un important homme d’affaires, vient d’en faire les frais, pour corruption. Laissons aux vestiaires «l’affaire Fillon», pour fraude.
En Asie, il s’agit du cas d’emprisonnement de Park Geun-hye, ex-présidente de la Corée du Sud, pour corruption ; et de celui de l’ex-président Lula, au Brésil, en Amérique latine, pour le même motif. Lula, dont le prédécesseur, Dilma Rousseff, la dame de fer brésilienne, a été débarquée de la présidence pour la même raison. En Afrique, arrêtons-nous, en attendant, sur l’ex-président sud-africain, Zuma. Crotté jusqu’au cou par la corruption, il encourt une lourde peine de prison.
Tel est le concentré de ce curieux feuilleton judiciaire, dont les protagonistes sont les juges, d’un côté, et les ex-présidents, de l’autre. Un record, en moins d’une décennie… qui laisse un goût d’inachevé. Car, la série est encore loin d’être bouclée. Surtout, en Afrique, où la corruption reste un fait quasi-normal. Dans ce cadre, Mme Joyce Banda du Malawi et Mugabe du Zimbabwe, tous deux ex-présidents, sont déjà dans le viseur de la justice. Pour corruption supposée.
Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France