Chaque année depuis 1993, le 3 mai a été proclamé Journée mondiale de la liberté de la presse par l’Assemblée générale des Nations-Unies. Depuis 25 ans, il s’agit de sensibiliser la population à l’importance des principes fondamentaux de la liberté de la presse. Le droit de vérité, la liberté d’expression et la déontologie du journalisme sont rappelés aux gouvernements du monde. Aujourd’hui encore, nombreux sont les journalistes ne pouvant exercer leur métier correctement. Ils sont harcelés, emprisonnés ou même tués dans l’exercice de leur fonction. Le bilan de ces 25 dernières années reste peu réjouissant.
France : Les lois liberticides s’imposent peu à peu. Dans l’Hexagone, les lignes éditoriales et la situation économique des médias sont de plus en plus menacées. Le fait que le paysage médiatique soit sous la coupe de grands groupes industriels joue beaucoup sur ces conflits. Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à la tête de l’Elysée, il semblerait que les médias soient de plus en plus écartés du paysage français. On peut notamment citer la nouvelle loi sur le secret des affaires qui stigmatise le journalisme d’investigation. Edouard Perrin, journaliste à Première Ligne annonce que cette loi entrave cette liberté fondamentale de la presse, car les journalistes ne peuvent, avec ce texte, relater une quelconque information secrète à l’entreprise. Celle-ci serait donc verrouillée et les affaires telles que LuxLeaks ou les Panama Papers ne pourraient plus être accessible aux citoyens. L’idéal serait, comme il le souligne “de rendre cette loi effective entre entreprises afin d’éviter tout contentieux entre les secrets marchands propres aux entreprises”.
Turquie : La plus grande prison de journalistes du monde. 151, c’est le nombre de journalistes incarcérés depuis des mois et même de longues années pour certains. Erdogan détient dans ses geôles les journalistes turcs s’étant opposés à son régime totalitaire. Depuis la tentative de coup d’Etat en juillet 2016, c’est plus de 160 organes de presse fermés.
Marie Jégo, correspondante du journal Le Monde à Istanbul explique que le monde des médias turc a été anéanti: “Actuellement ce qu’il reste peut se compter sur les doigts de la main.” raconte t-elle. L’argument de l’Etat turc donne bien le ton “ce sont des terroristes et non des journalistes”. Car oui, la centaine de professionnels des médias sont derrière les barreaux pour “propagande terroriste”. Marie Jégo ajoute: “les accusations n’ont aucun fondements, les dossiers sont vides”. L’état d’urgence en vigueur depuis juillet 2016 représente le prétexte parfait pour le régime qui peut alors instaurer des décrets qu’il est impossible de contester. La loi 6352 du 5 juillet 2012, prévoyant la suspension de toute poursuite et condamnations pour “délits de presse et d’opinion”, peut alors être ignorée. Sans une forte pression internationale, “Il n’est pas possible d’espérer” déplore Mme Jégo.
Enchaînement de drames en Europe. Dans le monde, une tendance s’est développée au cours des dernières années : la haine du journalisme et les attaques contre les membres de la profession, notamment au sein des pays des 28. Dernièrement, encore nombre de journalistes se sont fait tués pour avoir tenté de révéler une vérité dérangeante. Daphné Galizia, tuée dans l’explosion de sa voiture à Malte. Jan Kuciak et sa compagne, tués par balle en Slovaquie. Pauline Adès-Mével, responsable du bureau Europe/Balkans de RSF, explique ce phénomène déclarant que “les journalistes qui sont des vecteurs d’information souffrent d’un déficit de crédit car les leaders s’en prennent à eux”. On peut voir l’exemple de l’ancien Premier ministre Slovaque, Robert Fico, qui vilipende les journalistes mais aussi en France avec les propos de Laurent Wauquiez ou le comportement de Mélenchon à l’égard de la presse. Mme Adès-Mével ajoute que “la population est inspirée par les gouvernements” et tel un cercle vicieux, le résultat reste le même.
Journalisme collaboratif – Forbidden Stories : le journalisme continue. Depuis 10 ans, comme l’annonce RSF sur son site Internet, plus de 700 journalistes ont été tués dans l’exercice de leur fonction. Mais, ceux-ci ont trouvé la parade face à ce dramatique constat. Au fil des années, des consortium de journalistes se sont formés à travers le monde. La Fédération Internationale des Journalistes, qui compte plus de 600 000 adhérents dans 140 pays est l’organisation de journalistes mondiale la plus vaste à ce jour. Avec l’arrivée d’Internet, les journalistes s’organisent bien mieux, s’associent avec plus d’aisance mais surtout, dérangent les organismes ciblés par leurs enquêtes. Le 31 octobre dernier, en réaction à la mort de Daphne Guzilia, le projet Forbidden Stories a été lancé. Inédit dans le monde du journalisme, ce projet a été salué par la profession. Comme Laurent Richard, fondateur de Freedom Voice Network, l’explique, il s’agit de “Poursuivre et publier le travail des journalistes menacés, tués ou emprisonnés dans le monde”. Une réponse solidaire aux ennemis de la liberté de parole. Les journalistes restent encore aujourd’hui, trop peu protégés par les lois et l’impunité des crimes dont les journalistes sont victimes est encore bien trop récurrente.
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