La CONATT (Coalition Nationale des Associations de lutte contre la Traite et le Trafic) travaille sur les questions migratoires, considérées comme transnationales. La traite des êtres humains et le trafic sont un de leurs chevaux de bataille. Une approche transversale dans laquelle les médias ont nécessairement un rôle à jouer. Christian Rim, le responsable de cette organisation, nous en parle.
Quelles sont les grands enjeux de la CONATT?
Il faut promouvoir la migration légale et appliquer les conventions internationales. La répression est de mise contre les récalcitrants (passeurs, trafiquants…). Il y a pour le moment un sentiment d’impunité.
Où en sont les gouvernements actuellement, notamment vis-à-vis de la « Liste Noire » des pays ne collaborant pas à cette lutte?
Il y a une sorte de silence complice de la part d’un certain nombre de gouvernements qui, plutôt que de rentrer dans une norme face à un des plus grands défis de notre siècle, préfère jouer aux états voyous. Ce comportement passif encourage la traite et le trafic qui, par conséquent, continue de croître.
La population doit pourtant être rassurée sur les capacités des gouvernements à pouvoir lui apporter un minimum de droits… En tant que société civile nous pouvons alerter les états et attirer l’attention des uns et des autres sur les risques pour chacun et pour l’image de l’Etat lui-même.
Quelle place ont les médias dans ce combat?
Les médias ont un rôle d’alerte précoce puisqu’il s’agit, par des voies multiformes (documentaire, débat, article), d’avoir un rôle avant-gardiste. Les journalistes sont incontournables et pas seulement auprès des décideurs institutionnels mais aussi auprès des principaux concernés.
Par exemple, les opérateurs des radios communautaires: dans un certain nombre de pays du sud, ils font face à une population qui, parfois, ne parle pas la langue officielle (français, anglais, portugais…). Imaginez des personnes qui ne peuvent ainsi pas connaître leurs droits, leurs risques? Nous estimons que la communication doit être importée dans les langues vernaculaires. Il faut transformer la société avec des outils comme la communication.
Le lien entre la presse, internet la sensibilisation est donc primordial?
Les stratégies de communication ont tous les outils imaginables. Malheureusement les agents commerciaux de la traite en profite aussi quand ils veulent atteindre leur but. Pour les contrer, il faut que la société civile s’organise et que les acteurs de la communication (les journalistes mais aussi les utilisateurs des nouvelles technologies) se mettent au travail ensemble. Une approche solidaire face à une question qui devient de plus en plus complexe.
L’éducation est également l’un des enjeux. Les jeunes, mère de 3 enfants à 20 ans, vont devenir les cibles des agents de la traite. Former les jeunes sur la sexualité et la parenté responsable, c’est aussi le rôle des actions de sensibilisation. C’est ce qui fait de cette question une question transversale.
Quelles réactions médiatiques peut-on attendre à ce sujet?
Lors de la crise en Libye, la fièvre est montée très vite concernant l’esclavagisme commis là-bas. Mais cette fièvre est aussi très vite retombée alors que le trafic et la traite perdurent. Que font les journalistes pendant ce temps? Ils ont parlé de ce phénomène “le temps d’une rose”.
Nous souhaitons des actions fortes et sur le long terme. Si la jeunesse des pays du sud n’est pas prise en charge dans le cadre de l’emploi, ça n’ira pas. L’Europe et l’Afrique sont très proches et ce n’est pas demain la veille que les mouvements migratoires vont s’arrêter. Mais si les médias continuent à participer à cette image du modèle occidental comme seul et unique modèle de réussite, les jeunes ne vont cesser de nourrir qu’une seule envie: celle de partir.
Des actions conjointement menées afin de protéger les migrants en situation irrégulière (pouvant mener à l’exploitation) font également parties du projet de la CONATT. Dans une ambition collaborative, il s’agit pour ce collectif (comme tant d’autres: Ensemble Contre la Traite, AFJ, Coordination Sud, Comité Contre l’Esclavage Moderne) de remettre la problématique de la traite et du trafic sur le devant des luttes internationales.