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« J’ai été contactée par les islamistes de Daech : ils m’ont dit qu’ils avaient mon fis, Abboud. Si j’envoyais de l’argent, ils l’auraient peut-être libéré, sinon ils le tueraient. »
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Le combat sans fin des journalistes syriens : l’histoire de Fatten, une mère qui a perdu son enfant, une journaliste en révolte pour les droits de la femme au Moyen-Orient
Fatten est une journaliste syrienne qui a échappé le régime pour pouvoir continuer à écrire. Mère d’un fis capturé par Daech, elle n’a jamais cessé de dénoncer la condition des femmes en Syrie et au Moyen-Orient. Aujourd’hui, elle vit en France, où elle espère obtenir le droit d’asile.
Fuir pour continuer à écrire
De la Syrie à la Jordanie, en passant par l’Egypte et la Turquie : le chemin qui a amené Fatten en France est aussi long que l’histoire qu’elle raconte dans sa langue maternelle, l’arabe. À côté d’elle, Omar traduit phrase par phrase dans un anglais approximatif.
Au cours de son récit, Fatten alterne des tons agités avec des pauses qui semblent sans fin, durant lesquelles elle pousse de longs soupirs. À chaque pause, on se demande si elle aura la force de continuer ses confidences. Mais Fatten continue, les mains toujours croisées sur la table, immobile, le regard bas et résigné de celle qui a trop souffert pour s’offrir le luxe d’envisager un avenir plus acceptable.
« Je suis arrivée en France le 5 avril 2018 », commence-t-elle.
Longue pause. En Syrie, Fatten a travaillé comme journaliste, écrivant des articles et des short stories pour un journal national. Elle est également la créatrice de deux séries TV, dont une pour enfants. En 2012, Fatten risque d’être arrêtée en raison de ses articles dans lesquels elle dénonce la condition de la femme en Syrie et est donc contrainte de quitter le pays pour se réfugier en Jordanie.
« Pour m’échapper, j’ai du payer une grosse somme d’argent à la police locale. En Syrie, ça marche comme ça, les gendarmes ferment un œil en échange d’argent ». En Jordanie, les choses ne vont pas mieux pour Fatten : « J’étais dans la rue pendant trois jours, je n’avais pas un endroit où aller et le gouvernement jordanien n’aide pas les réfugiés syriens. Au bout de quelques mois, je n’avais autre choix que de repartir, et j’ai choisi l’Egypte ».
Dire non aux islamistes, ça comporte des risques
En 2012, le Caire ressemble à un autocuiseur prêt à exploser à tout moment. Le régime de Moubarak vient de tomber et la révolte populaire a abouti à l’arrivée au pouvoir du chef de l’armée Morsi, membre des Frères musulmans. Tandis que les forces islamistes s’installent dans la ville comme dans le reste du pays, la vie des journalistes indépendants se complique de jour en jour.
Dans cette jungle de forces divergentes, Fatten est seule: « La ville regorgeait de groupes d’islamistes et certains d’entre eux ont essayé de me recruter, ils m’ont offert une protection en échange de ma coopération à leur cause, mais je ne voulais rien avoir à faire avec eux », dit-elle avec une fierté sans concession dans les yeux.
En quelques mois, la situation s’aggrave.
Menacée par les islamistes à cause de son travail de journaliste, Fatten décide de partir à nouveau pour la Turquie.
« Entre 2013 et 2014, la Turquie était un endroit relativement sûr pour les réfugiés syriens comme moi » témoigne-t-elle. À ce point du récit, Fatten prend une longue pause, regardant ses mains, toujours croisées sur la table, toujours immobiles. Elle plisse les yeux comme pour se recueillir dans une prière intérieure.
Lentement, elle recommence à parler : » Mon fis, Abboud, travaillait comme cameraman entre la Turquie et la Syrie. Il faisait un travail indépendant comme moi. Il a été capturé par Daech « . Fatten fouille dans son sac et sort un stylo et un petit morceau de papier, sur lequel elle écrit en chiffres occidentaux la date à laquelle son fils a été capturé: 26 juin 2013.
Quelques jours après l’enlèvement d’Abboud, Fatten est contactée par Daech via les réseaux sociaux. « Ils m’ont dit qu’ils avaient Abboud et que si j’avais envoyé de l’argent, ils l’auraient peut être libéré, si non ils l’auraient tué ». Quelques jours après, Fatten décide de retourner en Syrie pour chercher son fils, mais sa tentative échoue et elle risque d’être capturée et exécutée par un autre groupe des milices Daech.
De retour en Turquie sans Abboud, Fatten découvre que son bureau de presse a été pris d’assaut par des Turcs proches au régime d’Assad; Fatten se retrouve ainsi sans travail. « La police et les forces gouvernementales turques n’ont rien fait pour m’aider ou pour me protéger », poursuit-elle après un long soupir. Ne pouvant plus travailler, Fatten décide ainsi de contacter le consulat de France à Ankara et obtient un visa français.
Aujourd’hui, Fatten est hébergée à la Maison des Journalistes et attend que l’OFPRA analyse sa demande de droit d’asile. Elle n’a aucune nouvelle de son fils depuis cinq ans.
Souvenir
« Quand je repense à la Syrie, je pense à mon mari, Rateeb : il était un journaliste comme moi et je l’aimais beaucoup, il est mort à 34 ans. Il est la seule belle chose dont je me souvienne ».
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