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République Démocratique du Congo : trois présidents, trois vampires et le « hasard »
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Trois personnes : Joseph-Désiré Mobutu ; Laurent-Désiré Kabila, dit Mzee, et père putatif de Joseph Kabila. Trois vampires, parvenus au sommet de l’Etat « par hasard ». D’où, par ailleurs, les misères du Congo auquel on a attribué, en moins d’un demi-siècle, trois noms différents. Pour, à chaque fois, monter en épingle un faux changement. Et, du coup, faire durablement assoir des régimes dictatoriaux.
A propos de ce changement, en voici la chronologie : Congo-Kinshasa, 1960-1971 (pour faire la différence avec Congo-Brazzaville ; changement pour le moins justifié) ; Zaïre : 1971-1997 (affabulation sortie tout droit de l’esprit retors de Mobutu ; sans justification qui vaille) ; République démocratique du Congo (RD Congo) : 1997 à nos jours (supercherie de Laurent Kabila, pour occulter, dès ses son accession au pouvoir, son autocratie viscérale).
Voilà pour le décor. Reste l’histoire. Mais, une histoire dont un maillon important manque souvent sur sa chaîne ; il a pour nom : hasard. C’est le mal absolu pour le pays, puisqu’il constitue le moteur de l’ascension de ces trois hommes au pouvoir. Or, ce fait n’a jamais été suffisamment pris en compte sur la déroute de la politique congolaise.
Joseph-Désiré Mobutu : retenu sans casting
C’est Joseph-Désiré Mobutu qui ouvre le bal. Intelligent mais tête brûlée. Il est expulsé, après sa première année d’études, de l’école secondaire catholique de Coquilhatville, aujourd’hui, Mbandaka. En 1950, alors qu’il est âgé de 20 ans, il est enrôlé de force dans l’armée coloniale. C’était la règle, à l’époque, pour éviter la « divagation de la jeunesse dévoyée ».
La suite est connue. Un concours de circonstances veut qu’en 1960, Mobutu se trouve à Bruxelles, aux côtés de Lumumba, pour négocier les termes de l’indépendance du pays. Là, un hasard, encore une fois, fait croiser son chemin avec celui d’un certain Larry Delvin, agent de la CIA, chargé de recrutement. Le Congo est dans le collimateur des Etats-Unis, ces derniers étant empêtrés dans la « guerre froide ». Il leur faut un pion en Afrique centrale. Mobutu est retenu pour la besogne sans casting.
C’est son point de départ, qui favorisera sa réintégration à l’armée, où il sera nommé colonel et, de ce fait, deviendra chef de l’armée. Position qui lui permettra, en 1965, avec l’onction de l’Oncle Sam et de la Belgique, de fomenter un coup d’Etat. Il dirigera le pays, en vassal de l’Occident, jusqu’en 1997. Soit pendant trente-deux ans. A travers un règne dictatorial, scandé par un rare culte de la personnalité, à la limite de la déification.
Bilan : destruction, par pans entiers, des structures socio-économiques héritées de la colonisation belge. Le tout couvert par un fleuve de sang. Il n’y allait ni plus ni moins d’un véritable vampirisme : à la fois élimination d’opposants et dilapidation de deniers publics. Le règne du « léopard » (un de ses surnoms de gloire), par l’effet du matraquage de la propagande, fut des plus nocifs pour le mental du Congolais. Aujourd’hui, le peuple congolais est un peuple apathique. Qui laisse faire… Sinon, il n’aurait pas laissé Joseph Kabila faire allègrement main basse sur la démocratie dix-huit ans durant.
L’itinéraire de Mobutu est rectiligne. On ne voit nulle part où il s’est illustré dans le combat pour l’indépendance du pays, alors que telle fut la préoccupation majeure, à l’époque, de tous les « clercs » (lettrés). Sa rencontre avec Lumumba ou Delvin, à l’analyse, n’était que le fait du hasard dont la suite l’a hissé au sommet de l’Etat.
Laurent-Désiré Kabila : une vie de pacha
Vint le tour de Laurent-Désiré Kabila. Un « Katangais » pur jus. Sa date de naissance reste floue : 1939 ou 1941 ? Peu importe. L’homme est intelligeant. Il termine ses études secondaires à l’Institut Saint-Boniface, à Elisabethville, aujourd’hui, Lubumbashi.
Contrairement au chemin parcouru par Mobutu, dicté exclusivement par le hasard, il se forge un destin. En 1959, son talent oratoire l’aide à s’insinuer dans les milieux de la jeunesse politique, où il joue un rôle de leader. Ainsi du « Balubakat » (ancien grand parti politique du Nord-Katanga) ou du Mouvement national congolais (MNC) de Lumumba. Le nom de Kabila est cité en termes élogieux.
Après l’assassinat de Lumumba, en janvier 1961, et l’échec de la rébellion de Pierre Mulele, en 1965, à laquelle il participe activement, il se retire sur les plateaux du Sud-Kivu. Il y crée un maquis, avec une poignée d’hommes, dans la perspective de venir à bout du régime de Kinshasa. Il donne à cet endroit le nom paradisiaque de « Hewa Bora », en kiswahili « l’air pur ». Au cours de la même année, le mythique sud-américain Che Guevara lui rend visite pour le booster, mais l’homme incline plus à la contrebande qu’à une lutte révolutionnaire.
Ainsi mène-t-il une vie de pacha, entre 1966 et 1997, à travers le trafic de l’ivoire et de l’or. Il élit domicile, à Dar es Salam, en Tanzanie. L’idéal politique, face à la toute-puissance du dollar, a lâché prise…
Pendant ce temps, Mobutu n’est plus en odeur de sainteté des Américains. Ces derniers décident de s’en débarrasser, en 1997, avec l’aide des armées rwandaise et ougandaise. L’opération devant revêtir un caractère national, le nom de Kabila émerge dans l’esprit des comploteurs. C’est ainsi qu’il y est associé, à travers l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL), montée de toutes pièces pour la circonstance. Celle-ci marche, en mai 1997, sur la capitale congolaise, faisant du « trafiquant un calife » d’un de plus grands pays de l’Afrique.
Si sa gouvernance est kafkaïenne, sur le plan économique, Laurent Kabila est au moins clairement un vampire, qui porte beaucoup de sang sur les mains. A son actif macabre : le viol et le massacre des sœurs religieuses, à Wamba, en 1965, celui des Hutus rwandais, en 1997, ainsi que l’assassinat de ses compagnons d’armes, Kisase Ngandu et Masasu… Il est assassiné, en janvier 2001, dans des circonstances non élucidées.
N’eût été l’épisode de l’intervention américaine contre Mobutu, ce contrebandier affirmé ne serait jamais parvenu au pouvoir. Le hasard, encore une fois, a joué !
Joseph Kabila Kabange : Président « par défaut »
Enfin, Joseph Kabila Kabange. Il remplace immédiatement son putatif de père, sur décision prise à la hâte par l’armée. Encore en gestation, celle-ci pense que son passage au pouvoir sera rejeté par le peuple. Une façon aussi pour elle d’éloigner tout soupçon sur le meurtre du chef de l’Etat. Ainsi, la désignation du jeune Joseph présenta-t-elle un exutoire parfait, pour l’armée tétanisée. Il devint donc, « président par défaut ».
C’est le plus médiocre, par rapport à ses deux prédécesseurs. Car, il n’a ni la prestance de Mobutu ni la faconde de Laurent Kabila. Ni l’intelligence de l’un ou l’autre. C’est un vrai quidam ! Mais, un manœuvrier, dont l’aspect inoffensif, souligné par un visage poupin, cache un « monstre froid ». Les récents événements tragiques, à travers la marche des chrétiens, à Kinshasa, le démontrent à suffisance. Sa garde prétorienne a tiré sur la foule à balles réelles. Massacre auquel il faut ajouter la découverte des fosses communes, un peu partout, sans compter plusieurs cas de disparitions et d’assassinats ciblés.
Son bilan socio-économique est tout autant médiocre. Marqué par la corruption, le clientélisme et le farniente, son règne a plongé le pays dans une misère indescriptible. Coiffée de son bonnet d’âne, la Rpublique Démocratique du Congo a occupé, en 2017, l’avant-dernière place au classement des pays les plus pauvres de la planète.
Ici, le hasard a brutalement imposé un « homme venu de nulle part » ! Un vampire !
Défauts de la cuirasse
Faut-il plus pour démontrer que c’est le « hasard », coup sur coup, qui a présidé à l’arrivée au sommet de l’Etat de ces trois présidents successifs ? Et que c’est dans les plis de celui-ci que se cachaient et continuent de se cacher les défauts de la cuirasse, à la base du « mal congolais » ?
Pourtant, dans ses définitions, le mot hasard n’endosse pas que le sens négatif. Il laisse également entendre la survenance d’un événement heureux. Tel n’est pas le cas pour la RD Congo. Ce mot devra être pleinement compris, en fonction du résultat de la gestion du pays pendant un demi-siècle, dans son sens négatif : un « mauvais concours de circonstances ».
L’analyse montre que c’est ce « mauvais concours de circonstances » qui a porté à-bras-le corps Joseph-Désiré Mobutu, Laurent-Désiré Kabila et Joseph Kabila Kabange au pouvoir. Or, « sur la route du hasard, il y a plus de chance de rencontrer un diable (muzimu) qu’un envoyé des dieux (musangu) », proclame un proverbe de l’Afrique centrale. C’est tout dire.
Avec les yeux de la superstition, il y a même lieu de voir et de conclure qu’une « chaîne de malédiction » s’était formée pour charrier au pouvoir les personnes issues d’un même pedigree : celui des vampires. Trois personnes, curieusement, liées par les mêmes prénoms : « Désiré », prénom porté à la fois par Mobutu et Kabila père, d’une part, et « Joseph », prénom porté à la fois par Mobutu et Kabila fils, d’autre part. Curieuse homonymie !
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