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Décryptage politique: comprendre la situation brésilienne à la veille du 1er tour
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Le 1er septembre 2018, la candidature de l’ancien Président du Brésil, Luiz Inacio Lula, est invalidée. Le 6 septembre, Jair Bolsonaro, candidat d’extrême droite est victime d’une attaque en public et opéré d’urgence. Le premier tour des élections présidentielle se déroulera le 7 octobre prochain et mille questions flottent encore sur la situation et le déroulement de ces élections.
Aux côtés de l’Argentine, le Brésil fait parti des plus influents pays du Cône Sud (pays marqués par une influence européenne en Amérique latine). Les enjeux des élections présidentielles brésiliennes ne concernent donc pas seulement les locaux mais bien la scène diplomatique internationale. Pays bastion de la corruption politique, la voix du peuple n’y est que peu entendue. Dégoutés des gouvernements successifs, c’est bien la haine de Lula qui dope des candidats « fantoches » comme Jair Bolsonaro et installe un climat de violence au sein même de la campagne présidentielle.
Avec l’aide d’Hervé Théry, géographe, spécialiste du Brésil basé à Sao Paulo et auteur du livre « LeBrésil, pays Emergé » chez Armand Colin, décryptage des circonvolutions de cette campagne présidentielle.
Une démocratie brésilienne forgée par la dictature : 1964 – 1985
Pour comprendre le rapport entre le peuple et la classe politique brésilienne, il est nécessaire de revenir sur les 21 ans de dictature militaire subie par le Brésil entre 1964 et 1985. Le 31 mars 1964, Castelo Branco, chef de la junte, renverse la deuxième République de Joao Goulart. Castelo Branco est bien connu du peuple et grand allié de Washington puisqu’il se fait la main aux côtés de l’armée américaine lors de la campagne d’Italie (Seconde Guerre Mondiale).
Pour prendre le pouvoir, il prétexte une menace communiste sous l’influence de Cuba, mais c’est en réalité une mise au pas de la classe politique vis-à-vis de la puissance militaire. Sous couvert de la doctrine de sécurité nationale, Castelo Branco fait régner un régime marqué par la formule d’une « révolution rédemptrice ».
Si le nombre de morts officiels évalué pendant la dictature ne dépasse pas les 500, les prisons sont pleines. Les tortures font légion sous des noms désormais bien connus, comme celui de l’ancienne présidente du Brésil, Dilma Rousseff, emprisonnée entre 1970 et 1972. A cette pratique, s’ajoute l’exil forcé que la diaspora situe aux alentours de 10 000 personnes.
Si les mouvements d’opposition sont réduits au silence, la révolte étudiante gronde. Le général Ernesto Geisel, Président de cette dictature entre 1974 et 1979, lance un projet de libéralisation politique, prévoyant un retour à la démocratie.
Après lui, Joao Baptista de Oliveira Figueiredo sera le dernier président-militaire. Celui-ci approuve la loi d’amnistie et laisse place aux différents partis politique dont le dernier né: le Parti des Travailleurs – PT -. Le mouvement « Diretas Jà! » – « Des élections directes maintenant » – prend de l’ampleur et en janvier 1985, le Collège électoral élit le député Tancredo Neves comme nouveau président de la République. C’est la fin de la dictature.
Depuis 1985, une relation de défiance et d’attentes
Les brésiliens n’ont eu de cesse de se battre pour leurs droits face à une classe politique écrasante. Les scandales poursuivant les anciens présidents Lula (1er janvier 2003 – 1er janvier 2011) et Rousseff (1er janvier 2011 – 31 août 2016) n’ont fait que gangrener le sentiment de trahison ressenti par une grande partie de la population brésilienne.
En effet, Lula est aujourd’hui victime d’une loi qu’il a lui-même créé: la « ficha limpa ». Celle-ci avait été mise en place à la demande du peuple et « imposée » à la classe politique. Cette loi, littéralement « fiche propre » en français, affirme que tout homme corrompu (casier non vierge) devra être écarté de la vie politique. L’invalidation de la candidature de Lula aux élections présidentielle de cet automne est donc une continuité logique de cette législation.
Lula, la dernière cause du Parti des Travailleurs
Il y a de plus en plus de membres du Parti des Travailleurs – PT – en prison tout simplement car ils étaient au pouvoir. « Lula avait compris le fonctionnement : il fallait acheter les petits partis du centre pour gravir les échelons. Ces partis sont appelés des partis physiologistes, c’est-à-dire corrompus. Mais beaucoup de gens de la droite se sont aussi fait prendre la main dans le sac. »
A ce jour, Lula n’est pas autorisé à recevoir réellement les journalistes, du moins pas en tant que chef du Parti des travailleurs – PT – , mais simplement en tant que prisonnier. Pour Hervé Théry, le PT a comme dernier cheval de bataille l’idée qu’il faut « libérer Lula, c’est un prisonnier politique persécuté ».
« Le parti ne peut pas défendre le bilan de Lula. Ils sont contre la presse ‘bourgeoise’ et parle d’un grand complot, disant que la droite, les élites et la globo font une campagne contre Lula. Je ne pense pas qu’ils en veuillent à la presse en générale, plutôt à la presse économique et de droit ». Selon lui, « Le PT a vraiment besoin d’une cause à défendre et celle-ci s’incarne dans la figure du grand homme bafoué ».
Fernando Haddad, l’héritier du Parti des Travailleurs
Ministre de l’Éducation de 2005 à 2012, sous la présidence de Lula puis de Dilma Roussef, Fernando Haddad met en œuvre une politique de démocratisation des universités, dont l’accès était auparavant largement réservées aux classes aisées. L’attribution massive de bourses aux étudiants permet aux enfants des classes moyennes inférieures et, dans une moindre mesure, à ceux des classes très pauvres, d’entamer des études supérieures.
Entre 2012 et 2016, il devient maire de Sao Paulo. Pour cette élection présidentielle, Fernando Haddad représentera le Parti des Travailleurs – PT – et devra porter le difficile héritage de son parti.
Le candidat controversé Jair Bolsonaro
Candidat bercé par le spectre de la droite, Jair Bolsonaro est victime début septembre d’une attaque au couteau. Toujours vivant, son nom demeure dans les urnes (système d’urnes électroniques) et il est donc toujours un candidat légitime à l’élection présidentielle.
« Il y a un coté martyr qui peut lui servir. Mais il y a aussi cet aspect: il a tellement prêché la violence dans ses discours que ça lui retombe dessus. Je pense que ces deux opinions circulent en ce moment mais je ne peux pas dire laquelle est prédominante. »
Est-il un candidat d’extrême droite? « On ne peut pas parler d’extrême droite, on parle de Bolsonaro. Il n’a pas de parti derrière lui, il en a changé au moins dix fois. Il n’y a que cet homme qui défend des idées si extrêmes que même la droite radicale n’oserait pas embrasser: il est homophobe, raciste, anti-féministe… Ce ne sont même pas des idées, ce sont des foucades. »
Le parallèle entre la candidature de Bolsonaro et la montée du populisme en Europe n’est pas absurde. On parle alors de dégagisme. « Il y a des transferts de vote PT – Bolsonaro comme il y a eu des transferts de vote PC – FN en France. »
La place de la violence dans la campagne politique brésilienne
« C’est un pays très violent, mais bizarrement, pas en politique. C’est pour ça que l’attaque contre Bolsonaro a été un tel choc. Il n’y avait jamais eu le moindre incident durant une campagne malgré les 60 000 décès par assassinat chaque année. Ce fait est en réalité une rupture. On avait déjà entendu parler de coups de feu contre la caravane de Lula a l’époque, mais jamais une réelle attaque. C’est pour ça que chacun, d’un bout à l’autre du spectre politique, a dénoncé cette attaque. »
Sans la candidature de Lula, vers qui les intentions de vote vont-elles se replier?
« Marina Silva (candidate écologiste- féministe-évangéliste et intellectuelle) est favorite apparemment. Les gens qui avaient élu Lula la première fois, ont un profil qui lui ressemble. » Marina Silva est une ex-membre du Parti des travailleurs – PT – , elle est élue sénatrice avant de devenir ministre de l’Environnement de 2003 à 2008.
Le 8 octobre suite au résultat du scrutin, Fernando Haddad l’ombre de Lula, garde la tête sous l’eau. Avec un score de 29,24%, c’est une humiliation évitée pour le candidat du PT. L’ancien maire de Sao Paulo et ministre de l’éducation, sous la présidence de son mentor, apparait comme le dernier, mais fragile, rempart contre Jair Bolsonaro. En effet, le candidat Jair Bolsonaro recueille 46,06% des voix. Mais la bataille du second tour reste incertaine selon les médias.
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