Samedi 15 juin, deux journalistes ont été violemment interpellés à Bangui en Centrafrique. C’est lors d’une manifestation de l’opposition interdite par les autorités, qu’ils se sont vu confisquer et détruire leur matériel. Charles Bouessel et Florent Vergnes, correspondants de l’AFP en Centrafrique accrédités, couvraient la manifestation de l’opposition à Bangui samedi 15 juin lorsqu’ils ont été interpellés.
« Avec Florent, nous tentons de partir (…). L’OCRB nous voit et semble furieux qu’on ait filmé la scène, ils foncent sur nous » a confié Charles Bouessel selon l’AFP. Flavien Mbata, ministre de la justice en Centrafrique a affirmé que les journalistes « ont été interpellés par la police, car ils étaient présents sur les lieux d’une manifestation interdite par la police« .
Retenus plus de six heures Ils ont déclaré, selon l’AFP, avoir été auditionnés trois fois et retenus plus de six heures par des membres de l’Office centrafricain de répression du banditisme (OCRB).
Ils [les journalistes de l’AFP] ont à leur tour tenté de partir lorsqu’ils ont « entendu des tirs à balles réelles ». L’OCRB a alors foncé sur eux car ils ont vu qu’ils filmaient la scène.
Les correspondants de #AFP à Bangui, Charles Bouessel et Florent Vergnes, ont été brutalement interpellés et molestés hier par des forces de l'ordre, puis retenus plus de 6 heures alors qu'ils couvraient une manifestation de l'opposition https://t.co/EsFVCZ0YWn
— Agence France-Presse (@afpfr) June 16, 2019
Récit de l’arrestation de ces deux journalistes
Charles Bouessel, confirmant la version de Florent Vergnes, a affirmé que tout se déroulait bien : les CRS (leur équivalent en Centrafrique) les laissaient filmer jusqu’à ce que les manifestants se dispersent. Ils ont à leur tour tenté de partir lorsqu’ils ont « entendu des tirs à balles réelles ». Mais l’OCRB a foncé sur eux lorsqu’ils ont vu qu’ils filmaient la scène.
« l’un d’eux attrape ma caméra et la fracasse par terre. » raconte Charles Bouessel. Il ajoute » je met les mains en l’air mais je me prend une première claque dans la tête. mon sac à dos où il y a mes papiers, passeport, carte bleue, accréditation presse, est arraché et jeté par terre. je demande à le prendre, ainsi que les débris de mon appareil mais je reçoit seulement des coups ».
Le journaliste est « ceinturé à la gorge »
Florent Vergnes affirme, toujours selon l’AFP, avoir « été ceinturé à la gorge » et s’être « pris des beignes, des coups de crosse de Kalachnikov dans le dos ».
Il ajoute « ils m’ont arraché mon sac, mon appareil photo et mon téléphone ».
Ils ont été arrêtés aux alentours de 15H00 (14H00 GMT) et ont été libérés à 20H48 sans papiers, argent, ni téléphone.
Dimanche matin, Florent Vergnes a consulté un médecin à Bangui pour faire constater les blessures dues à son interpellation. Selon le certificat médical, « ce jour, il présente un volumineux hématome temporal droit, un hématome sur l’omoplate droite, un hématome sur la base du nez et une douleur sur l’articulation temporo-mandibulaire gauche et un trouble de l’articulé dentaire ».
Reporters sans frontières (RSF) n’a pas attendu pour condamner cette agression. L’ONG a notamment réagit sur Twitter en affirmant que « ces mauvais traitements ne doivent pas rester impunis « .
Ces agressions s’ajoutent au triple assassinat de journalistes Russes en juillet dernier et à l’assassinat de Camille Lepage journaliste française tué en 2014, prouvant l’insécurité journalistique qui règne en Centrafrique depuis quelques années maintenant.
Situation en Centrafrique
Le Centrafrique n’arrive pas à sortir de la guerre civile et des violences qui en découlent.
Les attaques contre les médias, les destructions de radios sont permanentes. La situation des journalistes est donc précaire selon Reporters sans frontières (RSF). L’Etat ne contrôle plus la majorité du territoire et les autorité tolèrent de moins en moins la critique par la presse. La censure s’exerce notamment en presse écrite.
L’an dernier, au mois de juillet, 3 journalistes avaient été retrouvés tués.
L’insécurité pour les journalistes n’est pas récente. Il y a 5 ans, la Maison des journalistes accueillait un journaliste centrafricain victime de la répression : « Certains ont détruit ma maison et ont arrête mon petit frère afin d’obtenir des renseignements me concernant. Nous n’avons toujours pas de nouvelles de mon frère à l’heure qu’il est.«
Il faut noter que la République Centrafricaine a perdu 33 places au classement mondial de la liberté de la presse en 2019 et se positionne au 145 ème rang mondial sur 180.