Sinthiourou est une localité situé a environ 480 kilomètres de la capitale Conakry. Les habitants de cette localité située dans la région administrative de Mamou, préfecture de Dalaba, a comme autorité la sous-préfecture de Mombeya. Ce village est un endroit à l’écart, au loin, isolé, qui n’a jamais bénéficié de services publics. Comme ailleurs, la vie des habitants est menacée par des voleurs qui bénéficient de la complaisance des autorités locales.
Les hors-la-loi profitent des méthodes acadabrantesques des autorités locales comme les maires ou les sous-préfets pour passer au travers des mailles du filet. Pire, les victimes se retrouvent menacées par ces autorités pour qui les juges sont inutiles, car c’est eux qui rendent les jugements. Peu importe que le prix demandé soit en-deça du prix de la chose volée, qu’une vie de labeur soit ruinée par des voleurs, que le desespoir envahisse les coeurs. Prisonnier des autorités qui les menacent, c’est souvent les habitants eux-mêmes qui supplient de ne pas emprunter le chemin de la justice, uniquement par peur.
En somme, cette population qui ne bénéficient ni d’accompagnement ni de sécurité de la part de l’état guinéen dans leur quotidien se voient dépouiller de leur bien. Cela fait plus d’un mois que ça dure ! Mais ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de ce qui se passe loin de la capitale et pour lequel les préfets eux-mêmes n’ont pas la main.
Accepter d’être volé ou se préparer aux représailles des autorités locales
Madame Bah Mariama Tala joint au téléphone ce mardi 22 septembre 2020 vers 22 heures était en larmes. Dans sa voix, on ressent la peur. Elle me décrit comment les hors-la-loi terrorise son village.
Circulant en moto, armées jusqu’au dent, adeptes des tirs de sommation, ils ont pour mission d’attraper les beaufs et de les égorger. Ils prennent alors leur part de viande, celle qui les intéresse, et laisse le reste en brousse à la merci des charognards et des animaux sauvages.
Le dernier cas porté à ma conaissance date du jeudi 17 septembre 2020. Ils ont égorgé une vache qui avait accouché d’un veau il y a quelques mois. Ils lui ont pris le cœur et les cuisses arrières. Puis ils ont tiré plusieurs coups de fusils avant de rebrousser chemin.
Avant cela, c’était le taureau de Thierno Oumou Kanté que les assaillants ont égorgé. Pourtant, deux semaines ils sont revenus et ont égorgé la vache de Madame Bah Aminata. « Moi je n’ai pas même pas retrouvé ma vache alors que cela fait une semaine. Nous avons tous très peurs pour notre vie et pour nos bovins. La peur est tellement intense qu’on en parle même pas entre nous. Dorénavant, chaque nuit, on s’attend a tout. Depuis un mois, nous vivons dans cette inquiétude. Nous somme là sans sécurité, nous avons vraiment peur. Nous lançons un appel pressant à l’endroit des autorités a tous les niveaux au président Alpha Condé et de son gouvernement pour nous venir en aide. Nous avons besoins d’être sécurisé. Une vache coute tellement chère et nous est tellement utile, qu’allons-nous devenir ? »
Punissez les voleurs, non la population !
Dès 2015, moi-même, Bah Mamadou Bhoye, natif de ce village nommé Sinthiourou, j’avais subi des menaces quand j’ai interpellé les autorités administratives guinéennes sur les vols et violations des droits les plus élémentaires que subissent ses habitants.
Les faits remonte à 2015 lorsqu’un voleur a dérobé des mouton dans ce village avant d’être interpellé dans la brousse par la population de mon village de Sinthiourou. Le voleur a été remis aux autorités sous-préfectorales de Mombéya.
Il a alors été jugé à la va vite, sans même la présence de juges ! Ces personnes non assermentées, dont le sous-préfet de Mombeya d’alors, le maire de la commune rurale, le président de district de Hafia lié administrativement au secteur de Sinthiourou.
Leur jugement condamnait le voleur reconnu coupable. Sa peine, un paiement de 150 mille francs guinéen a la propriétaire du mouton, soit 15 euros.
Le voleur a versée la somme convenu, surtout qu’elle n’avait rien à voir avec le prix réel du mouton volé.
Quelques jours après le versement de la somme a la propriétaire du mouton, c’est en toute décontraction que monsieur le maire de Mombeya et le président de district de Hafia (toujours en poste) font irruption dans le village de Sinthiourou pour réclamer à la victime la somme qu’elle avait perçue des mains du voleur.
Ces trois acolythes, représentant l’Etat guinéen et la justice guinéenne, ont menacé la pauvre maman qui a fini par remettre l’argent au maire de Mombeya et au président du district d’Hafia.
A ce moment-là, je travaillais à la radio rurale de Pita et en même temps j’enseignais à l’école primaire de Sraya situé a 9 kilomètres du centre de Pita.
Quand j’ai pris connaissance de cette injustice, la violation en flagrant délit des droits les plus élémentaires que subit ma famille, je n’avais pas d’autre choix que de prendre la situation en main. En effet, je suis le seul citoyen de ce village qui a fait des études. En plus je suis journaliste, je me devais donc de dénoncer ses abus. Surtout que je ne suis pas dupe, d’autres villages doivent connaitre le même sort.
Je me suis d’abord rendu dans mon village pour rencontrer ma famille et tiré au clair cette affaire. Il s’est avéré que les faits se sont déroulés comme dit précédemment. Je retournais à Pita et a cherché à joindre le préfet de Dalaba pour lui demander s’il avait la connaissance de cette situation du secteur de Sinthiourou qui relève de sa circonscription administrative.
Le préfet dit qu’il va s’en informer, qu’il va appeler le sous-préfet de Mombeya pour en savoir d’avantage. Le préfet m’avait promis de me faire un retour quand il en sera informé. Effectivement, il avait bien appelé le sous-préfet de Mombeya pour lui demander. L’affaire refaisant surface, les pressions sont montés d’un cran avant de fuser de partout.
C’est a cause de cette situation que mon père fut destitué de son poste de chef secteur du village (éthiquement, dois-je m’en vouloir ?) tandis qu’aujourd’hui les mêmes personnes continuent de menacer ma famille.
A cela s’ajoute, l’insécurité des habitants de ce village. La pression sociale qui s’y diffuse. Les villageois n’ont pas envi que leur réputation soit salie, ils n’ont pas envi que le sous-préfet vienne proférer ces menaces… Mais que faire lorsque ces voleurs de bétail prolifèrent ? Et que faire lorsque les autorités raquettent les victimes de leur compassentation ?
Vous pouvez constater que la situation ne change pas. Comme l’a écrit le prix Nobel de la littérature Wolé Soyinka: « L’homme meurt en tous ceux qui se taisent devant la tyrannie ».
Pour ma part, j’estime que nous nous battrons pour la liberté et que nous dénoncerons toujours les violations des droits humains, l’insécurité des personnes et de leurs biens pour donner un avenir à notre pays, la Guinée Conakry.