Ce lundi 13 février 2023, la MDJ a accueilli l’Initiative Marianne, à l’occasion d’une table ronde. Fondée par l’Elysée en 2021, l’Initiative Marianne a pour vocation d’aider et soutenir des défenseurs des droits du monde entier à construire leur projet. Les 12 lauréats 2023 ont ainsi pu rencontrer les journalistes de la MDJ, afin d’échanger expériences et perspectives.
Leur particularité ? Faire partie des lauréats 2023 de l’initiative. Bahreïn, Bangladesh, Cameroun, Russie, Ouganda, ou encore Venezuela, les quatre coins du monde sont représentés. Ils sont avocats, directeurs d’un institut des droits de l’Homme, fondateurs d’associations, d’agence de publicité ou encore d’ONG, interprètes pour les instituts de l’ONU, consultants en environnement, et sont de fervents défenseurs des droits.
Les journalistes Niaz Abdullah (Irak), Noorwali Khpalwak (Afghanistan), Nadiia Ivanova (Ukraine), Manar Rachwani (Syrie), Laura Seco Pacheco, Wimar Verdecia Fuentes (Cuba), Alhussein Sano (Guinée Konakry) et Elyaas Ehsas (Afghanistan) étaient présents pour échanger autour d’une table ronde avec les lauréats. Au programme, les droits de l’Homme, de presse et d’expression dans les différents pays représentés.
De nombreux partenaires permettent à l’Initiative Marianne de pérenniser sa mission : le ministère des Affaires étrangères favorisant les candidats en France pour six mois, avec le groupe SOS, l’Agence Française de Développement et la Plateforme des droits de l’Homme. Une fois par mois, les lauréats visitent un organisme, association ou institut français pour la protection des droits de l’Homme afin de faire évoluer leur projet. |
La guerre en Ukraine a occupé une certaine place sur la table, évoquée par des défenseurs de droits russes : Tamilla Ivanova, seulement âgée de 23 ans, défendait le droit de manifester et de se rassembler à Moscou, et enquêtait sur les disparitions inexpliquées en Tchétchénie lorsqu’elle a dû quitter le pays au début de la guerre. Des amis activistes avaient été emprisonnés à l’aube du conflit pour s’être exprimés contre l’invasion russe, la poussant alors à s’exiler.
La question des indigènes a également été soulevée à travers les interventions de Virginia Roque Aguilar, activiste environnementale du Salvador et persécutée par le président actuel, ainsi que du Colombien Eliecer Aras, indigène de la Sierra menacé de mort. Originaire du nord de la Colombie, Eliecer Aras a été témoin des politiques d’extermination des peuples indigènes menées par les milices paramilitaires, et dont son frère a été la malheureuse victime.
Recevant toujours des menaces de mort depuis la Colombie, il s’était réfugié un temps en Espagne avant de participer à l’Initiative. Aujourd’hui, Eliecer Aras travaille pour l’Organisation des victimes d’Etat en plus d’être bénévole pour la Croix Rouge.
Le Pérou a également été évoqué avec la défenseure péruvienne Karin Anchelia Jesusi, une femme courageuse se donnant corps et âme pour le peuple et les indigènes de son pays. Elle a expliqué accompagner depuis une quinzaine d’années des femmes ayant subi une stérilisation forcée (politique mise en place par l’Etat), alors que le pays traverse une crise économique et politique considérable.
Karin Anchelia Jesusi a tenu à rappeler qu’environ 60 personnes autochtones sont mortes dans les dernières manifestations, sans qu’aucune enquête n’ait été ouverte, faute d’intérêt du gouvernement. Une violation des droits de l’Homme que la Péruvienne a dénoncé et mis en lumière.
Estelle Lobe, activiste camerounaise de l’environnement et protection des populations locales, aide de son côté à protéger les autochtones vivant dans les espaces forestiers (dévastés par les groupes industriels). Elle a enquêté et exposé depuis plusieurs années « la chaîne de corruption de la zone forestière du bassin du Congo », tout en étant cofondatrice d’une ONG.
Cette dernière s’est fixée pour objectif la protection des déplacés internes et des migrants environnementaux d’Afrique. Autour de la table, Estelle Lobe a rappelé la gravité de la situation des libertés au Cameroun, et du muselage extrême des journalistes dans le pays, évoquant l’affaire du journaliste Martinez Zogo, assassiné en janvier 2023. Le collègue d’Estelle Lobe, originaire du Gabon mais travaillant dans le bassin du Congo, s’était fait tirer dessus il y a quelques semaines et est toujours persécuté à l’heure actuelle. Il a pu s’enfuir du pays depuis, gardant secret sa localisation précise.
Maud Baheng Daizey