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Pour le président ukrainien, “le mot d’ordre est justice.” La semaine dernière, l’Ukraine s’est rappelée un triste événement, qui aujourd’hui est connu par le monde entier par le nom de la ville où il a eu lieu : Bucha. Une petite ville ukrainienne où les Russes ont commis des actes inhumains de torture et de meurtres sur les civils.
Un an plus tôt, les forces armées d’Ukraine avaient libéré Bucha des troupes russes, et s’étaient horrifiées des scènes qui avaient défilé sous leurs yeux.
Dans la ville et selon les sources officielles ukrainiennes, au moins 458 habitants avaient été tués, beaucoup ayant même été torturés avant leur mort.
Au printemps dernier, des photographies et vidéos prouvant l’existence de crimes de guerre perpétrés par les Russes ont circulé sur Internet. Le monde avait été glacé par la cruauté et l’insensibilité avec laquelle les citoyens de la ville ont été massacrés.
L’armée russe avait abattu un cycliste se baladant dans le village et exécuté un groupe de civils faits prisonniers dans l’arrière-cour de la maison d’un des condamnés.
Beaucoup de corps ont été retrouvés avec leurs mains attachées dans le dos. Les cadavres abandonnés baignaient dans des mares de sang à même la rue. L’objectif de ces meurtres n’a pas encore été déterminé, et de nombreuses questions sont restées en suspens, tandis que le choc ne s’est pas dissipé.
Un soutien international en demi-teinte
Il semblait qu’après les massacres de Bucha, la communauté internationale avait changé d’attitude concernant l’invasion russe de l’Ukraine. Mais le soutien du pays attaqué par l’agresseur est resté au même niveau.
Au début du printemps, l’armée ukrainienne a même été confrontée à une pénurie critique de munitions, qui ne peut être reconstituée rapidement en raison du taux de production insuffisant des pays européens de l’OTAN et des failles de la logistique.
Les armes les plus demandées, dont le Commandant en Chef des Forces Armées Valery Zaluzhny et le président Zelensky ont longtemps parlé, n’ont été fournies par aucun des pays supportant l’Ukraine.
À cause de cela, les hostilités perdurant depuis plus d’un an ont pris de plus en plus de vies humaines. La supériorité militaire de l’agresseur était toujours notable dans plusieurs domaines.
De plus, beaucoup se sont entêtés à désigner l’agression militaire russe comme un « conflit », sans séparer la victime de l’assaillant et les plaçant sur un pied d’égalité.
Au sommet dédié au terrible anniversaire de Bucha, le président Zelensky a annoncé le besoin de la création d’un tribunal spécial. Il a souligné que la cause du soi-disant « conflit » était l’action criminelle de l’instigateur :
« Le monde a besoin d’un mécanisme efficace pour punir ceux qui se rendent coupables du crime principal d’agression – le crime qui ouvre la porte à tous les maux d’une telle guerre. C’est en rendant des comptes que l’on apprend aux agresseurs à vivre en paix. Ils doivent être tenus responsables non seulement devant l’histoire, mais aussi devant le tribunal pour tout ce qu’ils ont fait », a-t-il exposé.
Évaluer l’agression criminelle commise par la Fédération de Russie est une chose que la Cour pénale internationale aurait dû faire depuis longtemps.
Mais jusqu’à présent, la seule chose à laquelle la Cour s’est risquée a été de déclarer Vladimir Poutine prétendument responsable du crime de guerre que constitue la déportation d’enfants des régions occupées de l’Ukraine.
Bien évidemment qu’apporter le criminel de guerre qu’est Vladimir Poutine sur la liste internationale des personnes recherchées était une étape primordiale.
Mais l’enlèvement et la déportation d’enfants ne représentent qu’une petite partie des crimes commis par la Russie sur le sol ukrainien. Le reste des horreurs perpétrées par les Russes n’ont toujours pas fait l’objet d’une évaluation juridique et se poursuivent chaque jour.
Un tribunal spécial pour juger les crimes russes ?
L’évolution de l’attitude du président français Emmanuel Macron envers l’agression russe a également été considérée comme insuffisante. En juin 2022, sa phrase « Il ne faut pas humilier la Russie » avait fait le tour du monde et était devenue célèbre. En février 2023, il avait admis qu’il « voulait la défaite de la Russie en Ukraine. »
Mais avec une certaine réserve néanmoins : « Je ne pense pas, comme certains, qu’il faut défaire la Russie totalement, l’attaquer sur son sol. Ces observateurs veulent avant tout écraser la Russie. Cela n’a jamais été la position de la France et cela ne le sera jamais. »
La prudence du président français fut accompagnée de promesses, tout autant prudentes, de livraisons de tanks et d’avions en Ukraine : pour l’instant, rien n’a été livré au-delà des promesses, les AMX-10RCs envoyés à l’Ukraine pouvant difficilement être considérés comme des chars d’assaut à part entière.
Mais Emmanuel Macron ne peut plus demander à ce qu’on n’humilie pas la Russie, car la Cour Pénale Internationale a déjà franchi la ligne rouge le 17 mars dernier, en émettant un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine.
A la fin des événements consacrés au triste anniversaire de Bucha, Volodymyr Zelensky avait déclaré qu’il était crucial que les Ukrainiens obtiennent justice : « le mot-clé est justice », a-t-il martelé.
Le président ukrainien avait exprimé sa foi et confiance envers un tribunal spécial pour juger les crimes de guerre russes, et que son pays participerait activement à sa création.
Les Ukrainiens ont déjà prouvé au monde qu’ils étaient capables de s’opposer seuls aux forces supérieures de l’agresseur, et il ne fait donc aucun doute qu’ils seront également en mesure d’obtenir la justice souhaitée par leurs propres moyens.
Toutefois, la rapidité avec laquelle cela se produira dépendra également de la détermination des alliés de l’Ukraine.
Et il est possible que le nouveau procès de Nuremberg pour les criminels de guerre russes se tienne un jour dans une petite ville ukrainienne — Bucha.
Fedir Vasylenko