Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France
A dix mois de la présidentielle, l’année prochaine, le Sénégal est en ébullition. La tension se cristallise autour de la question ayant trait au « troisième mandat » du président Macky Sall.
L’histoire se répète, car le même problème s’est posé en 2011, quand le président Abdoulaye Wade, son prédécesseur, s’est avisé de rempiler pour la troisième fois. Après ses deux mandats autorisés. Le drame, c’est que cette entreprise s’accompagne toujours d’un bain de sang.
La notion de « troisième mandat » n’est pas un phénomène politique typique du Sénégal.
C’est une formule qui fait florès en Afrique, puisque au moins quatre autres présidents, auparavant, ont adopté la même ligne de conduite afin d’assouvir leur soif du pouvoir : le Burundais, Pierre Nkurunziza, en 2015, le Congolais Joseph Kabila, en 2016, le Guinéen Alpha Condé, en 2019 et l’Ivoirien Alassane Ouattara, en 2020.
Si seul Kabila n’est pas parvenu à ses fins, son échec autant que la réussite de ses trois compères ont été éclaboussés sang.
Partout dans le monde, le pouvoir attire et se dispute, mais le concept de « troisième mandat » semble une spécificité africaine.
Qu’en est-il ? Il s’agit tout simplement du non-respect des termes de la Constitution. Ce fait est comme l’arbre qui cache la forêt, sous lequel s’entremêlent plusieurs éléments associés, opposés aux principes de la démocratie classique.
De tous, domine l’idée de « chefferie » ou l’image de chef coutumier omnipotent, super intelligent et irremplaçable.
« Trop de pays restent à la merci de satrapes dont l’objectif unique est de rester au pouvoir à vie », explique le philosophe et écrivain Achille Mbembe. De là, à truquer les élections ou à modifier les Constitutions, pour gagner en longévité, il n’y a qu’un pas.
En faut-il plus pour établir un lien avec la situation qui prévaut actuellement au Sénégal ? Le président Macky Sall, qui arrive à la fin son deuxième et dernier mandat, en février prochain, ne semble pas vouloir s’en aller. Mais, il ne se prononce pas.
Un troisième mandat illégitime
Dans ce déni des règles démocratiques supposé, on y note la ruse, le refuge au juridisme ainsi que le recours à la brutalité aveugle.
Eléments relevés au Burundi, en RD Congo, en Côte-d’Ivoire et en Guinée, comme dispositif préparant le passage à l’acte. Surtout, dans cette façon de taire les intentions et, de ce fait, de faire tourner l’opinion en bourrique… Abdoulaye Wade a également pratiqué ces méthodes.
Là, c’est le côté pile. Or, sur l’autre versant, le décor a toujours été à la contestation véhémente. A travers un bras de fer sanglant engagé entre pouvoir, d’une part, et partis d’opposition, de l’autre.
Demain, le même scénario risque de se répéter, au Sénégal, si le président Macky Sall persiste à présenter sa candidature. En effet, depuis dimanche 16 avril s’est mise en place une coalition dénommée « M 24 », comprenant partis politiques d’opposition, société civile et syndicats, en vue de se mettre sur la route du chef de l’Etat.
Elle projette l’organisation d’une première manifestation monstre, le 12 mai prochain. Ce sera alors un véritable test pour elle.
Enfin, on en est là qu’aux simples hypothèses. L’année 2023 continue encore son cours. Rien n’empêche que la situation bascule du côté du bon droit. Quoi qu’il en soit, le cas du Sénégal interpelle, car ce pays constitue l’une des vitrines de la démocratie, en Afrique. Avec coups d’Etat : zéro.