En Egypte, les mères ne peuvent pas se déplacer sans le consentement écrit du père de ces derniers. Cette loi sur le statut personnel datée de 1920 couvrant les questions de tutelle, de garde, de mariage et de divorce représente une atteinte grave dans leurs droits et conduit dans certains cas à des situations très complexes. En 2021, un projet de loi visait même à durcir celle-ci.
[par Abeer Elsafty, publié le 09/04/2025]

Pendant que les femmes dans la plupart des pays du monde peinent à obtenir plus de droits ou à améliorer leur statut légal, les Egyptiennes se trouvent dans une autre bataille brutale.
Tandis que certaines femmes ont atteint des positions importantes comme ministre, Première ministre ou présidente, les Egyptiennes sont forcées de se battre pour leur droit de tutelle vis-à-vis de leurs enfants. Une loi leur a privé de ce droit sous prétexte de leur incapacité à prendre des décisions.
Duplication de lois et réalité des femmes égyptiennes
Les gouvernements successifs ont continué d’appliquer des lois discriminantes qui contredisent la plupart des droits humains en termes de justice et d’égalité. L’article 53 de la Constitution statue que les hommes et les femmes sont égaux en droits et en devoirs. Il interdit également toute forme de discrimination basée sur le genre, la religion, les croyances ou les origines.
L’article 11 oblige l’Etat à assurer cette égalité, mais en réalité ces lois ignorent ces principes et occultent de nombreux droits. Le gouvernement patriarcal utilise des lois islamiques comme prétexte pour se soumettre à son engagement en faveur de la justice et de l’égalité. L’Etat place l’homme au-dessus de la femme et fait ainsi d’elle une mère subordonnée. Ainsi, elle n’a plus le droit de décider de leur destin ou de prendre de décision sans se référer à un homme, considéré comme plus sage et plus intelligent.
Le droit de tutelle sur soi-même et sur ses enfants est l’un des droits les plus importants qui ont été retirés aux femmes en Egypte dans le cadre de la loi sur le statut personnel en 1920. Celle-ci est toujours en vigueur à ce jour sans véritable changement, à l’exception de certains articles relatifs à l’âge de l’enfant et aux procédures de litiges.
Alors que la loi égyptienne sur le statut personnel garantie le droit du père de voyager avec ses enfants de manière inconditionnelle. Les mères ne peuvent pas voyager avec leurs enfants sans le consentement écrit du père, même si c’est la mère qui a la garde des enfants.
Je traverse cela en ce moment. Je me suis séparé du père de ma fille lorsqu’elle n’avait qu’un an. J’étais une jeune femme de 20 ans qui débutait ses études, travaillait tout en m’occupant de ma fille après que son père l’ait abandonné. Quand j’ai été arrêté pour mon travail journalistique, ma mère s’occupait d’elle. Alors que ma détention s’éternisait, ma mère tenta de la confier un peu à son père, mais il l’a violemment battue après qu’elle se soit plaint des mauvais traitements qu’elle subissait à ma mère. Ma mère a donc recueilli ma fille et fait un rapport prouvant les abus qu’elle avait subi.
Une fois sortie de prison, je suis retourné m’occuper de ma fille. A ses sept ans, je me suis remarié. C’était la première fois que ma fille prononçait le terme « papa ». Elle a pris le nom de mon mari dans ses papiers et ses cahiers et écrit « Rudy Ahmed Naim » et dit : « C’est mon père, je n’ai pas d’autres père. »
Deux ans après, nous avons eu un enfant, nous étions heureux tous les quatre jusqu’à ce que nous décidions de voyager en dehors de l’Egypte. Nous ne pouvions pas partir avec ma fille.
Lorsque nous sommes arrivés en France, nous essayions par tous les moyens de la ramener à nos côtés, mais à chaque fois, nous nous confrontions à la loi sur le Statut Personnel exigeant le consentement du père pour qu’elle puisse me rejoindre.
Ce père qui n’a pas existé durant près de dix, existe à présent à travers cette loi et contrôle ma vie ainsi que celle de ma fille. Ce père a esquivé toutes ses responsabilités auprès de sa fille et maintenant cette loi peut dicter son avenir.
Quand j’ai essayé de le contacter pour la première fois depuis notre séparation pour lui demander son accord. Il a refusé sans donner aucune raison, sans prendre en compte les besoins de ma fille et son désir d’être avec moi pour vivre une vie plus stable, sure.
La loi ne protège aucunement les droits de mon enfant ni les miens en tant que mère.
Cette crise traverse les générations
Ma fille Rudy âgée de 11 ans me regarde à travers l’écran du téléphone et me dit : « Maman, je veux poursuivre en justice le gouvernement égyptien et demander la modification de la loi. Comment se fait-il que le père puisse voyager avec ses enfants, mais pas la mère ? N’est-ce pas la mère qui porte l’enfant ? »
Je lui ai répondu de ne pas s’inquiéter, que nous trouverions une solution pour se rejoindre.
A la recherche d’espoir
J’ai passé en revue toutes les lois et les conventions internationales que l’Egypte a ratifiées. J’ai notamment constaté que l’Etat a ratifié le Pacte International relatif aux droits civils et politiques sans réserves, tout comme la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes malgré des réserves sur les articles (2/16/29) entre autres sur la garde d’enfant.
Si dans la Constitution, l’égalité homme-femme est garantie, dans les faits, ce ne sont que des mots. Je retourne donc à mes recherches, espérant trouver une solution capable de remplir mon engagement de mère.
D’un côté, la Constitution et la Convention internationale garantissent l’égalité, mais une simple loi nous vole la plupart de nos droits. Comme la majorité des Egyptiennes, je suis confuse et impuissante.
Les pays membres des Nations Unies doivent demander au gouvernement égyptien pourquoi les mères se voient refuser la tutelle de leurs enfants et pourquoi les gouvernements égyptiens successifs poursuivent leurs pratiques sexistes à l’encontre des femmes. Ces pays doivent également reconsidérer l’aide financière qu’ils accordent à l’Egypte pour soutenir les réformes dans divers secteurs, en particulier en ce qui concerne les droits des femmes.
Il est essentiel que le monde entende la voix des femmes égyptiennes et les soutienne dans leurs justes revendications et leur droit à la justice et à l’égalité.
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