“Un bon journaliste est quelqu’un qui sert la communauté » – Témoignage d’un journaliste mauritanien

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dans  par Maria Elena Gottarelli

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« Un bon journaliste est quelqu’un qui sert la communauté »

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Témoignage d’un journaliste mauritanien

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Un bon journaliste est quelqu’un qui sert la communauté. Servir les autres à travers mon travail de journaliste, c’est ma vocation”. L’histoire de MBG, journaliste mauritanien en lutte contre l’injustice.

« Il y a en moi un sens inné de la justice. Ce qui me fait le plus peur, ce n’est pas la mort, ni la douleur, mais de voir l’état de pauvreté de quelqu’un sans pouvoir rien faire pour l’aider. La justice est universelle, elle n’a pas de couleur de peau, d’ethnie ou de religion ».

MBG est arrivé en France de la Mauritanie en avril 2018, laissant derrière lui une famille très nombreuse, une mère constamment en deuil et la communauté de pêcheurs dont lui et son père faisaient partie.

« J’ai un peu plus d’une heure de temps » commence-t-il peu avant le début de l’interview pour la Maison des journalistes, « je ne veux pas arriver en retard à la prière du matin ». En effet, il confie être très religieux. Il porte une robe traditionnelle ornée de motifs oranges et ses yeux, noirs comme le charbon, fuient souvent en direction de l’horizon: peut-être vers la mer où son père et lui ont pêché ensemble si souvent.

Le fait que ses racines soient ailleurs ne lui empêche pas d’être parfaitement intégré dans la petite communauté de la Maison des journalistes : on le voit souvent déambuler dans les couloirs du bâtiment et il connaît déjà presque tous les résidents, avec lesquels il échange des confidences et des plaisanteries amicales. Il parle d’un ton bas et calme, son tempérament est fier, digne et ouvert.

La vie de MBG en Afrique

Insultes, persécutions, menaces: la vie quotidienne de MBG en Mauritanie n’est pas facile. « En tant que journaliste, je me suis toujours fixé un seul objectif: la véracité. Je me fiche de tout, l’intimidation ne m’a jamais fait peur. Lorsque je travaillais en Mauritanie en tant que journaliste, d’abord à la radio puis à la télévision, j’ai toujours pensé à mon père. C’est à lui que je dois mon éducation et ma carrière ».

Quatrième d’une famille très nombreuse, MBG confie avoir toujours eu un rapport privilégié avec son père. « Il m’a responsabilisé très tôt, et quand il y avait un problème à la maison il disait : « Demandez à MBG, il saura quoi faire ».

MBG explique que le mode de vie en Afrique repose entièrement sur le présent. « La philosophie n’est pas d’avoir un compte en banque, mais de répondre aux besoins de la famille aujourd’hui, dans le présent. En Afrique, on ne s’occupe pas de l’avenir, tout ce qui compte, c’est de pouvoir manger et s’habiller aujourd’hui ».

En 1989, MBG était encore enfant quand sa famille est déportée au Sénégal. En fait, la Mauritanie a été, et est toujours, le scénario d’une véritable apartheid, où la minorité blanche persécute et envoie la majorité noire en exil. « En Mauritanie, les mariages mixtes sont interdits, les blancs ont droit à tout ce qu’il y a de mieux et aux noirs ne reste que tout ce qu’il y a de pire. Ils ont volé mon enfance » témoigne-il sur un ton amer.

Une carrière journalistique marquée par l’engagement envers la vérité

Peu de temps avant la mort de son père en 2011, MBG retourne en Mauritanie et commence à travailler d’abord comme rappeur, puis comme animateur et enfin comme journaliste auprès de Nouakchott radio.

En 2014, il est embauché comme présentateur pour Sahel TV, une télévision privée. Il anime une émission intitulée Trade d’Union: « J’invitais  toutes les communautés, noirs et blancs, gens de la majorité et de l’opposition et je les interrogeais sur des questions sensibles telles que le racisme, l’esclavage, l’absence de Droits de l’Homme en Mauritanie et l’exploitation politique de la religion ».

MBG démissionne de Sahel TV lorsque le directeur de la télévision lui empêche d’inviter le dissident politique Samba Thiam, ancien chef du parti d’opposition du FPC, revenu d’un exil de vingt ans au Sénégal.  « J’ai démissionné pour une question de principe. Le réalisateur m’avait accusé d’être un « enflamiste », mais je ne faisais que mon travail ».

Après l’expérience à Sahel TV, MBG se retrouve sans travail et sans argent et se voit contraint de partir au Sénégal, où il ne reste que pour quelques mois.

De retour en Mauritanie fin 2015, il commence à travailler pour Chinguitt TV, dirigeant le département de français. Même ici, les problèmes et les critiques ne tardent pas à venir. « Le directeur m’appelait souvent pour me dire que je devais faire attention, que je parlais de sujets trop délicats, que je risquais de déstabiliser le pays par mes émissions et que si je continuais, l’Etat aurait pu fermer la télévision, ce qui s’est effectivement passé ».

Mais MBG déclare avoir toujours poursuivi un seul objectif: la véracité. « De tout le reste je m’en fichais, le travail d’un journaliste est d’informer et de dire les choses telles qu’elles sont, je n’ai jamais eu peur des autres ou des menaces que j’ai constamment reçues ».

Les menaces, les persécutions

En 2016, MBG assiste en tant que reporter à une manifestation de militants contre l’esclavage. « J’étais au tribunal pour faire un reportage et j’ai d’abord été insulté puis battu par la police. Ils savaient que j’étais journaliste et ils voulaient me faire peur. En Mauritanie, la police est extrêmement corrompue« .

Menaces, persécutions, insultes sont désormais à l’ordre du jour pour MBG. Un jour, alors qu’il se trouve à Kaédi, une ville situé à quelques kilomètres de la capitale, il se fait arrêter par la police qui lui commande d’ouvrir son sac. Au début, Mamoudou refuse d’obéir, mais son sac est réquisitionné par la force.  « À l’intérieur, il n’y avait que mes outils de travail, mon enregistreur, mes écouteurs et une clé USB. L’un des policiers, le blanc, a sorti de sa poche de la drogue et m’a menacé de dire qu’il l’avait trouvée dans mon sac ».

Une seule vocation : servir les autres

À partir de ce moment, MBG sait qu’il est constamment en danger. En février 2018, il est le seul journaliste invité à une conférence de la Banque Africaine de Développement de Côte d’Ivoire. A cette occasion, il prend la parole pour dénoncer les pratiques de certains dirigeants mauritaniens, le manque de solidarité envers la Mauritanie, affectée par les problèmes de l’esclavage et du racisme.

De retour de son voyage, il reçoit de nouvelles menaces de la part de la police. « A ce moment, même sous la pression de ma mère qui n’arrivait plus à dormir la nuit, j’ai réalisé que je devais partir. Lorsque votre honneur et votre dignité sont touchés, vous avez deux choix: soit rester et subir, soit vous protéger et partir. Je n’ai jamais voulu plier la tête devant qui que ce soit et j’ai été obligé de quitter la Mauritanie, dans un certain sens pour continuer à la servir, pour continuer à faire mon travail indépendant ».

Mon rêve ? C’est de servir les gens. Pour moi, rien n’est plus noble que l’acte de servir quelqu’un”.

Aujourd’hui, MBG habite à la Maison des journalistes, mais il est certain qu’un jour il sera de retour dans son pays, où vit encore toute sa famille. Aujourd’hui MBG écrit des articles en français pour l’Oeil de la Maison des Journalistes.

Souvenir

« Je me souviens des conversations avec ma grand-mère, une femme que je respecte beaucoup. Aujourd’hui, elle a cent ans.

Quand j’étais en Mauritanie, elle m’encourageait à continuer mon travail de journaliste, à ne pas baisser les bras. Pour moi, il n’y avait pas de plus grande satisfaction que lorsque les vieux de quatre-vingt-dix ans venaient me voir et me disaient « je reconnais ton travail, je prie pour toi ».

J’ai beaucoup de respect pour les personnes âgées. Aujourd’hui encore, quand je suis dans le métro parisien, je me lève toujours pour leur donner ma place ».

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Maria Elena Gottarelli

Maria Elena Gottarelli est une journaliste en formation.

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