À travers ce nouvel article de la série Carnet d’exil, Jawaher Yousofi, une journaliste afghane, raconte son arrivée dans la capitale française.
Paris, le labyrinthe des merveilles infinies !
La toute première fois que j’ai posée les pieds à Paris, ce ne sont pas ses monuments emblématiques qui m’ont le plus marqué, mais plutôt l’atmosphère sereine et unique de ses cafés nichés au cœur des vieux quartiers. Un après-midi, dans l’un de ces cafés, une tasse de café bouillant entre mes mains, une vieille femme au béret brun et aux cheveux courts est passée devant moi. Elle m’a adressé un sourire, un sourire qui m’a transporté dans les pages du livre Les Misérables de Victor Hugo. Ce fut un instant fugace, mais chargé d’un sentiment profond : Paris, au-delà de son histoire, possède une âme qui invite à l’exploration.
Cette ville, avec ses cafés chaleureux lovés dans des ruelles étroites, ses petites boutiques aux vitrines éclatantes, et ses habitants qui déambulent d’un pas vif dans les rues animées, a un pouvoir captivant. Mais ce qui me fascine le plus, c’est qu’elle ne se laisse jamais appréhender en un seul regard. Paris ne se dévoile jamais complètement. Il y a toujours quelque chose de nouveau à découvrir.
Chaque promenade à travers ses rues ressemble à une incursion dans un monde inédit. Avant de venir ici, j’imaginais Paris comme une carte postale : une ville resplendissante de lumières, des cafés bondés, et la tour Eiffel illuminant le ciel nocturne. Mais en vivant cette réalité, j’ai compris que Paris est bien plus qu’une image figée. Elle est vivante, imprévisible, et chaque coin de rue réserve une surprise ou un défi à relever.
Un après-midi glacial, en marchant le long de la Seine, j’ai ressenti une autre facette de Paris. La Tour Eiffel se dressait majestueusement de l’autre côté du fleuve, mais sa grandeur semblait voilée, comme atténuée par la lumière douce de l’automne. Ce moment m’a rappelé la dualité de la vie : l’éclat apparent des choses cède parfois la place à une beauté plus subtile. Les feuilles dorées jonchaient le sol, craquant sous les pas des promeneurs, tandis que la paisible mélodie du fleuve continuait son cours. Je me suis arrêté, en pensant : « Voilà Paris : une ville où chaque instant invite à s’arrêter pour admirer et découvrir. »
La première fois que je suis allée dans un cinéma ici, j’ai remarqué une différence frappante entre les films européens et les productions hollywoodiennes. Les acteurs et actrices ne sont pas maquillés pour paraître plus beaux, mais pour rendre leurs personnages plus crédibles. Cette authenticité, notamment chez les actrices, transmet un message puissant : une femme est belle dans toutes ses formes et expressions naturelles.
Les normes imposées par le capitalisme, dictant ce que devrait être la beauté féminine, s’effacent ici. Les cheveux ébouriffés avec leurs ondulations naturelles, une peau marquée de quelques imperfections, ou une silhouette éloignée des standards de la mode sont tout aussi séduisants et significatifs.
Et c’est ainsi que Paris se révèle : une ville qu’on ne peut simplement traverser. Il faut l’observer, prendre le temps de l’écouter, et s’ouvrir à ses mystères. Chaque ruelle est une page d’un livre qu’il faut feuilleter avec curiosité. Un vieux commerçant dans une boutique ancienne peut vous transporter dans un autre temps avec ses récits. Dans un café, le voisin à votre table pourrait être porteur d’une histoire inoubliable. Ici, chacun a quelque chose à raconter, qu’il soit Parisien, touriste ou réfugié.
Rien n’est simple à Paris, même lorsque vous traversez la place où trône la Tour Eiffel. Ce monument, si imposant, s’ancre dans votre mémoire, non pas par sa silhouette, mais par les histoires qui l’entourent et qu’il évoque silencieusement. La plus grande révélation que Paris m’ait offerte, c’est qu’elle garde toujours une part de mystère.
Elle se donne, mais jamais entièrement. Elle vous invite toujours à revenir pour chercher, découvrir, et vous émerveiller à nouveau. Paris est une quête infinie, et peut-être est-ce là son véritable charme. Chaque fois que je marche dans ses rues, je me dis : « Il reste encore quelque chose à explorer. »
Pour moi, réfugié dans cette ville, Paris est une découverte quotidienne. Une ville de contrastes, de moments suspendus, mais aussi de défis qui forcent à s’adapter et à évoluer. Ce qui était autrefois un rêve lointain est devenu une réalité à apprivoiser.
Paris, dans son essence, est une mosaïque vivante, un musée des cultures et des peuples où cohabitent harmonieusement des croyances et des traditions diverses. Cette diversité, loin d’être un obstacle, c’est une célébration. Peut-être que le plus beau message que Paris offre au monde est le suivant :
dans nos différences, réside notre beauté commune…
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Jawaher Yousofi a travaillé en tant que journaliste puis comme rédactrice en chef en Afghanistan. Elle s’est également engagée dans l’accès à l’éducation des filles et à l’émancipation des femmes à travers le pays. Plus tard, elle a milité pour l’égalité des chances dans la province de Kaboul et d’Herat.
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