[Par John CHITAMBO LOBE]
Nombreux sont les pays qui ont aboli la peine capitale. Retour sur une longue histoire et sur ses implications multiples alors que la Journée mondiale contre la peine de mort se déroule, comme chaque année, le 10 octobre.
« L’homme est naturellement bon mais c’est la société qui le rend mauvais » nous dit Jean-Jacques Rousseau. Avant 1791, il existait en France, suivant les époques, une multitude de modalités à exécuter avant l’application de la peine capitale, selon le crime et la condition du condamné et après le mouvement abolitionniste qui a été créé en 1757 à Paris, à la suite de la cruelle torture dont fut victime Robert-François Damiens avant son exécution pour l’agression contre Louis XV.
Plus près de nous, en 1975, Amnesty International a intégré la revendication de l’abolition de la peine de mort dans son mandat.
Alors que la Bible, pour sa part, nous dit en substance que personne n’est parfait. Tout le monde est imparfait d’une manière ou d’une autre et que personne n’a le droit de tuer son prochain. Chaque personne mérite un pardon pour les crimes commis. Mais malgré son influence grandissante, la religion chrétienne a eu très peu d’effet sur la peine de mort notamment dans la Rome antique, contrairement au Moyen-Age.
Suivant à la lettre le principe chrétien » Tu ne tueras point « , l’Empire Byzantin marqua une tendance à la suppression de la peine de mort dans beaucoup de cas ainsi qu’une substitution à la peine de mort par la mutilation. Celle-ci déclassait le coupable et le condamnait à mener une vie misérable.
La lointaine origine de la peine capitale
La peine capitale est l’une des premières sanctions pénales qui soit apparue. Elle est présente dans les textes juridiques les plus anciens comme dans le code d’Hammourabi « Œil pour œil, dent pour dent ! ». Elle représente la » clef de voûte des systèmes répressifs jusqu’au 18ème siècle » et reste une loi commune jusqu’au début 19ème siècle où le mouvement abolitionniste commence à prendre de l’ampleur.
Pour les Romains, la peine de mort, en plus de protéger la société, devait permettre de satisfaire la victime, ainsi que dans le cas des peines exemplaires, dissuader les criminels. Cet aspect de la philosophie romaine est issu du Grec Callistrate, qui écrivait dans Digeste que: » les assassins de grand chemin subiraient la peine de la croix à l’endroit même où ils avaient commis leurs crimes, afin que, par ce spectacle terrifiant, les autres soient dissuadés de commettre de semblables forfaits, mais aussi que cette peine, infligée sur le lieu même de l’infraction, soit une consolation pour les parents et les proches des victimes « .
La Journée mondiale contre la peine de mort
La Journée mondiale contre la peine de mort est une initiative internationale ayant lieu chaque 10 octobre depuis 2003, pour lutter contre la peine de mort dans le monde.
Elle a été instituée par la Coalition mondiale contre la peine de mort et elle est officiellement soutenue par le Conseil de l’Europe et l’Union Européenne. À l’occasion de la 5ème Journée, le 10 octobre 2007, cinq millions de personnes ont pétitionné pour l’adoption d’un moratoire par l’Organisation des Nations Unies contre la peine de mort, ce qui fut fait le 15 novembre, la troisième commission de l’Assemblée générale ayant adopté une résolution non contraignante sur le sujet.
La question reste posée
Elle est prévue dans les textes de loi de 100 pays. Seuls 22 des 198 pays du globe ont procédé à des exécutions en 2013. Elle constitue une sanction reconnue bien que réprouvée par les institutions internationales comme l’Organisation des Nations unies (ONU). Les États abolitionnistes sont aujourd’hui majoritaires, mais ils ne représentent encore qu’une minorité de la population mondiale.
La peine de mort, ou peine capitale, est une prévue par une loi consistant à exécuter une personne ayant été reconnue coupable d’une faute qualifiée de « crime capital ». La sentence est prononcée par l’institution judiciaire à l’issue d’un procès. En l’absence d’un procès, ou dans les cas où celui-ci n’est pas conduit par une institution reconnue, on parle d’exécution sommaire, d’acte de vengeance ou de justice privée. La peine de mort est diversement considérée selon les époques et les régions géographiques.
De ce fait, on se pose beaucoup des questions là où elle existe: pourquoi maintenir la peine des morts? Pourquoi l’abolir? Alors que depuis l’Antiquité cette peine a été instaurée pour mettre fin aux crimes considérés comme les plus graves, il reste à savoir aujourd’hui si la peine capitale a pu mettre fin aux crimes ou les limiter. Qu’est-ce que un criminel ? Qui sont ces criminels? N’ont -ils pas le droit de vivre parmi nous d’autant que la peine de mort peut être prononcée par erreur ou par choix politique. Un exemple : le Premier Ministre de la République Démocratique du Congo Patrice Lumumba a été exécuté pour des crimes qui n’ont pas été établis ! De même, de hommes et femmes innocents, défenseurs des droits humains, hommes politiques, journalistes, militaires… ont été mis à mort parce que ils étaient gênants aux yeux des gouvernements dans leurs pays respectifs.
Le point de vue des penseurs
Au regard de cette réalité, qu’en ont dit les penseurs ? Protagoras, évoqué par Platon, critique le principe de vengeance, car une fois que le mal est fait, il ne peut être annulé par aucune action. Ainsi, si la peine de mort doit être infligée par la société, c’est uniquement pour protéger cette dernière contre le criminel ou encore dans un but dissuasif : » Le seul droit que Protagoras connaisse est donc le droit humain, lequel, établi par une collectivité souveraine, s’identifie au droit positif ou au droit en vigueur de la cité. De fait, il trouve sa garantie dans la peine de mort qui menace tous ceux qui ne le respecteraient pas ».
Platon, pour sa part, voit dans la peine de mort un moyen de purification, car les crimes sont une « souillure ». C’est ainsi que dans « Les Lois », il juge nécessaire l’exécution de l’animal ou la destruction de l’objet ayant causé la mort d’un Homme par accident. Pour les meurtriers, il considère que l’acte d’homicide n’est pas naturel et n’est pas pleinement consenti par le criminel. L’homicide est ainsi une maladie de l’âme, qu’il faut autant que possible rééduquer, et, en dernier ressort, condamner à mort, si aucune réhabilitation n’est possible.
Selon Aristote, pour qui le libre arbitre est le propre de l’Homme, le citoyen est responsable de ses actes. Si crime il y a eu, un juge doit définir la peine permettant d’annuler le crime en le compensant. C’est ainsi que des indemnités pécuniaires sont apparues pour les criminels les moins récalcitrants et dont la réhabilitation est jugée possible. Mais pour les autres, la peine de mort est nécessaire selon Aristote.
Le déterminisme humain est le fait de certains penseurs comme Julien Offray de La Mettrie et Denis Diderot. Ils considèrent que, puisque l’Homme n’est pas libre de ses actions qui lui sont dictées par son environnement, sa constitution physique ou encore ses sensations, le seul aspect qui prévaut dans la peine capitale est la protection de la société. À ce sujet, Diderot est plutôt clair : » Le malfaisant est un Homme qu’il faut détruire et non punir « . Montesquieu quant à lui insiste sur la proportionnalité des peines.
L’idée d’un contrat social
Thomas Hobbes considère que le contrat social existe pour assurer l’ordre dans la société, garantissant ainsi sa conservation dans le temps. En rompant ce contrat, le criminel menace la société. Cette dernière est donc en droit de se protéger en condamnant à mort le coupable. John Locke insiste sur l’aspect dissuasif en écrivant que « dans l’état de la nature tout Homme a le pouvoir de tuer un assassin afin de détourner les autres de causer un dommage semblable ».
En 2007, lors de sa première intervention officielle, Ban Ki-Moon n’avait pas condamné l’exécution de Saddam Hussein. Il estimait alors que la question de la peine capitale restait du ressort de chacun des États membres de l’ONU. Des propos qui avaient provoqué un début de polémique, les Nations Unies ayant toujours œuvré pour l’abolition de la peine de mort.
Le droit international est clair
D’après le droit international, un crime capital doit être établi en raison des « crimes les plus graves » et dans le cadre d’une procédure respectueuse du droit des accusés. L’ONU interprète ces dispositions de façon active. D’un côté, elle cherche à limiter la peine de mort au seul cas du meurtre. Elle cherche surtout à faire disparaître les causes les plus graves de crimes capitaux : trafic de drogue, fraude fiscale, appartenance religieuse et opinion politique, homosexualité. Cependant, certains pays refusent les recommandations de l’ONU.
Le fondement philosophique de l’abolitionnisme est que la peine de mort viole les Droits de l’Homme. Le droit à la vie est incontestablement le plus fondamental de tous et ne peut être violé d’une façon aussi ostensible. La peine de mort constitue en outre un traitement inhumain : le moment de l’exécution est une torture psychologique, et aussi l’attente entre la condamnation et l’exécution.
La situation africaine
En Afrique, 17 États sur 48 ont aboli la peine capitale et on observe une évolution positive ces dernières années. En 2009, le Togo et le Burundi ont rejoint les États abolitionnistes. Le Bénin a aboli la peine de mort en juin 2012 et la République Démocratique du Congo s’est exprimée en faveur d’un « moratoire irréversible » et d’une « abolition progressive » en mars 2012. A l’opposé de cette tendance, la Zambie mais le Botswana et la Gambie ont procédé à des exécutions en 2012.
La Commission africaine des Droits de l’Homme et des peuples a appelé à l’abolition de la peine de mort lors de sa 49ème session en 2011 un groupe de travail a été mis en place en 2005.
La situation sur le continent européen
La Biélorussie reste le seul état du continent européen à ne pas avoir aboli la peine capitale. Quatre personnes ont été exécutées depuis 2011, dont deux en mars 2012.
Dans ce contexte, la France continue à s’engager dans la campagne pour l’abolition universelle de la peine de mort par ce que cette peine est : « la négation absolue des droits humains. C’est un meurtre commis par l’état, avec préméditation et de sang-froid » ou encore un « acte de barbarie ».