[Par René DASSIE’]
S’agit-il d’une censure discrète ? En tout cas, un mois après sa parution, « Le choix de l’action », un ouvrage écrit depuis sa prison de haute sécurité de Yaoundé, par l’ancien ministre camerounais de l’Intérieur, Marafa Hamidou Yaya, n’est toujours pas disponible dans les librairies étrangères. Notamment à Paris, où il est très attendu.
Dans cet ouvrage de plus de 400 pages, l’ancien ministre qui a écopé de 25 ans de prison en 2012 pour « complicité intellectuelle de détournement » mais que le Département d’Etat américain considère comme un prisonnier politique, défend le bilan de ses dix années passées à la tête du ministère camerounais de l’Administration territoriale. Il expose un projet politique ambitieux pour son pays. Ce qui n’est visiblement pas du goût des autorités de Yaoundé.
Aux Editions L’Harmattan, éditeur et libraire parisien où l’on trouve la plupart des livres venant d’Afrique, « Le choix de l’action » n’est pas disponible. On laisse laconiquement entendre qu’il y a « un problème à la source ».
On sait que la première édition du livre s’était écoulée en quelques jours, obligeant l’éditeur, Les Editions du Schabel, à lancer une nouvelle impression.
Ce succès de librairie ne suffit cependant pas à expliquer la rareté, voire l’absence du livre à l’étranger. Une censure discrète l’empêcherait de sortir du territoire camerounais. Un voyageur qui se rendait en France ce week-end, et qui a requis l’anonymat pour des raisons évidentes, explique ainsi qu’il a été dépossédé des cinq exemplaires qu’il avait acquis pour des amis, lors d’une fouille à l’aéroport de Douala.
Et il n’est pas le seul à avoir subi ce type de censure personnalisée. Avant lui, une dame avait vu ses deux exemplaires être confisqués, dans les mêmes conditions.
Depuis la sortie du « Choix de l’Action », le régime camerounais fait feu de tout bois, pour en atténuer la portée auprès du public camerounais. Sans succès. Il y a une dizaine de jours, le ministre de l’Enseignement supérieur, Jacques Fame Ndongo, très proche du président Paul Biya, avait publié dans L’Action, magazine de propagande du RDPC au pouvoir, une tribune dans laquelle il tentait de retirer à M. Marafa les mérites qu’il s’attribue dans l’ouvrage. A sa suite, plusieurs seconds couteaux s’étaient relayés dans les médias, pour tenter de dénigrer l’auteur. Ils le présentaient collectivement comme une créature de Paul Biya, devenu opposant sur le tard. Tout en évitant soigneusement de débattre sur les multiples solutions brillamment argumentées que le livre propose, aux problèmes de gouvernance du pays.
Cependant, la manœuvre n’a pas eu le succès escompté et semble même s’être retournée contre ses initiateurs. Selon des indiscrétions, les camarades de parti de M. Fame Ndongo lui reprocheraient d’avoir par son activisme, contribué à la promotion de l’ouvrage et de son auteur, qu’il souhaitait combattre.
Peul du Nord du Cameroun et ancien proche collaborateur du président Paul Biya, M. Marafa Hamidou Yaya avait publié, avant la sortie de son ouvrage, de nombreuses tribunes dans la presse camerounaise et internationale, devenant de fait le chef de file des promoteurs de l’alternance politique dans le pays, par la pertinence de ses idées.