[Par Jean-Jules LEMA LANDU]
En mai et juin, les Burundais seront appelés aux urnes. Pour autant, la présidentielle reste encore sujet à controverse.
Le président en exercice, Pierre Nkurunziza, voudrait rempiler pour un troisième mandat, en violation de la Constitution. Les partis politiques et la société civile s’y opposent. Quelle en sera l’issue ? Le spectre d’une nouvelle guerre civile hante les esprits.
La genèse de l’histoire récente du Burundi est douloureuse. Coups d’Etat à répétition, assassinats de masse, rébellions endémiques et, au bout du compte, une guerre civile, longue de treize ans (1993-2000). Un moment, accablée par des preuves de crimes de sang, la communauté internationale était tentée de qualifier la situation de ce pays de « génocidaire. » On parle de quelque 300 000 morts.
Minuscule pays d’Afrique centrale (23 fois plus petit que la France), le Burundi accède à son indépendance, en 1961, mais il ne tarde pas à basculer dans la violence ethnique et la lutte pour le pouvoir. En 2000, c’est la fin de la guerre civile, après un dialogue politique ardu, à Arusha en Tanzanie, sous la houlette de l’Onu et de l’Afrique du Sud. Basé sur une simple logique des quotas pour le partage de pouvoir entre les Hutu, ethnie majoritaire (80 %) et les Tutsi, ethnie minoritaire (20 %), le compromis semble avoir été équitable.
C’est dans ce cadre-là que le président en exercice, Pierre Nkurunziza (Hutu), a été élu en 2004, et réélu en 2010. « Un mandat de cinq ans, renouvelable une fois », selon la Constitution, en son article 96. Depuis, la concorde et le retour à la paix sont, bon an mal an, en passe de s’inscrire dans la durée.
Les élections, au Burundi, ont toujours été marquées par un climat politique pour le moins délétère : arrestations arbitraires et assassinats ciblés, notamment. Sans, toutefois, réveiller les démons des bisbilles ethniques, ce ferment essentiel des guerres en Afrique. Aujourd’hui, en sera-t-il encore le cas, alors que le président de la République, contre vents et marées, s’apprête à violer la Constitution, dans le but de rempiler pour un troisième mandat ?
La réponse n’est pas aisée. On observe que les leçons de la guerre civile ont appelé les Burundais à transcender, de plus en plus, les clivages ethniques. En témoigne le fait que les partis politiques, qui revêtaient auparavant un caractère ethnique, ratissent large, aujourd’hui, sur la base d’un programme estimé crédible par les adhérents. Déjà, c’est un grand pas sur le chemin de la réconciliation des cœurs.
Cependant, dans un pays où les ambitions politiques sont féroces, cette considération, à elle seule, ne peut prétendre à la vertu d’une panacée. Tout comme, globalement, les accords d’Arusha n’ont pas valeur de parole d’Evangile pour tous les Burundais. C’est le cas d’Agathon Rwasa, ancien grand seigneur de guerre, qui n’avait pas signé lesdits accords. En embuscade depuis plusieurs années, il pourrait profiter de cette « aubaine » pour entraîner le Burundi, encore une fois, dans le chaos. En charge pour le président de la République de la jouer « démocrate ».