[Par Jean-Jules LEMA LANDU]
« Coup de grâce » aux dictatures vacillantes, à la suite du Printemps arabe, décembre 2010, et du coup de balai, novembre 2014, qui en est suivi au Burkina Faso, telle a été l’idée qui avait accompagné ces événements palpitants. Nombreux, à bon droit, ont vite conclu à l’amorce d’un effet papillon qui allait secouer les cocotiers. C’est raté : car, en lieu et place, ce sont des coups d’Etat qui se succèdent.
Hormis la Tunisie qui, bon an mal an, sort la tête de l’eau, tous les autres pays qui ont cédé aux sirènes du cri révolutionnaire tunisien et égyptien « Untel dégage… » sont dans la zone de turbulences. En guerre pour le contrôle du pouvoir, le Yémen et la Libye sont à l’agonie. Le Burundi, à l’exemple du Burkina Faso embarqué par le Printemps arabe, est au bord de la guerre civile.
Dans le lot, seul le Burkina est resté bien en selle, empruntant le chemin de la démocratie suivi par la Tunisie. Un parcours, jusqu’au mercredi 16, sans effusion de sang ni chasse aux sorcières. Comme en Egypte et en Tunisie. En somme, une transition qui attendait de recevoir un vibrant satisfecit, surtout de la part de l’Afrique subsaharienne qui, face au désastre, est à la recherche d’un signe symbolique d’espoir.
C’est sous ce ciel sans nuages, juste à la veille des présidentielles prévues pour le 11 octobre prochain, que le général Diendéré crée la surprise, en fomentant un coup d’Etat. Autant anachronique que vide. A l’image des coups d’Etat ourdis il y a quarante ans, quand les mensonges prévalaient, sans scrupules, sur la vérité. Et quand la jeunesse était plutôt oisive. Aujourd’hui, un tel scénario n’est plus envisageable.
Le scénario laisse perplexe
Le coup d’Etat au Burkina relève d’une manœuvre cousue de fil blanc par les proches de l’ex-président Compaoré pour reprendre le pouvoir afin des préserver leurs avantages, puisqu’ils étaient exclus du processus électoral en cours. De ce point de vue, la similitude est sans appel avec le coup d’Etat du général Sissi, en Egypte, en juillet 2013.
Mais la vacuité du coup d’Etat du principal collaborateur de l’ex-président du Burkina va au-delà du regard porté sur les intérêts matériels. Le général Diendéré fut un des fidèles affidés de Compaoré dans tous les mauvais coups qu’a connus le Burkina Faso vingt-sept durant le règne de ce dernier. Notamment dans l’assassinat de l’ex-président et emblématique Thomas Sankara et de celui du journaliste Norbert Zongo. Le procès de ces dossiers macabres, parmi beaucoup d’autres autant graves, était attendu. Ce sont-là les raisons profondes du coup d’Etat.
Quel était, malgré tout, sa chance de survie, puisqu’il était déjà consommé ? Le scénario laissait perplexe. Hier, les coups d’Etat se réalisaient quasiment sous l’indifférence des peuples. Tel n’est pas le cas, aujourd’hui.
A l’intérieur, la société civile et la jeunesse étaient sur les dents, depuis l’annonce de ce coup de force militaire. La majorité des unités de l’armée (en dehors de la RSP, la garde prétorienne de l’ex-président, responsable du putsch, cantonnée dans la capitale), rejetait le coup d’Etat. Dimanche, la majorité de ces unités avait quitté leurs bases, en province, et encerclaient déjà la capitale.
A l’extérieur, contrairement aux habitudes des pays africains qui adoptent généralement le silence devant les événements de cette nature, le Tchad et le Niger ont ouvertement demandé le retour dans leurs casernes des putschistes. La France, par la voix du président Hollande, était sur la même longueur d’ondes.
Quant à la a Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), celle-ci était sur la brèche, dès vendredi 18, à travers une délégation de médiation composée des présidents Macky Sall du Sénégal et Boni Yayi du Bénin. Les deux dirigeants tentaient de concilier, jusque lundi 21, les positions encore assez divergentes entre les protagonistes.
L’ensemble de tous ces éléments indiquait que le coup d’Etat du général Diaendéré était mal parti. Lundi, à la nuit tombée, les unités qui encerclaient Ouagadougou s’étaient emparées de la ville sans résistance de la part des putschistes.
Heureux dénouement de ces événements qui avaient tout d’un drame à plusieurs dimensions. Encore une fois, le Burkina vient de donner à l’Afrique une leçon à suivre.