[Par Armand IRE’]
Le vendredi 15 janvier 2016, le commissaire du gouvernement (procureur militaire) du Burkina-Faso émet un mandat d’arrêt international en l’encontre de Guillaume Kigbafori Soro président de l’Assemblée Nationale ivoirienne, ex-chef de la rébellion nordiste qui a endeuillé ce pays de l’Afrique de l’ouest durant une décennie. Que reprochent les autorités burkinabées à celui qu’on qualifie de très proche de l’ancien dictateur burkinabé Blaise Compaoré ? Retour sur une affaire d’écoutes téléphoniques qui brouille le réseau entre Ouagadougou et Abidjan.
17 septembre 2015, des bruits assourdissants de bottes résonnent à Ouagadougou, capitale du Burkina-Faso, petit état sans façade maritime de l’Afrique de l’Ouest. Des militaires du tout-puissant régiment de sécurité présidentiel- RSP- d’où est issu le premier ministre de la transition Isaac Zida, font irruption dans la salle du conseil des ministres et enlèvent plusieurs membres du gouvernement et le président de la République. Le coup d’Etat du général Gilbert Diendéré inamovible patron de cette unité sous Blaise Compaoré (et mis sur la touche par les autorités de la transition) vient d’être perpétré. Il durera quelques jours avant de s’achever lamentablement par la reddition du général félon et la mise au pas par une insurrection populaire appuyée par l’armée
Quelques jours après cet autre épisode sanglant de l’histoire du peuple du Faso, des écoutes téléphoniques sont mises en ligne par le journaliste français d’origine camerounaise Théophile Kouamouo et Matt Bouabré un cybernaute ivoirien vivant aux USA . Ces écoutes sont des conversations entre Soro Guillaume le président de l’Assemblée Nationale ivoirienne et Djibril Bassolé ancien ministre des affaires étrangères burkinabè et proche parmi les proches de Blaise Compaoré. Dans la conversation les deux hommes parlent du soutien à accorder aux putschistes que l’union africaine qualifie de terroristes. Soro Guillaume promet une aide financière à Djibril Bassolé pour faire régner la terreur dans le Burkina et desserrer ainsi l’étau autour du général Diendéré et de ses hommes encerclés par l’armée régulière alors qu’ils étaient retranchés à Kosyam, le palais présidentiel du pays des hommes intègres.
Après la publication de cette conversation, on assiste à ce qu’on a appelé la « putschtape » ou « l’affaire des écoutes téléphoniques ». Plusieurs enregistrements sont portés à la connaissance du grand public via les réseaux sociaux. On écoute avec ahurissement la conversation entre Soro Guillaume et le général Diendéré alors refugié à la nonciature apostolique de Ouaga.
Soro nie les enregistrements, son ex-ami Isaac Zida premier ministre de la transition et d’autres responsables burkinabés dont l’actuel président de l’Assemblée Nationale burkinabée les confirment. Ce dernier a vu sa tête mise à prix lors de l’entretien entre Soro Guillaume et Djibril Bassolé. Au cours de ce entretien de plus de dix minutes, le patron de l’ex-rébellion ivoirienne révèle avoir fait tué Ibrahim Coulibaly dit IB, le chef historique de cette rébellion et son rival pour le contrôle de celle-ci. Il fut tué après la prise du pouvoir d’Alassane Ouattara alors qu’il combattait aux côtés des français et de l’Onu pour mettre fin au pouvoir Gbagbo.
Autre aveu de Soro Guillaume le meurtre sur tir à bout portant de Désiré Tagro, ancien ministre de la justice de Laurent Gbagbo et son porte-parole au moment de la crise postélectorale. Malgré tout Soro Guillaume se débat tant bien que mal et l’affaire semble se tasser même si entre-temps les déboires judiciaires de Soro Guillaume à Paris la remettent au goût du jour. En effet, rattrapé par la plainte de Michel Gbagbo le fils ainé de Laurent Gbagbo qui l’accuse de l’avoir séquestré et emprisonné injustement à la chute de son père, Soro a été contraint de quitter Paris où planait sur sa tête un mandat d’amener que la juge Sabine Khéris, doyenne du tribunal de première instance de Paris, voulait coûte que coûte exécuter.
Le répit n’aura donc été pour l’enfant terrible de la politique ivoirienne que de courte durée. Le Burkina veut sa tête et Abidjan proteste mollement sans pour autant le déculpabiliser. Un communiqué de la présidence ivoirienne estime que le mandat d’arrêt à l’encontre de Soro Guillaume s’est fait «… au mépris des règles et des us et coutumes en la matière… » et que cela doit se « …régler par la voie diplomatique et dans le respect des accords qui lient les deux pays afin d’éviter tout différend entre les deux états… ». A coup sûr le processus de criminalisation du chef de l’ex- rébellion nordiste ivoirienne est enclenché et nul ne sera étonné de voir dans les temps à venir la CPI lever l’écrou sur les mandats d’arrêts en l’encontre du camp Ouattara, mandat d’arrêt ou figurerait en première place le nom de Soro Kigbafori Guillaume.