[Par Jean-Jules LEMA LANDU]
Le monde, en dépit de l’absence de conflagration, depuis 1945, n’est pas un long fleuve tranquille. Un pavé, jeté dans son immense cours, peut créer un effet papillon, qui affecte toute l’humanité.
En l’espèce, la présence de l’humanitaire et de son secours sont bienfaisants. Après plusieurs péripéties, il était nécessaire de marquer un temps d’arrêt pour procéder à l’évaluation de l’action humanitaire. Non sans mettre en débat la question liée à sa sécurité. Car, en une décennie, le nombre des tués et des blessés, sur le terrain, a doublé.
D’où le sens de la tenue du premier Sommet mondial de l’humanitaire, organisé par l’ONU, à Istanbul, en Turquie, du 23 au 24 mai.
Pourquoi la Turquie, comme lieu de rencontre ? Ce choix n’a pas été le fruit du hasard, car, plus que tout autre conflit armé actuellement en action sur le terrain, la guerre en Syrie est celle qui menace la paix au monde. Si ses conséquences, par le nombre des réfugiés qu’elle précipite aux quatre vents, tourbillonnent devant les portes de l’Europe, elles frappent aussi la Turquie de plein fouet, puisque cette dernière en héberge quelque 3 millions. Et, dans le cadre de « réguler » le flux des immigrés vers l’Europe, elle a passé des accords avec l’Union Européenne. Parler donc de l’humanitaire dans le pays de Recep Tayyp Erdogan avait tout d’un symbole fort chargé.
Dans le concret, il faut retenir, de prime abord, qu’au-delà du nombre et du rang de ses participants (80 pays représentés, dont la France), le sommet d’Istanbul avait ceci de particulier qu’elle avait réussi à réunir les quatre grandes familles humanitaires : les agences onusiennes, les ONG internationales, le mouvement de la Croix-Rouge et les États. L’ensemble reflétait l’image d’une plate-forme solide.
De l’argent, il en a été question (indirectement), à Istanbul, puisqu’il ne s’agissait pas d’une conférence de donateurs. Il a été tout simplement rappelé qu’il y avait, aujourd’hui, plus de 60 millions de personnes déplacées ou réfugiées et que 125 millions d’autres avaient besoin de secours. Un appel de pied envers les États pour les inciter à regarder l’avenir avec davantage de libéralité. En effet, demande a été faite de constituer un fonds d’urgence à hauteur de 40 millions d’euros.
Plus philosophiques ont été les débats consacrés à la sécurité des humanitaires, question centrale de la rencontre. Ces hommes et femmes qui font face, chaque jour, aux situations inextricables. Parfois, franchement, insurmontables. D’où l’absence, à Istanbul, de Médecins sans frontières (MSF), qui n’exprimaient pas le besoin de s’asseoir autour d’une même table que des pays « complaisants » vis-à-vis de Bachar al-Assad . Preuve que l’humanitaire peut se mêler de la politique et vice-versa. Avec pour effets sur le terrain l’abandon des victimes à leur propre sort, d’une part, et la situation de non protection de l’humanitaire, d’autre part.
Selon Overseas Development Institute, la prévalence de mortalité, en une décennie (1996-2006), est passée de 4 morts pour 10.000 humanitaires par an, à 8 unités. Cette tendance a été tirée vers le haut par un groupe de six pays : Soudan du Sud, Yémen, Syrie, Pakistan, Afghanistan et Somalie.
Que faire donc pour assurer la sécurité des humanitaires ? Le sommet d’Istanbul n’y a pas apporté une solution-miracle, sinon celle de « diminuer la voilure » des associations dans les pays à grands risques, comme le Mali.