[Par Jean-Jules LEMA LANDU]
Le 9 juillet 2011, le Sud-Soudan accédait à son indépendance. « C’est un véritable miracle », proclamait Mgr Paulino Lukudu Loro, archevêque de Juba, capitale du plus jeune Etat du mode. Aujourd’hui, cinq ans après, nous sommes déjà loin du miracle. Celui-ci s’est vite fondu en conflit inter-ethnique des plus sanglants.
Renouant avec le passé, marqué par des affrontements entre les Dinkas et les Nuers, les deux ethnies majoritaires, le pays s’engage sur un chemin chaotique. Semblable, au mieux, à celui qu’avait emprunté l’Angola, au pire, à celui suivi par le Rwanda.
Pourtant, malgré le « miracle » et l’atmosphère de fête, laquelle a couvert tout le pays, en ce jour grandiose, l’incertitude sur l’avenir n’avait pas caché son visage. Sur les tee-shirts portés par la plupart des Sud-Soudanais, on pouvait lire ce slogan : « Keep and Promote Peace ». Rappel lancé à l’endroit de la communauté internationale pour que celle-ci n’oublie pas, par la suite, de promouvoir la paix dans ce pays, vaste comme la moitié du Royaune-Uni, et peuplé de 9 millions d’habitants.
C’est que l’idée d’une guerre prochaine pour le pouvoir entre Dinkas et Nuers était présente dans tous les esprits. A l’exception notoire, un temps, de l’entente formelle scellée pour la lutte d’indépendance contre le Soudan d’Omar El Béchir (Soudan du Nord), les leaders de deux ethnies n’avaient jamais été en phase. Si, hier, les querelles résultaient, surtout, de la question liée à l’accès aux pâturages, la pomme de discorde repose, aujourd’hui, sur le contrôle du pouvoir et son corollaire : la jouissance de la manne pétrolière dont regorge le pays.
Avant l’indépendance, en 1991, alors que le Sud se battait pour arracher sa liberté, Riek Machar (vice-président du pays récemment limogé), un Nuer, tentait de renverser le chef dinka historique de la rébellion, John Garang. Le massacre des Dinkas, à cette occasion, fut d’une rare violence, si bien que les deux ethnies ont fini par se regarder en chiens de faïence. D’où un parcours émaillé d’incidents mineurs, couronnés par les épisodes sanglants de 2013 et de juillet dernier, qui ont jeté sur la route de l’exil près de deux millions de personnes. Dans les deux cas, Salva Kiir, un Dinka, président de la République, accuse Riek Machar et les Nuers de tentative de coup d’Etat.
Cinq ans après la proclamation de l’indépendance, la situation qui prévaut dans ce 54e Etat indépendant d’Afrique inquiète les plus optimistes et pousse à l’interrogation : où va donc le Sud-Soudan ? Pour nombre d’analystes, le parcours suivi par l’Angola et/ou le Rwanda se présente à l’esprit. En Angola ce fut la lutte pour le pouvoir entre deux leaders, jusqu’à ce que l’un soit parvenu à supprimer physiquement l’autre, tandis qu’au Rwanda les raisons ethniques l’emportaient, jusqu’à la commission du génocide des Tutsis par les Hutus. Il y a comme le concentré des deux au Sud-Soudan.
Que fait la communauté internationale devant cette poudrière en sursis ? Elle est restée dans son schéma classique, à travers la présence des dizaines de milliers de Casques bleus « amorphes ». Au départ, 4 200 unités, ils sont aujourd’hui 16 500 soldats…fusils au pied. Tel est le cas, en RD Congo, où la situation demeure dramatique, depuis plus de vingt ans. Mais pour le Sud-Soudan, il faut une autre démarche, sous une « formule prophylactique » contre un nouveau génocide, en Afrique.