[Par Jean-Jules LEMA LANDU]
La situation qui prévaut au Gabon, après les premières heures d’orage, fait bégayer l’histoire post-électorale de l’Afrique. Certes, avec des nuances, qui font de ce petit pays pétrolier d’Afrique centrale une véritable pétaudière. Où se mêlent, avec drame, histoire de famille, alliances d’intérêt, soif inassouvie du pouvoir… Brouillant, pour l’heure, l’horizon immédiat du pays.
A la tête de l‘imbroglio, s’opposent deux individus jadis unis par alliance : Ali Bongo, dont la réélection est contestée, et Jean Ping, l’ex-compagnon de Pascaline, demi-sœur du premier. Ancien cacique du régime. Ils se vouent, paradoxalement, une haine tenace et se battent sans concession pour le pouvoir.
Derrière eux se forment deux camps adverses animés de la même malveillance : l’opposition portée par Ping et renflouée par les transfuges (pour la plupart des proches de la famille Bongo) et le Parti démocratique gabonais (PDG) au pourvoir, dépeuplé; au rang desquels le général Ngiri, propre cousin du chef de l’Etat. Sans oublier la place qu’occupe, en Afrique, le tropisme ethnique.
Un des éléments évoqués ci-dessus n’est pas classique dans la situation qui gangrène le continent. Il s’agit de voir les membres d’une famille s’engager, à ciel ouvert, dans une bataille homérique pour le pouvoir. A l’exception de la Centrafrique et de la Guinée équatoriale. Bokassa, pour le premier pays, et Nguema, pour le second, furent chassés du pouvoir par leurs neveux respectifs, au cours de l’année 1979. Loin de l’implication du grand public, ce qui a permis d’éviter la formation des partisans et des camps, prêts à en découdre.
En Côte d’Ivoire, où la situation fut des plus tragiques, avec plusieurs milliers de morts, le combat n’avait pas mis face à face des membres d’une famille ; au contraire, il avait inclus des dimensions régionales, avec un brin de tonalité religieuse : le nord à dominante musulmane contre le sud majoritairement chrétien.
Rien de tel, au Gabon. Le bras de fer engagé actuellement entre Ali Bongo et Jean Ping relève d’un drame familial à large spectre. C’est le cas d’un groupe, en désintégration, contre un autre groupe, tous portés par un arrivisme insatiable. Autrement dit, c’est une espèce de guerre « des mêmes contre les mêmes », car ils sont tous issus de la même matrice, forgée par la main de feu du président Omar Bongo. Mais, avec, aujourd’hui, deux leaders connotés : Ali Bongo qualifié de « fils illégitime » et Jean Ping de « Chinois », car issu d’un père chinois. A brève échéance, ils seront tous deux perdants.
Ainsi, quel que soit le verdict de la Cour Constitutionnelle, dans quelques jours, à laquelle les deux belligérants viennent de déposer leurs recours, la « question gabonaise » restera-t-elle d’actualité. Demain plus aujourd’hui.
Aujourd’hui, parce qu’étant aux ordres, les Cours Constitutionnelles africaines ne disent pas le droit, mais « lisent la volonté du pouvoir » en place. Quelle serait l’issue de l’affaire en cours ? Du désordre en perspective, si l’un ou l’autre camp perdait ! Et, demain ? Alors que dans l’opposition de nouvelles ambitions auront certainement vu le jour, la lutte pour le pouvoir sera plus âpre encore. Mais, sans les Bongo.
Nous disons : sans les Bongo. Car l’atmosphère est, déjà, celle de fin de règne. Et, d’ici-là, il n’y aura plus de régimes dynastiques, en Afrique. Les Kabila, en RD Congo et les Eyadema, au Togo, au pouvoir, seront déjà passés.