[Par Jean-Jules LEMA LANDU]
Dans une interview à l’hebdomadaire Jeune Afrique, en septembre dernier, le Premier ministre, Manuel Valls, a pris à contre-pied l’ancien président, Nicolas Sarkozy, déclarant : « J’ai la conviction qu’une part de l’avenir de l’Europe et donc de la France se joue en Afrique, et que ce siècle sera celui des Africains. » Il l’a redit, récemment, en Côte d’Ivoire, lors de sa tournée africaine.
Tel ne fut pas l’avis, il y a quelques années, de l’ancien chef de l’Etat : « Économiquement, la France n’a pas besoin d’Afrique. », affirmait-il. En réalité, ces propos renvoyaient, subtilement, à l’image d’une « Afrique de clichés » : misérabiliste.
Le professeur Bernard Debré, ancien ministre de la Coopération, quant à lui, se pose plutôt en farouche défenseur. En 2010, il a plaidé le cas du continent, dans le même hebdomadaire, en évoquant le tâtonnement. « L’Afrique est en marche », voulait-il dire, autrement.
Car, à l’analyse, on s’aperçoit, aujourd’hui, que tous les grands pays du monde couvent des yeux l’Afrique et s’en approchent, à travers des rencontres bilatérales pour « sceller l’amitié » avec elle. Depuis peu, l’Allemagne et d’autres, qui manquaient à l’appel, se bousculent au portillon. Le premier enjeu de cet engouement, à l’évidence, revêt un caractère économique. Cette attitude globale confirme la « conviction » de Valls ainsi que l’opinion exprimée par beaucoup d’observateurs.
Mais, sont aussi nombreux ceux qui épousent un point de vue différent. Tout en s’invitant au débat. Parmi eux, quelques Africains comme la Zambienne Dambissa Moyo et le Malien Moussa Konaté. Leur thèse rejoint celle développée par plusieurs auteurs « afro-pessimistes », dont le journaliste polonais Kapuscinski et le célèbre écrivain britannique Naipaul. L’un affirmait que « l’Afrique n’existe que par la géographie », l’autre parlait de « la malédiction des tropiques ». Économiste de formation, la Zambienne pense, dans « L’Aide fatale », que l’Afrique est condamnée à rester pauvre, à cause de sa propension à vivre de l’aide, tandis que Konaté, dans « L’Afrique noire est-elle maudite ? », emboîte le pas à Naipaul. Et se désespère.
Quid de cette Afrique qui divise tant les opinions ?
L’Afrique dont il est question, aujourd’hui, est située sur un autre versant. Lumineux. Où, en dépit de tout, elle a pris conscience de son existence et revendique son identité. Il s’agit d’un continent doté de richesses naturelles fabuleuses dont le coltan, minerai, qui, pour l’heure, fait le bonheur de la technologie de pointe. Sans oublier sa masse démographique : en 2050, un quart de la population mondiale sera africaine, soit 1,9 milliards de personnes (en majorité jeunes). La mondialisation, en partie, doit passer par là.
Comment, dans cette optique, ne pas associer l’Afrique aux exploits du futur ? Et envisager la coopération tous azimuts avec elle ? Reste à l’accompagner dans son réveil comme le préconisent Jean-Michel Severino et Jérémy Hajdenberg, dans « Quand l’Afrique s’éveille… ». Mais par qui ? Bernard Debré suggérait, en 2010 : « La France a encore un rôle à jouer en Afrique. »
Avis qui n’est pas resté sans écho, car en février 2015, à l’issue de Forum franco-africain, à Paris, la France s’est engagée à « accompagner » le continent dans son développement. « L’Afrique est pleine d’avenir et la France pleine de projets », a-t-on entendu dire. A quand les noces ?